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09/15/2015
«Liszt_le piano de demain»
Franz Liszt : Sonate en si mineur – Fantasie und Fuge über das Motiv B-A-C-H – Rhapsodie hongroise n° 10 – Deux Légendes: «Saint-François de Paule marchant sur les flots»
Richard Wagner : Der fliegende Höllander: «Spinnerlied» – Tristan und Isolde: «Isoldens Libestod» (arrangements Liszt)

Roger Muraro (piano)
Enregistré au Studio Gepetto, Jugy (octobre 2014) – 68’55
La Dolce Volta LDV20 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français, allemand, anglais et japonais





Franz Liszt : Sonate en si mineur – Etude d’exécution transcendante n° 4: Mazeppa – Mephisto-Waltz n° 1
Félix Ardanaz (piano)
Enregistré en public (16 et 17 septembre 2010) – 50’30
Orpheus OR 3906-1828 – Notice de présentation en français, espagnol et anglais





Franz Liszt : Sonate en si mineur
Frédéric Chopin : Ballade n° 3, opus 47 – Andante spianato et Grande Polonaise brillante, opus 22 – Deux Nocturnes, opus 27

Chao Wang (piano)
Enregistré au Campus, Krefeld-Fichtenhain (26-28 février 2014) – 65’19
Acousense ACO-CD 12114 – Notice de présentation en allemand et anglais





Franz Liszt : Sonate en si mineur [1]
Frédéric Chopin : Ballade n° 3, opus 47 [1] – Berceuse, opus 57 [2] – Nocturnes n° 2, opus 9 n° 2, et n° 8, opus 27 n° 2 [2]
Johannes Brahms : Sept Fantaisies, opus 116 [2] – Klavierstücke, opus 118 n° 2 et n° 5 [1] – Scherzo, opus 4 [1]
Ludwig van Beethoven : Trente-deux Variations en ut mineur, WoO 80 [1] – Rondo a capriccio, opus 129 «Die Wut über den verlorenen Groschen» [1]
Robert Schumann : Waldszenen, opus 82: «Vogel als Prophet» [1]

Julius Katchen (piano)
Enregistré au Lankwitz Studio, RIAS Berlin (19 février 1962 [1] et 25 mai 1964 [2]) – 109’06
Double album Audite 21.419 – Notice de présentation en allemand et anglais





Alors que ses difficultés et ses exigences demeurent aussi nombreuses, enregistrer la Sonate en si mineur (1853) de Franz Liszt (1811-1886) semble aujourd’hui un événement banal. Cette œuvre, dont Jean-Charles Hoffelé a raison de dire – dans la notice du premier de ces quatre albums – qu’elle résume tout le piano de Liszt (ouvrant «un monde où la perfection de la forme se double d’un propos littéraire pour atteindre à une dimension quasiment philosophique»), jouit d’une discographie tellement pléthorique que les hiérarchies en deviennent difficiles à établir – au-delà des indispensables Argerich, Arrau, Economou, Horowitz et autres Zimerman...


Roger Muraro (né en 1959) livre sa vision de cette Sonate. L’articulation est très personnelle, paraissant presque improvisée par instants. Le sentiment de liberté qui s’en diffuse heurte quelque peu la sensibilité de ceux qui attachent de l’importance à la valeur de notes parfois bousculées ou effleurées. Ce toucher qui paraît caresser plutôt qu’enfoncer les touches revêt une dimension poétique qui colle bien à l’esprit romantique de l’œuvre. Bousculant les tempos, il force à se concentrer sur le mouvement plutôt que sur le granit de l’édifice. «J’ai très tôt fait de cette œuvre "mon" histoire, tant j’étais porté par l’événement que je vivais. Cette sonate peut se "décliner" à volonté, selon l’inspiration, le caractère, l’humeur de l’interprète... elle peut suivre l’instant, le sentiment, ou se tenir debout, noble!», déclare très justement le pianiste dans la notice de l’album. En un sens, la seule faiblesse de cette interprétation réside, en effet, dans la fugacité des sentiments qui s’en dégagent.


Le reste de l’album est digne d’éloges. Roger Muraro notamment trouve les clefs des délicates Fantaisie et Fugue sur le nom de B.A.C.H. (qui se dresse – immense – tel un «Mur des lamentations») et Rhapsodie hongroise en mi majeur (dont il déjoue tous les pièges). A l’inverse de son disque Liszt publié chez Decca il y a quatre ans (marqué par une vision objective et glacée, des sonorités impressionnantes mais peu fluide), le pianiste français dose idéalement les nuances et les envolées rythmiques de Saint-François de Paule marchant sur les flots – sans la dimension poétique d’un Kempff mais avec beaucoup d’intelligence. Les transcriptions wagnériennes – la «Mort d’Isolde» dans Tristan et le «Chant des fileuses» du Vaisseau fantôme – n’ont pas exactement la même fluidité, mais ne dépareillent pas un disque qui vaut le détour.


Félix Ardanaz (né en 1988) avait 21 ans au moment de l’enregistrement de cette Sonate en si mineur, semble-t-il donnée en concert. On salue la performance et l’enthousiasme évident d’un interprète qui paraît dévorer les barres de mesure. L’œuvre est maîtrisée et les difficultés techniques surmontées avec panache. Au petit jeu de la comparaison, on ne peut toutefois manquer de relever une moindre aisance dans les passages les plus véhéments – avec une tension extrême dans les accords – et une variété insuffisante des registres, qui aboutissent à violenter le propos. Le jeune pianiste espagnol attaque Mazeppa avec le même mordant, gagnant en puissance ce qu’il perd en poésie et en évanescence. Une manière qui fonctionne bien dans la Première Valse de Méphisto, à l’espièglerie juvénile (mais à l’exécution technique moins dominatrice).


Chao Wang (né en 1990) impressionne davantage encore dans une Sonate en si mineur très raffinée, qui coule comme de l’eau minérale mais sait aussi se transformer en torrents de pédale et en cascades d’ivoire. La construction connaît certes quelques temps morts – peu nombreux –, mais elle est globalement limpide et convaincante. Dans un style lui-même très juste. Quel dommage, en revanche, que l’album soit complété par des interprétations chopiniennes franchement ratées! Il faut, en effet, sacrément aimer les sucreries pour apprécier le Chopin du pianiste chinois. Esthétisante et mielleuse jusqu’à l’écœurement, la Troisième Ballade se regarde dans le miroir et tire langoureusement le phrasé – jusqu’à oublier les ressorts dynamiques de la partition. L’Andante spianato est encore plus sirupeux, empêchant de goûter, lorsqu’arrive la Grande Polonaise brillante, à l’élégance retrouvée de la rythmique. Si les Nocturnes opus 27 ont une certaine tenue – le premier sobre et gracieux, le second comme une caresse de soie –, ce disque aurait mieux fait de se concentrer sur Liszt plutôt que de s’égarer dans Chopin.


Enfin, avec une stupéfiante Sonate en si mineur gravée par Julius Katchen (1926-1969) pour la RIAS au début des années 1960, Audite a déniché une perle en même temps qu’un inédit dans la discographie du pianiste américain, emporté trop jeune par la leucémie. Le geste est foudroyant, la technique monumentale, l’inspiration riche en trouvailles. Une version très personnelle – plus proche de l’esprit fantasque des Rhapsodies hongroises que de la hauteur de vue d’Après une lecture de Dante – mais assez incontestable tant les tempos coulent d’évidence et les nuances parlent d’elles-mêmes. Vingt-sept minutes de grand piano, au sein d’un double album de gravures réalisées pour la RIAS en 1962 et 1964. On y retrouve Brahms évidemment: des Fantaisies opus 116 un rien bousculées, l’«Intermezzo» et la «Romance» de l’Opus 118 – joués avec délicatesse mais aussi un peu de sécheresse – et un magistral Scherzo en mi bémol mineur, électrocuté par une ligne à haute tension. Et Chopin surtout: une Troisième Ballade comme un modèle d’articulation, une Berceuse et des Nocturnes en mi bémol majeur et en ré bémol majeur d’une grâce consommée. La virtuosité ne semble connaître aucune limite dans les Variations en do mineur de Beethoven, alors que la Colère pour un sou perdu défile avec espièglerie à la vitesse de l’éclair. L’«Oiseau-Prophète» de Schumann vient clore – avec une note de poésie bienvenue – ce portrait d’un génie du clavier, foudroyé en plein vol.


Roger Muraro accorde un entretien à ConcertoNet
Le site de Roger Muraro
Le site de Félix Ardanaz


Gilles d’Heyres

 

 

 

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