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04/11/2016
«Forse»
Francesco Filidei : Concertino d’Autumno – L’Opera (Forse) – Puccini alla caccia

Ensemble 2e2m, Pierre Roullier (direction)
Enregistré au Studio Sequenza, Montreuil (novembre 2015) – 45’39
L’empreinte digitale ED13247 – Notice bilingue avec livret


 Sélectionné par la rédaction





Il faut saluer la parution de ce disque monographique – au minutage, hélas, un peu faible –, le premier consacré à Francesco Filidei (né en 1973), dont les œuvres données lors du dernier festival Présences (voir ici et ici) révélaient l’une des personnalités les plus talentueuses de la nouvelle musique italienne.


L’illustration de la pochette donne le ton avec ces appeaux, instruments utilisés par les chasseurs afin d’attirer le gibier. Filidei est, à sa manière, un chasseur de l’inouï, à l’affût des sonorités les plus insolites qu’il intègre à une poétique bien à lui. De Sylvano Bussotti, il a hérité l’artisanat soigné, qui passe par une attention particulière attachée à la calligraphie de ses partitions; de Salvatore Sciarrino, un goût pour les textures dont la raréfaction n’a d’égale que la complexité, plongeant l’auditeur dans une sorte de «placenta sonore» (pour reprendre la formule du musicologue Gianfranco Vinay).


La chasse donc, avec le subtil Puccini alla caccia (2006), où la passion avérée de l’auteur de Tosca pour les loisirs cynégétiques sert de prétexte à un tissage sonore suggestif, dispensé par huit joueurs d’appeaux. Hector Berlioz ne nous avait-il pas prévenus, dans son Traité d’orchestration, que «tout corps sonore mis en œuvre par le compositeur est un instrument de musique»? Filidei, qui commit un Esercizio di Pazzia I (2012) pour... ballons gonflables, est coutumier des instrumentariums insolites; s’il joue avec l’incongruité des timbres et ce qu’ils peuvent charrier d’anecdotique, on se persuade bien vite que la pièce est des plus composées, sans le moindre effet gratuit. En filigrane se dessine «Un bel di vedremo», tel un hommage discret au musicien chéri du jeune Francesco.


A Puccini répond Vivaldi dans Concertino d’Autumno (2007) pour flûte à bec, violon et cinq instrumentistes. Les textures aux frontières de l’audible aimantent l’oreille tout en générant un sentiment d’expectative: une musique nocturne et sa faune grouillante que ponctuent les gouttes de pluie du wood-block, déréglée sur la fin par un ostinato. Tout en chuchotement de soie, l’Adagio molto, déchiré par un coup de sifflet, s’enchaîne à l’Allegro conclusif où transitent des phrases extraites des Quatre Saisons.


«Un petit poisson, un petit oiseau s’aimaient d’amour tendre» chantait notre Juliette Gréco. C’est peu ou prou l’histoire de L’Opera (Forse) (2009), sous-titré «huit sketchs en un acte pour récitant et six instrumentistes». Une sorte de théâtre instrumental dont la durée rappelle les trois opéras-minutes de Darius Milhaud. Le livret, signé Pierre Senges (également récitant), joue avec un humour ravageur sur les genres: le poisson, un mulet, est une femelle; l’oiseau, une gélinotte, un mâle; une ambiguïté à laquelle répond l’art instrumental de Filidei, tant il semble impossible de décortiquer, à l’oreille, les alliages de timbres. A défaut de pouvoir jouir visuellement de l’arsenal en action, l’auditeur du disque a toute licence d’ouvrir l’empan de son imaginaire, guidé par des formes bien connues, ici revisitées: «Ouverture de la corneille» (qui se souvient des klaxons inaugurant Le Grand Macabre de Ligeti), «Récitatif de l’oiseau, aria du poisson» (parade amoureuse aux sonorités feutrées), «Duo d’amour», «Cabalette du pêcheur», «Ronde du chasseur», le tout s’achevant par une recette de cuisine pour gélinotte et mulet... Est-ce triste? Est-ce drôle? Peut-être («forse») l’un, peut-être l’autre, mais réjouissant, certainement!


Pierre Roullier et ses musiciens bénéficient d’une familiarité de longue date avec cet univers; cela s’entend.


Après ce jalon significatif, on espère que la superbe Canzone pour harmonica et ensemble, donnée en création mondiale le 10 février dernier à la Maison de la radio, trouvera rapidement sa place au disque.


Afin de parachever en beauté sa résidence auprès de l’ensemble, le compositeur se voit en outre consacrer un livre (bilingue) par les éditions 2e2m. Les textes sont signés Pierre Roullier, Catherine Peillon, Roberta Milanaccio et Maxime Kaprielian (Francesco Filidei - Dans la peau du son, A la ligne, collection éditée par l’Ensemble 2e2m, 174 p., 10€).


Jérémie Bigorie

 

 

 

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