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10/23/2015
Georg Friedrich Händel : Theodora, HWV 68
Sophie Daneman (Théodora), Daniel Taylor (Didymus), Richard Croft (Septimius), Nathan Berg (Valens), Juliette Galstian (Irene), Laurent Slaars (Messenger), Les Arts Florissants, William Christie (direction)
Enregistré à l’IRCAM, Paris (12-20 mai 2000) – 178’10
Coffret de trois disques Erato 0825646098385 – Notice (en anglais, français et allemand) d’Anthony Hicks





Vrai ou faux mais on raconte que, lors de la deuxième exécution de Théodora, échec retentissant dès la première, Händel aurait dit à Thomas Morell, librettiste de l’œuvre, venu le voir dans sa loge le soir de cette représentation: «Les juifs n’y viendront pas (comme à Judas) parce que c’est une histoire chrétienne; et les dames n’y viendront pas, parce que c’est une histoire vertueuse» (Jonathan Keates, Georg Friedrich Händel, Fayard, page 372). Car, pour son avant-dernier grand oratorio – Händel n’écrivit plus ensuite que The Choice of Hercules et surtout Jephta, créé en février 1752 –, le grand compositeur subit une de ses plus grandes déconvenues en dépit d’une équipe de chanteurs dominée par le castrat Gaetano Guadagni dans le rôle de Didymus.


Fondé sur une nouvelle de Robert Boyle, elle-même adaptée par Thomas Morell, Théodora délaisse l’inspiration biblique pour se consacrer à la jeune martyre chrétienne Dorothée. Alors que Valens, gouverneur romain d’Antioche, souhaite que la population locale honore l’Empereur, Dorothée refuse, suscitant la colère du Romain, qui la fait emprisonner. C’est dans ce contexte que Didyme, officier romain tombé amoureux de Théodora et converti au christianisme comme elle, tente d’intercéder en sa faveur, mais la jeune femme n’en est pas moins emprisonnée. Aidé de son ami Septime, Didyme tente de prendre la place de Théodora en se déguisant mais le stratagème est découvert et Didyme est mis à mort. Théodora regagne alors la prison pour partager le sort de son amant.


L’œuvre, quelque peu disparate, a connu bien des coupures, des emprunts, des changements de la part de Händel, de telle sorte que certaines versions sont beaucoup plus brèves que celle livrée ici par William Christie et ses Arts Florissants. Ainsi, par exemple, celle enregistrée par Harnoncourt en concert à Vienne le 6 mars 1990 fait-elle presque une heure de moins que le présent enregistrement (qui tient sur trois disques au lieu de deux pour le chef autrichien)! Et quel dommage de nous priver ainsi de certains airs (un d’Irène à la troisième scène de la première partie, un de Septimius à la scène 5, un air de Théodora concluant la deuxième scène de la deuxième partie...) qui contribuent pourtant à façonner les personnages et à rendre à l’action toute sa cohérence.


Même s’il est moins puissant que dans Israël en Egypte par exemple, quel chœur que celui requis pour Théodora! Et avec celui des Arts Florissants, on passe de merveille en merveille tant celui-ci est irréprochable, épaulé par un orchestre d’une opulence et d’une implication sans faille. Qu’il soit triomphant («And draw a blessing down» à la première scène de la première partie), empli de joie («Blest be the hand» au début de la troisième partie) ou d’une douceur surnaturelle («Come, mighty Father» à la fin de la scène 3 de la première partie), le chœur des Arts Florissants apparaît comme un des triomphateurs de cette réédition. Parfaitement conduit par William Christie, qui rappelle ainsi à qui l’aurait oublié quel interprète de Händel il est – il vient encore de le prouver en dirigeant il y a peu plusieurs représentations scéniques de Théodora au Théâtre des Champs-Elysées –, l’orchestre distille ses charmes de bout en bout, illustrant par ses couleurs et ses variations rythmiques – voilà une version qui laisse respirer l’orchestre et qui ne craint pas les silences imposés par l’œuvre – la richesse de cet oratorio.


Les solistes vocaux sont tous excellents mais ce sont surtout les voix masculines qui retiennent l’attention. A commencer par Richard Croft dans le rôle de Septime: quel chanteur! Bénéficiant d’une projection et d’une prononciation au-dessus de tout éloge, il livre un «Dread the fruits of Christian folly» de toute beauté, sans compter ses airs à la troisième scène de la deuxième partie ou, surtout peut-être, son magnifique «From Virtue springs each gen’rous deed» à la scène 5 de la troisième partie qui, à lui seul, justifie l’achat de ce coffret. Dans le rôle de Valens, Nathan Berg est excellent mais presque trop beau: pour son air rageur «Racks, gibbets, sword and fire», on aurait aimé davantage de hargne voire de vulgarité mais comment ne pas succomber? Daniel Taylor campe un Didyme à la fois fragile et courageux qui bénéficie lui aussi de quelques airs à marquer d’une pierre blanche («Streams of pleasure ever flowing» à la fin de la troisième partie), dont ce duo avec Théodora, «To thee, thou glorious son of worth», à la scène 5 de la deuxième partie, qui est bouleversant.


Bien qu’elle n’ait que peu d’airs à son actif, Juliette Galstian incarne une Irène convaincante avec notamment cet air d’une beauté saisissante «Defend her, Heav’n» à la fin de la scène 4 de la deuxième partie: un grand moment. Bien qu’héroïne éponyme, Théodora ne se voit pas confier les plus grands airs mais Sophie Daneman sait chanter et le prouve une fois encore: qui peut résister à son «Fond, flatt’ring world, adieu!» dans la première partie?


On l’aura compris: cette réédition s’impose dans toute discothèque händelienne et ne finira pas de hanter et de réjouir à la fois le mélomane.

Le site de Daniel Taylor
Le site de Richard Croft
Le site de Nathan Berg
Le site de Juliette Galstian
Le site des Arts Florissants


Sébastien Gauthier

 

 

 

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