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03/07/2016 François Bronner : François Antoine Habeneck (1781-1849) Hermann Musique – 382 pages – 35 euros
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Ce livre dédié à un homme passé à la postérité pour avoir fondé la Société des Concerts du Conservatoire, l’ancêtre de l’Orchestre de Paris, est passionnant. C’est aussi un magnifique éclairage sur la vie musicale à une époque où notamment Wagner, Mendelssohn, Weber, Liszt et Chopin passent à Paris.
François Antoine Habeneck est né à Mézières, dans les Ardennes, le 22 janvier 1781 d’un père allemand, violoniste à l’orchestre de Mannheim et qui plus tard s’engagera comme musicien au service de la France. C’est en Bretagne que François Antoine passera son enfance auprès de ses deux frères, dont l’un, Corentin, deviendra lui aussi musicien. Très tôt mis au violon, François Antoine s’installe à Paris à peine âgé de 20 ans. Il y travaille avec Rodolphe Kreutzer (celui de la Sonate!) et surtout Pierre Baillot, dont il restera proche toute sa vie durant. A cette époque, il croise beaucoup de futurs musiciens, dont certains seront plus tard membres de la Société des Concerts. Premier prix de violon en 1804, il est d’abord violoniste à l’Opéra Comique, puis violoniste du rang à l’Opéra avant de devenir plus tard dans cette même institution premier violon et chef adjoint. De 1805 à 1815, il dirige les « Exercices publics des élèves du Conservatoire » dont la réputation d’excellence grandit rapidement. Entre-temps, il a été nommé professeur adjoint de violon au conservatoire. En 1818, il ressuscite les « Concerts spirituels » créés par Philidor sous Louis XV et dont il gardera la direction jusqu’en 1821. De 1821 à 1824, il est directeur de l’Académie royale de musique avant de devenir en 1825 premier chef d’orchestre de l’Opéra. En 1828, il crée la « Société des concerts », qui deviendra en 1840 la « Société des Concerts du Conservatoire », une association déjà très moderne dans son fonctionnement (votes internes, participation aux bénéfices...), dont il devient le premier directeur musical. Cette incroyable et assez rapide ascension professionnelle est aussi la marque d’une vraie habileté dans une France politiquement instable.
Véritablement passionné par l’œuvre de Beethoven, encore inconnu à Paris, il programme dès les années 1810 la Première Symphonie, puis en 1811 la Symphonie «Héroïque». Mais, c’est surtout une fois la Société des Concerts créée que Habeneck programme plus largement encore la musique de son idole Beethoven. Il faut dire qu’il dispose maintenant d’un orchestre façonné par ses soins et qui triomphe dès le premier concert donné en mars 1828, au cours duquel on entend, outre la Symphonie «Héroïque», des œuvres de Rossini et Cherubini. Dès lors, la réputation de Habeneck en tant que chef et celle de son orchestre, capable de précision, de nuances et d’excellence, sont partout saluées. Ce premier concert est rapidement suivi d’un autre au cours duquel on peut entendre des extraits de Fidelio, de la Missa solemnis et du Christ au mont des Oliviers. Berlioz, présent dans la salle, se dit foudroyé! La création française de la Cinquième Symphonie est elle aussi mémorable: les applaudissements fusent dès la fin du premier mouvement et éclatent même entre les troisième et quatrième mouvements. Plus tard, Habeneck fait aussi découvrir les ouvertures de Berlioz, des extraits du Freischütz, à l’époque encore appelé Robin des bois, et La Création de Haydn. Il crée avec succès le 5 décembre 1830 la Symphonie fantastique de Berlioz et dirige le 9 novembre 1832 la version définitive, modifiée par Berlioz, en présence de rien moins que Victor Hugo, Frédéric Chopin, Georges Sand, Heinrich Heine et Alfred de Vigny. Plus tard, il programme aussi Paulus de Mendelssohn, le Requiem et Don Giovanni de Mozart, les Quatuors de Beethoven en version orchestrale, des lieder de Schubert et certaines œuvres de Liszt et de Chopin.
Les rapports avec Luigi Cherubini, à l’époque directeur du Conservatoire, sont plus simples que ceux avec Berlioz, au caractère imprévisible. C’est pourtant Habeneck qui créera la Grande Messe des morts de Berlioz aux Invalides en décembre 1837, Benvenuto Cellini à l’Opéra en 1838 et Roméo et Juliette en novembre 1839. Richard Wagner, qui est à Paris entre 1839 et 1842, assiste à une Neuvième Symphonie de Beethoven dirigée par Habeneck. Il parle alors d’interprétation et non d’exécution.
Sa fin de vie est plus triste et débute en 1840. Remplacé pour raisons de santé, il ne peut diriger le Freischütz en 1841 et en confie la direction à Battu, qui n’a pas son talent. A la mort de Cherubini en 1842, c’est Auber qui est élu au Conservatoire et non Habeneck. Les rapports avec Berlioz, qui pense avoir pris ses galons de chef, deviennent plus tendus. En 1846, Habeneck est mis à la retraite de l’Opéra, puis en 1848 de ses fonctions d’enseignant avant de n’être plus que directeur honoraire de la Société des Concerts qu’il a fondée en 1828. Il décède le 8 février 1949 à l’âge de 69 ans. L’enterrement se déroule à Notre-Dame de Lorette au son de la « Marche funèbre » de Beethoven et d’un des Requiem de Cherubini. François Antoine Habeneck repose depuis au Père-Lachaise, non loin de la tombe de Luigi Cherubini.
Un livre passionnant sur un musicien qui apparaît incontestablement comme le premier chef d’orchestre moderne. A n’en pas douter, il est appelé à devenir l’ouvrage de référence sur Habeneck.
Gilles Lesur
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