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07/14/2015 «Le Jardin de Monsieur Rameau»
Michel Pignolet de Montéclair : Jephté: Ouverture, air et chœur «Riez sans cesse», air et chœur «Dans ces beaux lieux» & trio et chœur «De quells nouveaux concerts»
Antoine Dauvergne : Hercule mourant: air «Quelle voix suspend mes alarmes?» – La Vénitienne: airs «Pour braver les périls», «Ciel, il me laisse» & «Livrons-nous au sommeil»
Jean-Philippe Rameau : Hippolyte et Aricie: air «Quels doux concerts!» – Canons «Ah! Loin de rire» & «Réveillez-vous, dormeur» – Les Fêtes d’Hébé: air et chœur «Revenez, tendre amant...», duo «Je vous revois», air «Sans cesse les oiseaux font retentir» & ariette «Fuis, porte ailleurs tes fureurs» – Dardanus: ariette «Hâtons-nous, courons à la gloire», récit «Voici les tristes lieux», air «Monstre affreux», air «Mais un nouvel éclat» & duo «Des biens que Vénus nous dispense» – Les Indes Galantes: quatuor «Tendre Amour»
Nicolas Racot de Grandval : Cantate «Rien du tout»
Christoph Willibald Gluck : L’Ivrogne corrigé: terzetto «Maudit ivrogne», chœur «Il est mort», terzetto «Rendez mon époux à la vie» & quatuor «Que de plaisir l’Amour nous donne»
André Campra : L’Europe galante: air «Quoi! Pour l’objet de votre ardeur», air «L’Amour, en comblant nos désirs», air «Paisibles lieux», récit «Que vois-je, quel spectacle!», chœur «Aimez, belle bergère», récit «Que je sache du moins», air «Voyez à mes genoux», air «Lorsque Doris me parut belle», air «Que n’adressez-vous mieux» & air «Quel funeste coup» Daniela Skorka (soprano), Emilie Renard (mezzo-soprano), Benedetta Mazuccato (contralto), Zachary Wilder (ténor), Victor Sicard (baryton), Cyril Costanzo (basse), Les Arts Florissants, William Christie (direction)
Enregistré salle Colonne, Paris (29-31 mars 2013) – 81’03
Editions Les Arts Florissants William Christie AF.002 – Notice exhaustive (en français) de Thomas Green («Promenade au cœur de l’art vocal français au Siècle des Lumières») et Adrien Goetz (nouvelle «Dans un jardin en Normandie») et entretien d’Agnès Terrier avec William Christie et Paul Agnew
«Le Jardin de Monsieur Rameau»: ou comment permettre à William Christie de concilier deux passions, celle du jardinage et celle qu’il porte à la musique de Jean-Philippe Rameau... Car le mot «jardin» a ici une double, voire une triple signification. La première fait sans conteste référence à l’amour que William Christie porte au jardinage et qu’il a pu mettre en œuvre à sa guise, depuis près de vingt ans, dans sa vaste demeure située au cœur du petit village vendéen de Thiré (voir ici). La deuxième fait référence au programme de ce disque qui, en faisant entendre des airs tirés d’ouvrages composés autant par des prédécesseurs de Rameau que par des élèves et des suiveurs, plante sous nos yeux une vaste arborescence où l’on peut distinguer très clairement racines, tronc, fruits, boutures même... La troisième, comme William Christie avait lui-même eu l’occasion de nous l’expliquer, fait référence au «Jardin des voix», du nom de cette biennale des Arts Florissants lancée en 2002 et qui permet, lors de chaque session, à une quinzaine de chanteurs choisis aux quatre coins du monde, de suivre les enseignements de William Christie, de Paul Agnew et de participer à des spectacles des Arts Florissants: autant dire que le pied est ainsi solidement mis à l’étrier!
Comme nous l’avait précisé Paul Agnew, le concepteur du programme de ce disque (voir ici), «Le Jardin de Monsieur Rameau» a l’ambition de réunir autour de la figure de Rameau des compositeurs qui l’ont influencé (Montéclair, dont l’ouvrage Jephté a semble-t-il déterminé Rameau à se lancer à son tour dans l’opéra), des compositeurs dont le style s’est mêlé à la musique française (Campra, aux fortes influences italiennes) et l’a ainsi faite évoluer, ainsi que des compositeurs comme Dauvergne dont on fêtait, en 2013, le tricentenaire de la naissance.
Et le résultat est proprement enthousiasmant, notamment les voix bien sûr! On ne peut que saluer les très belles interprétations que nous livrent ces six jeunes chanteurs, à commencer par Emilie Renard dans la très méconnue cantate Rien du tout du tout aussi oublié Nicolas Racot de Grandval (1676-1753), œuvre pleine d’humour et qui aurait pu faire l’objet d’une belle fable de La Fontaine sur le goût de l’époque. Emilie Renard prouve une fois encore ses talents dans l’air célèbre «Paisibles lieux» tirés de L’Europe galante d’André Campra, opéra dont est également issu l’air «Quel funeste coup», chanté par Benedetta Mazuccato, magnifiquement accompagnée par l’orchestre des Arts Florissants. Ce disque présente également plusieurs extraits d’opéras de Dauvergne dont on redécouvre les compositions, au premier rang desquelles La Vénitienne et Hercule mourant. On retiendra surtout l’air «Quelle voix suspend mes alarmes?» qui bénéficie, outre de la voix de Daniela Skorka, d’un très bel accompagnement (la flûte, d’une douceur à se pâmer) et d’un sens de la respiration tout à fait remarquable. Dans les trois extraits de La Vénitienne, la jeune basse Cyril Costanzo prouve encore une fois ses mérites, lui qui est désormais régulièrement appelé par William Christie à participer à ses productions. Parmi les solistes, on citera enfin Victor Sicard, jeune basse que l’on a récemment pu entendre avec délectation à Versailles lors de la «Nuit Louis XIV», et qui frappe ici par la subtilité et la délicatesse de son chant, tout spécialement dans l’air «Voici les tristes lieux» tiré de Dardanus de Rameau.
L’autre atout de ce disque réside bien entendu dans la présence des Arts Florissants, orchestre rompu à ce répertoire et qui joue à chaque instant avec une justesse de ton qui force le respect. A ce titre, on écoutera peut-être en priorité les extraits de L’Ivrogne corrigé de Gluck dont la verve est communicative! Un mot enfin sur la brève nouvelle d’Adrien Goetz dont il ne reste pas grand chose une fois la dernière ligne lue et qui, comme dans ses romans (notamment Intrigue à l’anglaise), confond trop souvent pédanterie ostentatoire et simple distraction...
Mais l’essentiel est bien sûr ailleurs avec ce qui reste là comme une très belle carte de visite des Arts Florissants et surtout du «Jardin des voix»: la relève est on ne peut mieux assurée.
Le site des Arts Florissants
Sébastien Gauthier
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