|
Back
12/05/2015
«Ludus Verbalis, Volumes III & IV»
Francis Poulenc : Messe en sol majeur – Quatre petites prières de Saint François d’Assise – Quatre motets pour un temps de pénitence – Salve Regina
Aurélien Dumont : Surgissant à nouveau de la terre
Benjamin Britten : Ad majorem Dei gloriam
Jonathan Harvey : Plainsongs for Peace and Light
György Ligeti : Lux Aeterna
Frank Martin : Messe
Olivier Messiaen : O sacrum convivium
Ensemble Aedes, Mathieu Romano (direction)
Enregistré à la salle Colonne, Paris (novembre 2013 et octobre 2014) – 125’32
Album de deux disques NoMadMusic NMM019 – Livret et texte introductif de Mathieu Romano (en français et anglais)
 Sélectionné par la rédaction
Ce double album de l’Ensemble Aedes vient après les deux enregistrements de musique chorale profane du XXe siècle publiés précédemment par ce chœur et qui avaient été très bien accueillis (voir ici). Sa sortie coïncide avec les dix ans de cet ensemble professionnel, plus ensemble vocal que chœur de chambre en termes d’effectif, fondé et dirigé depuis 2005 par Mathieu Romano. Cet enregistrement réunit des œuvres a cappella des XXe et XXIe siècles, toutes religieuses, à l’exception de la commande faite à Aurélien Dumont.
La Messe de Poulenc qui ouvre le premier disque à la particularité de ne pas comprendre de Credo. L’interprétation d’Aedes permet d’apprécier d’emblée un chœur précis, à l’intonation parfaite et d’une belle sonorité d’ensemble. Quelques raideurs dans les soprani gênent malheureusement la perception de la polyphonie, notamment aux dépens des voix intermédiaires et gêne l’expression de la magie de cette musique toute de pureté. Car si la mise en place est impeccable il manque probablement à cette lecture une fluidité et une émotion consubstantielles à la musique chorale de Poulenc.
Dans les Quatre pièces de Saint François d’Assise pour voix d’hommes seules, les quatre voix sonnent ici égales et riches, notamment les basses. Et c’est un vrai bonheur que de goûter dans tout leur raffinement, d’une part les étonnantes harmonies des parties initiales et centrales de ces pièces et d’autre part, ces résolutions harmoniques si caractéristiques de la fin de ces pièces.
La pièce d’Aurélien Dumont, Surgissant à nouveau de la terre, commande d’Aedes, est une étonnante composition évoquant la Grande Guerre. Utilisant quelques percussions, elle impressionne lors des passages vocaux notamment par son sens des contrastes, du texte et sa variété. L’étonnant passage central qui évoque le chœur d’entrée du Roméo et Juliette de Berlioz et la déploration finale sont particulièrement réussis.
Les Quatre motets pour un temps de pénitence sont également très aboutis et travaillés. Quant au Salve Regina, malgré une belle articulation et des accentuations élégantes, il est sans doute trop sage pour complétement convaincre.
La longue et fascinante pièce de Britten Ad majorem Dei gloriam confirme la maîtrise de la conduite de l’ensemble et de la ligne. Ici aussi l’excellence est plus dans les passages retenus que dans les moments vifs qui, bien que sonores et magnifiquement réalisés, ne convainquent pas complètement. La pièce de Jonathan Harvey fait un peu figure d’intrus dans un programme par ailleurs intelligemment conçu. Le Lux aeterna de Ligeti souffre à nouveau de la présence envahissante des voix aiguës alors même que les voix graves démontrent une belle aisance jusque dans le très bas du registre.
La Messe de Frank Martin, à la réalisation techniquement parfaite, manque par moment de nuances. Le O Sacrum convivium de Messiaen, une des plus pièces les plus fascinantes de toute la littérature chorale, manque d’apesanteur et d’extase. Pour ces deux pièces, Aedes et Mathieu Romano ne parviennent pas à une interprétation miraculeuse comme celle du Rias Kammerchor et Daniel Reuss.
Malgré ces réserves, nous avons ici un bel et intéressant enregistrement de musique chorale par un ensemble vocal d’excellent niveau et dans lequel on perçoit à chaque seconde l’importance du travail choral et musical. Il semble qu’un meilleur équilibre polyphonique, un plus grand contrôle des voix des soprani et un travail plus fin sur les nuances aiderait cet ensemble à progresser vers plus de musicalité. Mais il est vrai que l’effectif d’environ vingt chanteurs et, du moins dans cet enregistrement, la prise de son, sans doute trop auprès des chanteurs et dans une salle qui sonne sèchement, ne facilitent pas la fusion des timbres et la rondeur du son.
Le site de l’Ensemble Aedes
Gilles Lesur
|
