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01/06/2016
«English Delight»
Rebecca Clarke : Sonate pour alto et piano
John Dowland : First Book of Songs or Airs: 4. «If my complaints could passions move» – Second Book of Songs or Airs: 2. «Flow my Tears»
Benjamin Britten : Lachrymae. Reflections on a Song of John Dowland, opus 48a
Frank Bridge : Pensiero, H. 53 – Allegro appassionato, H. 82
Jonathan Harvey : Chant
Ralph Vaughan Williams : Six Studies in English Folk Song
Henry Purcell : Oedipus, Z 583: 2. «Music for a while» (arrangement Michael Tippett)

Adrien La Marca (alto), Thomas Hoppe (piano)
Enregistré à la Salle philharmonique de Liège (avril 2015) – 63’15
La dolce volta LDV 22 (distribué par Harmonia mundi) – Notice (en français, anglais, japonais et allemand) sous forme d’entretien avec Adrien La Marca


 Sélectionné par la rédaction





«Poète, prends ton luth; le vin de la jeunesse/Fermente cette nuit dans les veines de Dieu». Rebecca Clarke (1896-1979) mit en épigraphe à sa lumineuse Sonate pour alto et piano (1919) ces mots d’Alfred de Musset tirés de La Nuit de mai. Ils conviennent en tout point au beau récital d’Adrien La Marca (né en 1989) qui, en compagnie de Thomas Hoppe (né en 1971), le consacre entièrement à des compositeurs anglais. Malgré le fil qui relie les compositeurs entre eux, les choix du jeune altiste ne vont pas sans passion et conviction comme le démontre la qualité de la prestation des deux musiciens mais «les liens sacrés entre un artiste et une œuvre» que le label La dolce volta permet à La Marca de révéler lors de ce premier enregistrement en duo sont certainement ceux qui l’attache à la Sonate de Clarke, première œuvre d’envergure travaillée à seize ans au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris avec son professeur, Jean Sulem, et pièce bien connu des altistes parmi les joyaux que le siècle dernier offre enfin à leur instrument.


En trois mouvements d’une respiration franckiste, la Sonate se déploie avec une belle ampleur postromantique, ardente, lyrique et aérée dès le premier mouvement Impetuoso. Le dialogue aux fragrances modales déferle avec force, le piano fluide de Hoppe un ruban ensorcelant autour du beau son de l’alto du jeune Français. Le Vivace, plus endiablé, fait appel à de multiples techniques de jeu de manière ludique mais engagée. Un sobre thème adagio au piano introduit le troisième mouvement, passant à une intensité poétique à deux avant l’explosion de l’Allegro final, qui retrace certains motifs des mouvements précédents. Les variétés d’archet et les phrases sul ponticello de La Marca sont impressionnants de fermeté énergique, la fluidité du doigté de Hoppe souvent en contraste délicat nonobstant des instants de grande force.


Le parcours de Rebecca Clarke devient le fil rouge du programme. Altiste, élève de Charles Villiers Stanford et de ce fait attirée vers les modes et styles de la musique traditionnelle et ceux de la Renaissance anglaise, elle s’intéresse à John Dowland (c.1563-1626) et à Henry Purcell (1659-1695) et partage ses études, ses préoccupations ou parfois son instrument avec Ralph Vaughan Williams (1872-1958), Frank Bridge (1879-1941) et Benjamin Britten (1913-1976). La présence de Chant (1992) pour alto seul de Jonathan Harvey (1939-2012) relève de l’hommage que La Marca souhaite rendre au compositeur récemment disparu.


L’alto aux sonorités de viole assumant la ligne mélodique et le piano le rôle polyphonique du luth, les deux musiciens ont eu la bonne idée de faire précéder les «réflexions» ou variations de Lachrymae (1950) de Britten des deux airs de Dowland qui les sous-tendent. Un certain recours au rubato insolite marque leur prestation, peut-être en écho au style du thème de Lachrymae («If my complaints could passions move») tel qu’il est présenté à la fin de l’œuvre, enchaîné à un passage particulièrement virtuose, la mélodie et l’harmonie originelles de Dowland reprises dans l’esprit d’un choral. Des éclats du thème hantent les douze volets de manière oblique, telles les larmes de «Flow my tears» qui s’impriment au sixième. Les «réflexions» de Britten portent sur le matériau mélodique et s’étendent au vocabulaire harmonique de Dowland et aux mécanismes possibles de la profondeur émotionnelle qui se dégage des deux airs. Les deux instrumentistes affrontent avec adresse et conviction une partition maintenant célèbre dont l’originalité, la complexité, la véhémence lyrique et la grande variété de techniques exigent des exécutants une écoute mutuelle attentive, un grand sens du phrasé et une prouesse instrumentale à toute épreuve. L’alto de La Marca y brille.


Les autres pièces du récital restent proches de la miniature. C’est la nature même des Six Etudes de Vaughan Williams, fondées sur des chants traditionnels anglais et traitées comme des études non de techniques mais d’harmonies et d’harmoniques modaux à la fragrance délicieuse. Amples, nostalgiques, romantiques, les deux petits joyaux (1905 et 1906) d’un jeune Frank Bridge font honneur à la commande de l’altiste Lionel Tertis, qui désirait la mise en valeur des beautés cachées de son instrument, ce grâce aux sonorités généreuses du touchant Pensiero aux échos de chant traditionnel et à la splendeur éclatante des élans de l’Allegro appassionato, un rien plus salonnard. Le sens du mot anglais chant touche au rituel, à l’incantation, à la mélopée, et jusqu’au plain-chant. Chant (1992) de Jonathan Harvey, brève et abrasive, garde l’ambivalence de son titre en se fondant sur un bourdon déchiré d’assauts dans l’aigu. La Marca vient admirablement à bout des enchevêtrements de sons et des rythmes interrompus de cette partition étonnante, chargée de sens. Transcrit pour voix et piano, l’alto assumant ici la «voix», le bref «Music for a while» (1692) de Purcell, à l’origine pour voix et continuo, vient en douce conclusion.


Le récital doit une partie de sa réussite et de son charme au feu de la jeunesse d’Adrien La Marca et à la complicité efficace et attentive de Thomas Hoppe mais c’est pleinement à leur intelligence musicale, à leur adresse, à leur conviction et à leur désir ardent de convaincre que l’on doit le haut niveau de leur prestation.


Le site de l’album
Le site de Thomas Hoppe


Christine Labroche

 

 

 

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