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08/15/2015 Wolfgang Amadeus Mozart : Misera, dove son!... Ah! non son io che parlo, K. 369 – Ah, Io previdi!... Ah, t’invola, K. 272 – Vorrei spiegarvi, oh Dio!, K. 418 – Symphonie n° 35 en ré majeur «Haffner», K. 385
Ludwig van Beethoven : Egmont, opus 84 (*) Christine Schäfer, Juliane Banse (*) (sopranos), Bruno Ganz (récitant), Lucerne Festival Orchestra, Claudio Abbado (direction), Michael Beyer (réalisation)
Enregistré en public dans la salle de concert du KKL de Lucerne (19 et 20 août 2011 [Mozart], 8 et 10 août 2012 [Beethoven]) – 89’12
Accentus Blu-ray ACC 10244 (ou DVD ACC20244) – Son PCM Stereo Dolby Digital 5.1/DTS 5.1/DTS HD Master Audio – Format NTSC/16:9/Full HD – Region Code 0 – Notice (en anglais, allemand et français) de Julia Spinola – Sous-titres en allemand, anglais, coréen, japonais et italien
La présente parution apporte un nouveau témoignage sur les concerts dirigés par Claudio Abbado (1933-2014) lors du désormais fameux festival de Lucerne qui, à l’occasion de son édition estivale chaque mois d’août, réunit quelques-uns des plus grands solistes, chefs et orchestres.
La première partie est entièrement consacrée à Mozart et reprend les premières parties «alternatives» données lors des concerts des 19 et 20 août 2011, la second partie ayant quant à elle été consacrée à chaque fois à la Cinquième Symphonie de Bruckner. Pour commencer, trois airs de concert chantés par Christine Schäfer, avec laquelle Abbado a souvent joué Mozart tant au disque – dans un très beau récital associant diverses œuvres de Mozart et Richard Strauss (Deutsche Grammophon) – qu’en concert, notamment lors du concert de la Saint-Sylvestre 1998. La soprano allemande fait montre de toute l’étendue de sa technique, attaquant ses aigus avec une pureté incroyable – dans le troisième air! –, passant du murmure le plus délicat à l’emportement le plus vif, osant même la fureur quand cela est nécessaire (dans le premier air). Sa performance est impressionnante et, même si sa voix manque peut-être de brillance, elle n’en demeure pas moins idéale pour ce répertoire, servant le texte au mieux de ses possibilités. Côté orchestre, on ne peut que s’incliner bien bas devant le hautboïste Lucas Macías Navarro qui, notamment dans l’air Vorrei spiegarvi, oh Dio! où il joue debout, est impérial, à l’instar de son jeu dans le deuxième air (à 15’15), qui n’est pas sans évoquer l’intervention de ce même instrument dans le magnifique air «Ruhe sanft, mein holdes Leben» tiré de Zaïde (qui figure d’ailleurs sur le disque susmentionné). Abbado use pour sa part d’une gestique toujours aussi distinguée, emportée ou retenue selon les circonstances, veillant à accompagner et soutenir la soliste de son mieux. Aussi, ne peut-on s’empêcher de sourire en voyant Christine Schäfer pousser un véritable soupir de soulagement à la fin de ses airs, témoignant de la difficulté de ces pièces qui trouvent là une interprétation à la hauteur de ce qu’elles méritent.
La Symphonie «Haffner» bénéficie également d’une très belle interprétation, à l’image de ce que l’on avait pu entendre lorsque Claudio Abbado l’avait dirigée en octobre 2011 salle Pleyel. Adoptant des tempi très allants (l’Andante et, peut-être plus encore, le Menuetto ou les croches deviennent des appogiatures en raison de la vitesse adoptée), le chef italien en donne une interprétation extrêmement vivante dominée par une finesse et une légèreté des plus rafraîchissantes. Les cordes virevoltent de bout en bout et, à l’image de la petite harmonie, aboutissent à un résultat quelque peu décapant qui surprend d’ailleurs le public (où figurent notamment Bruno Ganz et Roberto Benigni), celui-ci ayant un bref instant d’hésitation avant d’applaudir les artistes.
Lors du concert de la Saint-Sylvestre 1991, qui a été filmé et qui a donné lieu à un disque intitulé «Beethoven in Berlin», Claudio Abbado avait alors dirigé le Philharmonique de Berlin dans la musique de scène complète d’Egmont, avec Cheryl Studer en soliste et déjà Bruno Ganz comme récitant. Bis repetita ici pour une œuvre rarement donnée dans son entier, l’Ouverture bénéficiant en revanche comme on le sait d’une très grande popularité. Même si le génie de Beethoven n’éclate pas ici, force est de constater que la partition est intéressante. Juliane Banse, qui ne bénéficie que de deux airs, chante sa partie avec conviction et une certaine théâtralité bienvenue (notamment dans le premier air «Die Trommel gerühret»). Contrairement au concert de 1991, la diction de Bruno Ganz est ici plus sobre (tout particulièrement dans la fin de sa dernière intervention «Süsser Schlaf!») et un peu trop retenue, l’emportement, les passions ne transparaissant pas assez. Apparaissant assez fatigué (certains gros plans sont éloquents), Abbado dirige l’œuvre avec beaucoup d’implication, l’Orchestre du festival de Lucerne mettant ses bois à l’honneur (Sabine Meyer à la clarinette, Jacques Zoon à la flûte), sans oublier le toujours aussi excellent Raymond Curfs aux timbales.
Filmée de manière classique, cette vidéo, qui ne déparera dans aucune vidéothèque, témoigne de la très grande qualité des concerts du festival et, même si l’on n’atteint pas certains sommets dirigés par Abbado (Bruckner, Mahler... bien sûr), rend parfaitement hommage au grand chef italien.
Sébastien Gauthier
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