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04/05/2016 Carl Philipp Emanuel Bach : Sinfonias pour cordes en ut majeur, Wq. 182/3, H. 659, et en mi mineur, Wq. 177, H. 652 – Concerto pour violoncelle n° 2 en si bémol majeur, Wq. 171, H. 436 – Sonate pour violoncelle piccolo et clavier en ré majeur, Wq. 137, H. 559 – Concerto pour clavecin et cordes en ré mineur, Wq. 17, H. 420 Francesco Corti (clavecin), Pulcinella Orchestra, Ophélie Gaillard (violoncelle et direction)
Enregistré en l’église luthérienne de Bon Secours, Paris (7-10 septembre 2015) – 82’
Aparté AP118 – Notice (en français, anglais et allemand) d’Ophélie Gaillard et de Gilles Cantagrel
Carl Philipp Emanuel Bach : Concertos pour piano en la mineur, Wq. 26, H. 430, en sol majeur, Wq. 44, H. 477, et en ut majeur, Wq. 20, H. 423
Michael Rische (piano), Kammersymphonie Leipzig
Enregistré à Leipzig (mars et juin 2015) – 55’47
Hänssler Classic HC15046
Carl Philipp Emanuel Bach : Solos a Viola da Gamba e Basso en do majeur, Wq. 136, H. 558, et en ré majeur, Wq. 137, H. 559 – Rondos en mi bémol majeur, Wq. 61/1, H. 288, et en ré mineur, Wq. 61/4, H. 290 – Sonate pour clavier et viole de gambe en sol mineur, Wq. 88, H. 510 – Freye Fantaisie en do majeur, Wq. 59/6, H. 284
Emmanuelle Guigues (viole de gambe), Daniel Isoir (pianoforte)
Enregistré en l’église Sainte Geneviève, Courtomer (1er-4 septembre 2011) – 67’35
AgOgique AGO012 – Notice trilingue d’Emmanuelle Guigues et Daniel Isoir
On ne cesse de redécouvrir l’œuvre protéiforme de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) qui, lien essentiel entre le baroque finissant et le classicisme naissant, nous livre sonates, sinfonias, œuvres vocales et concertantes où domine avant tout la diversité; autant de raisons pour lesquelles il «n’est cependant pas un musicien de transition, mais une grande personnalité à part entière» pour reprendre les mots de Gilles Cantagrel dans un article qu’il lui a consacré il y a quelques années (10 raisons d’aimer Carl Philipp Emanuel Bach, Diapason juillet-août 2014, pp. 32-38). Ces trois nouveaux disques illustrent à merveille le génie de ce compositeur grâce à quatre solistes qui s’en font les ardents défenseurs.
Commençons par Ophélie Gaillard, qui avait déjà signé un premier volume consacré au compositeur allemand avec une indéniable réussite. Avec un programme assez similaire au précédent (deux sinfonias pour cordes, une sonate et, bien sûr, un concerto pour violoncelle), elle livre là de nouveau un disque tout à fait enthousiasmant qui pourrait être une introduction assez idéale à l’œuvre du deuxième des fils Bach. Les deux sinfonias pour cordes, appuyées sur une basse continue dominée par le clavecin de Francesco Corti, offrent chacune un modèle d’équilibre grâce à des mouvements vifs parfaitement enlevés, où l’on est véritablement emporté par la véhémence des cordes emmenées par l’archet de Thibault Noally. On notera néanmoins, et sauf erreur de notre part, une petite faute de référence puisque la Sinfonia en mi mineur est en principe référencée Wq. 177 (H. 652) alors que la Sinfonia Wq. 178 (H. 653) est une version pour orchestre à cordes auquel s’ajoutent deux flûtes, deux hautbois et deux cors (cf. Marc Vignal, Les Fils Bach, Fayard, page 133): dans sa notice, pourtant très bien faite, Gilles Cantagrel ne mentionne aucun des deux catalogues des œuvres de Carl Philipp Emanuel (Helm ou Wotquenne), ce qui tend à confirmer le doute existant quant à la référence de l’œuvre. Dans le Concerto pour violoncelle Wq. 171, Ophélie Gaillard livre une prestation très soignée. Les sonorités de son Goffriller de 1737 sont magnifiques à l’image de ces graves profonds (dans l’Adagio) et de ces aigus d’une finesse chatoyante; épaulée par un Orchestre Pulcinella toujours aussi vif, où l’on entend parfaitement les divers voix et registres (dans l’Allegro assai en particulier), autant dire qu’elle nous livre là la référence de ce concerto. Dans le Concerto pour clavecin Wq. 17, Francesco Corti se caractérise par un côté allant, mais aussi par le subtil jeu des allers-retours avec l’orchestre, notamment dans le premier Allegro. Avec deux solistes de cette trempe, il était normal qu’ils se retrouvent dans une œuvre où chacun pourrait se distinguer et c’est ce qu’on entend avec la très belle Sonate pour violoncelle piccolo et clavier, où le caractère «fantasque» du compositeur souligné par Gilles Cantagrel dans la notice trouve à s’exprimer pleinement dans le mouvement central (un mouvement rapide, encadré par deux mouvements lents!), un Allegro di molto où la complexité technique parvient à être totalement éclipsée par une musicalité foisonnante.
Avec ce disque rassemblant trois nouveaux concertos pour clavier de Carl Philipp Emanuel Bach, Michael Rische réalise son quatrième volume consacré aux concertos de ce compositeur, toujours épaulé par la Symphonie de chambre de Leipzig. Des trois concertos enregistrés ici, deux ont été écrits durant la période berlinoise de C. P. E. Bach (entré au service de Frédéric II en 1740, il reste à la cour de Postdam jusqu’en novembre 1767), le Concerto Wq. 44 datant pour sa part de sa période hambourgeoise (il réside en effet à Hambourg de 1768 à sa mort, en 1788). Déjà les contemporains de ce fils Bach s’extasiaient sur la manière qu’il avait de sublimer le langage du clavier, chaque concerto étant joué ici sur piano moderne. Et le fait est que Michael Rische rend pleinement justice à ces trois concertos à commencer peut-être par le plus célèbre, le Concerto Wq. 26 (1750) qu’il avait lui-même retranscrit pour être joué au violoncelle ou à la flûte. L’orchestre est à la fois nerveux et attentif, jouant à plein les effets de surprise et les côtés tranchants de la partition sans pour autant jamais être brutal. De son côté, Rische s’avère parfois un peu trop précautionneux là où l’on aurait pu attendre un petit surcroît de fantaisie mais il convainc toujours, son toucher léger (impressionnante dextérité de la main droite) enracinant C. P. E. Bach dans le classicisme naissant. Sachant ménager les effets de surprise (le dernier mouvement du Concerto Wq. 44 qui s’achève dans une pirouette délicieuse), Rische sait aussi jouer de façon assez classique le très balisé Concerto Wq. 20 où, finalement, c’est peut-être surtout l’orchestre qui retient notre attention. Une belle réalisation globale, néanmoins, au service d’une intégrale en cours qui, si elle est menée à son terme, s’imposera sans difficulté.
Dans leur disque consacré à diverses œuvres destinées soit à la viole de gambe et au pianoforte, soit au pianoforte seul, Emmanuelle Guigues et Daniel Isoir livrent une interprétation d’une finesse remarquable. Même si la viole de gambe était en perte de vitesse à l’époque de Carl Philipp Emanuel Bach, comme le rappellent les deux musiciens dans leur excellente notice, elle avait encore droit de citer à la Cour de Frédéric II et le compositeur prolifique qu’était le deuxième fils Bach a parfaitement su l’utiliser. C’est d’ailleurs elle qui, sans conteste, domine le duo dans le Solo Wq. 136 qui se conclut par un Arioso tout en délicatesse avec ces brefs ralentis et silences survenant au milieu d’une vivacité bondissante. La dextérité d’Emmanuelle Guigues est impressionnante, notamment dans l’Allegro di molto du Solo Wq. 137, ce qui ne l’empêche évidemment pas de faire preuve d’une musicalité constante, trouvant en Daniel Isoir un partenaire de premier plan. Celui-ci fait également une très belle démonstration de ses capacités avec trois pièces pour pianoforte seul où l’on quitte véritablement l’ère baroque pour aller vers le classicisme germanique (le Rondo en ré mineur en particulier). En fin de compte, la pièce la plus intéressante de ce disque s’avère être peut-être la Sonate Wq. 88, qui réalise un meilleur équilibre entre les deux instruments (contrairement au premier Solo où la viole l’emportait nettement) et qui, en offrant des traits typiquement baroques dans le Larghetto (trilles, cadences...), nous rappelle une fois encore la période charnière à laquelle vécut C. P. E. Bach, décidément un compositeur plein de ressources.
Le site de Francesco Corti
Le site de l’Orchestre Pulcinella
Le site d’Ophélie Gaillard
Sébastien Gauthier
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