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12/15/2015
Johann Sebastian Bach : Variations Goldberg, BWV 988
Alexandre Tharaud (piano)
Enregistré à l’Auditorium du Conservatoire Darius Milhaud, Aix-en-Provence (22-27 février et 12-14 avril 2015) – 75’13 (+ DVD bonus 62’)
Erato 0825646051779 – Notice de présentation en français, allemand et anglais





Lars Vogt (piano)
Enregistré au studio de musique de chambre de la Deutschlandfunk, Cologne (24-26 mars 2014) – 76’38
Ondine ODE 1273-2 – Notice de présentation en allemand et en anglais





Konstantin Lifschitz (piano)
Enregistré en public dans la Grande salle de la Musikhochschule, Würzburg (27 novembre 2012) – 80’43
Orfeo C 864 141 A – Notice de présentation en français, allemand et anglais


 Sélectionné par la rédaction





On doit approcher les cinq cents versions pour les Variations Goldberg (1740) de Jean-Sébastien Bach (1685-1750). Il faut dire que la partition – par la splendeur de sa forme, la puissance de son contenu et la liberté qu’elle offre aux interprètes pour en diversifier les nuances et les rythmes – est de celles qui donnent prise à une multitude d’interprétations. Ces trois enregistrements – réalisés par d’éminents pianistes (allemand, français et russe) – témoignent de cette diversité.


Lars Vogt (né en 1970) joue les cartes de la richesse dans les sonorités et du tonus dans les rythmiques. Ses Goldberg séduisent par l’unité du souffle et du toucher. L’équilibre entre la tenue de chaque partie et la logique du tout est très rarement pris en défaut. La Vingt-huitième variation est, à ce titre, un modèle de maîtrise du poignet – à faire écouter à tous les pianistes débutants. On aimerait peut-être davantage de fantaisie dans l’énoncé des thèmes et – plus rarement – moins de mollesse dans le tempo (comme dans les ralentis de la Trentième variation, par exemple). Une brutalité excessive pourrait aussi donner l’impression d’un propos trop «brut de décoffrage» par moments – à l’image d’une Huitième variation fort sèche. Mais l’essentiel de cette interprétation hautement recommandable (notamment pour une première approche) emporte l’adhésion.


Alexandre Tharaud (né en 1968) a pris son temps pour livrer sa vision de la partition, comme il l’expose, de façon un tantinet impudique, au début du film (réalisé avec subtilité par Stéphan Aubé) offert en DVD bonus. Le pianiste français déploie plus d’autonomie dans les lignes; plus de liberté rhapsodique aussi. Un toucher d’une exceptionnelle clarté permet notamment d’exalter la grâce de la Sixième variation et de remplir d’évidence la Dix-neuvième (d’une vivacité sculpturale). S’y ajoute une recherche permanente de l’originalité dans le flux dynamique comme dans l’ornementation du propos – à l’image des Dixième, Onzième, Treizième, toutes pleines de trouvailles. Et pourtant, le résultat ne convainc pas pleinement – confiné dans une demi-mesure permanente qui se révèle plutôt fade. Il donne in fine le sentiment d’un discours heurté – comme dans l’ostentation de la Quatrième variation ou dans le surplace de la Neuvième – et qui manque de corps (on pense aux gazouillis de la Septième, qui confondent Couperin et Bach). Peu probant.


Vingt ans après son magistral enregistrement des Goldberg (un disque Denon que tous les amateurs de l’œuvre se doivent de posséder), Konstantin Lifschitz (né en 1976) remet l’ouvrage sur le métier. Si ce disque n’occulte pas de menues imperfections inhérentes au live (un concert bavarois de 2012), il impressionne par la prise de risques autant que par la hauteur de vue d’une interprétation sans concession et sans fadeur. Et il réjouit par le souffle polyphonique de l’ensemble: accélérant sans haleter, sachant prendre des respirations profondes sans assécher le timbre ni la voix.


Un maître est à la manœuvre – prenant des libertés et assumant les audaces. Par son instabilité même, l’Aria dessine d’ailleurs moins un cadre qu’elle ne trace une perspective: celle de l’espoir mais également de l’angoisse. A tel point que les Quatrième ou Septième variations suintent l’effort pour mieux représenter le malaise de l’humanité. De même, la mise en valeur des voix secondaires dans la Neuvième et l’étonnant caractère martial de la Vingt-sixième ne manquent pas de troubler. L’animation des passages les plus virtuoses se fait pourtant sans répit aucun.


On admire plus encore le soin apporté aux transitions. La rhapsodie élégiaque chantée par la Douzième variation s’enchaîne miraculeusement avec une Treizième coulant de source, exécutée à un rythme qui se transforme imperceptiblement en une angoisse sourde, avant d’exploser au milieu d’une Quatorzième qui jaillit pour se faire cure de jouvence (faisant écho aux rythmes implacables de la Vingtième). La même transfiguration est à l’œuvre dans la Vingt-et-unième, qui s’achève dans la poésie de la Vingt-deuxième (comme dans les notes finales de l’œuvre).


On espérait que ce «remake» ressemblât à celui de Glenn Gould: si cet espoir n’est pas entièrement comblé, ce disque n’en reste pas moins épatant et mérite l’oreille de tous les amoureux de Bach. Un disque certes exigeant, plus naturellement destiné aux oreilles déjà coutumières du recueil. Mais un disque qui déborde d’intelligence et d’humanité.


Le site de Lars Vogt
Le site d’Alexandre Tharaud
Le site de Konstantin Lifschitz


Gilles d’Heyres

 

 

 

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