About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

09/23/2015
Francesco Maria Veracini : Adriano in Siria
Sonia Prina (Adriano), Ann Hallenberg (Farnaspe), Roberta Invernizzi (Emirena), Romina Basso (Sabina), Lucia Cirillo (Idalma), Ugo Guagliardo (Osroa), Europa Galante, Fabio Biondi (violon solo et direction)
Enregistré en public dans la Grosser Saal du Wiener Konzerthaus (17-19 janvier 2014) – 172’
Coffret de trois disques Fra Bernardo FB 1409491 – Notice (en allemand et en anglais) de Holger Schmitt-Hallenberg, textes chantés en italien seulement





Certains signes ne trompent pas... La somme de Piotr Kaminski Mille et un opéras (Fayard) ne mentionne pas le nom de Francesco Maria Veracini (1690-1768), la recherche de disques permettant de connaître ses opéras est inutile (faute, jusqu’au présent coffret, d’enregistrement), la mention de Veracini – quand il ne s’agit pas de son oncle Antonio, lui-même excellent violoniste semble-t-il... – n’existe au mieux que pour quelques concertos ou ouvertures, plus sûrement pour certaines sonates destinées au violon, instrument dont il fut un virtuose accompli. Bref, on ne peut pas dire que le pauvre Francesco Maria figure au firmament des compositeurs lyriques de son époque!


Plus connu donc pour avoir été un violoniste hors pair mais aussi un personnage excentrique en proie à de fortes instabilités mentales – ce qui lui valut paraît-il le surnom de «capo pazzo» («tête folle»)! –, Veracini n’a semble-t-il composé que quatre opéras: Adriano in Siria (1735), La clemenza di Tito (1737), Partenio (1738) et Rosalinda (1744). Adriano in Siria, dramma per musica en trois actes, dont la notice d’accompagnement du présent coffret (non traduite en français) nous donne plusieurs éléments de contexte fort intéressants, fut composé sur un livret de Métastase revu par Angelo Corri et destiné à une troupe de chanteurs parmi les plus réputés de l’époque: Senesino chantait le rôle d’Hadrien, Farinelli celui de Farnaspe, la Cuzzoni celui d’Emirena, la Santini celui d’Idalma... Autant dire que nous avions là, au Haymarket Theatre, la troupe la plus brillante qui fût!


Dominée par de multiples histoires d’amour qui ne cessent de s’entrelacer, l’action narre le souhait d’Hadrien, général puis empereur romain, de se marier à Emirena, fille du roi parthe Osroa qu’il a vaincu en Syrie, et ce en dépit de ses engagements auprès de Sabine, jeune patricienne romaine. Alors que les préparatifs du mariage vont bon train, le prince parthe Farnaspe (vassal d’Osroa) avoue à Hadrien qu’il est également amoureux d’Emirena. De son côté, Idalma, la confidente d’Emirena, est de son côté tombée amoureuse d’Hadrien et cherche donc à déjouer ses projets de mariage avec la nouvelle élue. Pendant ce temps, Sabine, arrive furieuse de Rome pour mettre fin aux projets de mariage d’Hadrien. Dans le même temps, Osroa, qui avait disparu après sa défaite, met le feu au palais pour se venger d’Hadrien; c’est alors que Farnaspe se jette dans les flammes pour sauver Emirena mais il est arrêté car suspecté d’avoir provoqué l’attentat. De son côté, dans un moment de confidence, Emirena fait part à Sabine de ses sentiments à l’égard de Farnaspe et non d’Hadrien, Sabine acceptant donc de l’aider à fuir. Faute d’avoir réussi une première fois, Osroa se prépare de nouveau à tuer Hadrien mais, en fait, c’est un de ses serviteurs qu’il assassine. A la suite d’un quiproquo, Farnaspe est arrêté car suspecté du meurtre. Dans une grande confusion, Emirena révèle à l’empereur la cache du véritable meurtrier sans savoir bien évidemment qu’il s’agit de son père. Tous trois sont alors emmenés avant qu’en fin de compte, à la suite d’une nouvelle trahison de Sabine qui, convaincue de son innocence, a libéré Farnaspe, tous se retrouvent. Comme souvent dans les intrigues de l’époque, tout finit bien puisque la mansuétude de l’Empereur conduit à ce qu’il se réconcilie avec Sabine, Emirena pouvant alors s’unir à Farnaspe, Osroa étant pour sa part gracié par un Hadrien plus généreux que jamais.


Peu importent en fin de compte les affres d’une histoire dont les ramifications la rendent des plus complexes puisque tout n’est que prétexte à airs divers, accompagnés d’une musique certes agréable à l’oreille mais qui ne fera pas de Veracini l’un des maîtres de l’opéra baroque.


L’orchestre, réduit car ne comptant que vingt musiciens, est bien conduit par Fabio Biondi, qui aime et défend ce répertoire avec une conviction de chaque instant. Les cors naturels sonnent très bien (dans le premier chœur de l’acte I par exemple), les flûtes et les hautbois (d’ailleurs tenus par les mêmes musiciens) accompagnent avec une parfaite justesse les chanteurs, notamment dans l’air «La ragion» chanté par Hadrien (à la deuxième scène de l’acte II), sur lequel nous reviendrons, les cordes faisant preuve en maintes occasions d’une souplesse d’exécution où perce de temps à autre quelque accent vivaldien reconnaissable entre tous. Bénéficiant d’une excellente prise de son (la captation a été faite en concert), Biondi et son Europa Galante réussissent le pari de faire d’une musique somme toute assez banale pour l’époque un objet des plus intéressants.


Côté voix, et contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre de l’opéra, ce n’est pas Hadrien le héros mais bel et bien Farnaspe: d’ailleurs, rappelons que la création fut assurée par Farinelli, autant dire à son époque le plus grand chanteur d’Europe! Que dire de la prestation d’Ann Hallenberg, encore une fois irréprochable, qui saurait mettre à genoux le public dans la moindre ariette d’un compositeur parmi les plus inconnus qui soient? On a déjà eu maintes fois l’occasion de saluer cette grande chanteuse (quels ravissements dans Catone in Utica ou dans le rôle-phare de Mérope dans L’oracolo in Messenia de Vivaldi): on réitère ici notre admiration. Dans le rôle de Farnaspe, les plus beaux airs de l’opéra lui sont dévolus, culminant dans l’immense «Amor, dover, rispetto» qui conclut le deuxième acte, idéalement accompagnée par l’Europa Galante. Capable de la plus incroyable virtuosité (l’air «Già presso» à la scène 2 de l’acte I, orné de quelques facéties orchestrales comme cette progressive disparition du son à la fin de l’air avant un petit accent conclusif et définitif) mais aussi d’une ferveur communicative où seule importe la ligne de chant (quel sens de la dramatisation dans «Ascolta idolo mio» à la scène 12 de l’acte I), Ann Hallenberg domine très largement une équipe de chanteurs pourtant d’un très bon niveau.


Autre spécialiste de ce répertoire, Sonia Prina campe un Adriano convaincant, dont la prestation est dominée par un air, «La ragion» (acte II, scène 3), où l’auditeur se laisse rapidement bercer grâce à un tempo idéal et où fleurissent quelques appogiatures sans fioritures excessives. Dans le rôle d’Emirena, Roberta Invernizzi laisse quelque peu sur sa faim. Si elle charme l’oreille de bout en bout dans l’air du premier acte «Prigioniera abbandonata» (scène 7), son souffle est un peu court et sa ligne vocale manque de souplesse dans l’air «Quell’amplesso» (acte II, scène 9), ses aigus ayant même tendance à s’égarer quelque peu dans l’air conclusif du premier acte. Une prestation en demi-teinte donc la concernant. Elle aussi comme c’est souvent le cas, Romina Basso est excellente dans le rôle de la pourtant assez pâle Sabine mais quelle rage dans l’air «Ah, ingrato» au deuxième acte! Quant à Lucia Cirillo et Ugo Guagliardo, ils assurent avec conviction eux aussi leur partie, même si l’on peut reprocher à l’interprète d’Osroa de souffrir d’un léger manque de netteté dans sa prononciation (l’air «Non ritrova un’alma forte», acte III, scène 5).


Après avoir recréé avec une incontestable réussite des opéras d’Antonio Vivaldi ou d’Alessandro Scarlatti, Fabio Biondi apporte là une nouvelle pierre à la résurrection de l’opéra baroque italien qui, avouons-le néanmoins, importe ici davantage pour son intérêt musicologique que pour sa stricte valeur musicale.

Le site de l’ensemble Europa Galante et de Fabio Biondi
Le site de Lucia Cirillo
Le site d’Ugo Guagliardo


Sébastien Gauthier

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com