About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

02/13/2016
Leos Janácek : Kacena divoká, JW IV/18 – Coz ta nase brísa, JW IV/22 – Elegie na smrt dcery Olgy, JW IV/30 – 1.X.1905 (Z ulice dne 1. ríjna 1905), JW VIII/19 (arrangement de Leeuw) – Kantor Halfar, JW IV/33 – Vlcí stopa, JW IV/39 – Potulný sílenec, JW IV/43 – Concertino, JW VII/11 – Ríkadla, JW V/17
Collegium Vocale Gent, Het Collectief, Reinbert de Leeuw (direction)
Enregistré en l’église du béguinage de Saint-Trond, Belgique (9-10 mars 2015) – 69’12
Alpha Classics ALPHA 219 (distribué par Outhere) – Notice quadrilingue (sous forme d’entretien avec Reinbert de Leeuw mené par Bart Bruggeman) et textes inclus


 Sélectionné par la rédaction





Sous la direction de Reinbert de Leeuw, le Collegium vocale de Gand et l’ensemble Het Collectief présentent ensemble un programme entièrement consacré à Leos Janácek (1854-1928) qu’ils ont approfondi au concert à plusieurs reprises, y compris en France, au festival de Saintes. Reinbert de Leeuw avait déjà dirigé un programme monographique comparable à la tête du Chœur de chambre des Pays-Bas et de son Ensemble Schönberg il y a bientôt vingt ans, mais ici deux pièces purement instrumentales équilibrent en force et en durée les pièces avec chœur. L’ordre du programme respecte rigoureusement l’ordre chronologique, ce qui permet de saisir l’évolution du compositeur, la grande originalité de son langage étant perceptible dès le début du siècle dernier.


Reinbert de Leeuw propose son propre arrangement pour ensemble de chambre de la Sonate pour piano «1.X.1905». L’effectif est peut-être plus classique, malgré la présence d’un surprenant accordéon, que les effectifs souvent épicés de Janácek – flûte, hautbois, cor anglais, clarinette, clarinette basse, basson, cor, accordéon, deux violons, violoncelle et contrebasse – mais si on peut préférer la poignante retenue bouleversante de la sonate originale, qui évoque si bien les sentiments intériorisés du compositeur devant la mort tragique d’un ouvrier, tué lors d’une manifestation pro-tchèque à Brno, on ne peut qu’apprécier l’adresse de la transcription, qui capte certaines sonorités typiques du compositeur morave, ainsi que la musicalité et la fine sensibilité chaleureuse des exécutants. Pour piano et six instruments – deux violons, alto, clarinette, basson et cor – le Concertino de 1925 se déploie avec toute l’inventivité fantasque de Janácek qui, sans que ce soit programmatique, crée une impression de conte au cœur d’une nature frétillante, son langage d’un modernisme frais et féerique comme celui de La Petite Renarde rusée presque contemporain. Le Het Collectief réussit une prestation captivante des quatre mouvements, diurne et nocturne, solaire et mystérieuse, touchante et enjouée, le piano fringant, impétueux ou rêveur de Thomas Dieltjens toujours efficace.


Les textes que Janácek met en musique ont le plus souvent une portée humaine, dévoilant ses préoccupations concernant la justice sociale et la défense des langues nationales et de la langue tchèque, ce par la poésie indirecte de La Cane sauvage (1885), et Notre Bouleau (1893), ou directement engagés (on pense à 1.X.1905) comme Le Maître d’école, Halfar (1906), sinon par le biais de drames humains tel La Trace du loup (1916), ou parfois dramatiquement personnels comme l’Elégie sur la mort de ma fille Olga (1903), qui prend pudiquement appui sur le beau poème russe de Marta Nikolaevna Veventisa. Par ailleurs, il épouse pleinement le fantasque et la verve décalée des contes et comptines comme en témoignent Le Fou errant (1922) et Ríkadla (1926). Ce qu’il fait de ces textes si divers tient du miracle. Son traitement musical insolite et diversifié, intimement relié aux rythmes de la langue tchèque, déploie la fraîcheur, la fragrance et la profondeur de champ qui lui sont particulières. A cappella ou avec accompagnement, son choix de chœur mixte ou de voix d’hommes ou de femmes avec une absence ou une répartition signifiante de voix solistes s’impose comme une évidence tant les timbres sonnent juste et contribuent à la mise en relief efficace du texte et, bien au-delà, de la musique pure, belle, solidement bâtie et hautement originale, les effectifs instrumentaux requis étant générateurs de sonorités encore inouïes.


A cappella, l’excellent Collegium vocale de Gand interprète à la perfection la retenue plus classique des premiers chants (La Cane sauvage, Notre Bouleau). Les voix d’hommes mènent à bien la tension en constante augmentation du Maître d’école dont la mélodie toute légère de départ se module et évolue stylistiquement vers un fracassant point culminant pour retomber aussitôt en une résignation amère. Le chœur encore efficacement restreint aux voix d’hommes, le choix des trois voix solistes du Fou errant semble judicieux, les timbres mettant en mémoire certains interprètes de La Petite Renarde, comme l’écriture en soi. Thomas Dieltjens au piano lance avec beaucoup de force et de sensibilité l’Elégie sur la mort de ma fille Olga, le Collegium au diapason. Reinbert de Leeuw attribue la partie soliste à un ténor en son registre léger, choix qui se justifie bien que manquent peut-être les accents vacillants d’un ténor de style slave. Rehaussées d’une voix soliste de soprano dramatique, ce sont les seules voix de femmes qui relatent avec une certaine distance mystérieuse le drame nocturne de La Trace du loup, avec le piano tout à fait éloquent de Dieltjens.


La pièce la plus récente, Ríkadla, donne son titre à l’album peut-être parce que ces «Comptines» – dix-neuf délicieuses miniatures pour chœur mixte, ocarina, deux flûtes, clarinette, basson, contrebasson, piano, tambour et contrebasse – font appel tout autant à l’engagement du chœur qu’à celui des instrumentistes. La partition exige une alliance parfaite de jeu d’acteur, de fantaisie de truculence et d’adresse. L’irrépressible Het Collectief s’y donne avec une verve intelligente, une allégresse impertinente et un plaisir évident. Rien n’est à reprocher à la prestation des neuf voix mixtes du Collegium vocale de Gand, mais le contrôle équilibré de l’émission, si admirable par ailleurs, aseptise légèrement la saveur piquante de cette œuvre de caractère, unique en son genre.


La rareté du programme, l’engagement des interprètes et une prise de son rapprochée qui dynamise leur présence constituent les atouts certains de la prestation. Effervescente, pimentée ou d’une intimité touchante, elle peut convaincre les mélomanes qui d’emblée préfèreraient les interprétations plus idiomatiques des phalanges pragoises; elle convaincra sans aucun doute les mélomanes moins au fait de ces pièces ou de la portée universelle de l’univers créatif de ce grand maître morave.


Le site du Collegium vocale de Gand
Le site de l’ensemble Het Collectief


Christine Labroche

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com