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07/10/2015 Richard Wagner : Die Walküre Ludwig Suthaus (Siegmund), Gottlob Frick (Hunding), Hans Hotter (Wotan), Leonie Rysanek (Sieglinde), Birgit Nilsson (Brünnhilde), Jean Madeira (Fricka), Hilde Rössel-Majdan (Schwertleite), Lotte Rysanek (Helmwige), Margareta Sjöstedt (Siegrune), Gerda Scheyrer (Gerhilde), Judith Hellwig (Ortlinde), Christa Ludwig (Waltraute), Martha Rohs (Grimgerde), Rosette Anday (Rossweisse), Orchestra del Teatro alla Scala, Herbert von Karajan (direction)
Enregistré en public au Teatro alla Scala, Milan (29 avril 1958) – 204’29
Coffret de trois disques Myto 00185 – Pas notice de présentation
Bien avant ses gravures officielles chez Deutsche Grammophon, Herbert von Karajan (1908-1989) dirigeait Wagner avec passion. Ses enregistrements des années 1950 (des bandes radio, la plupart du temps) révèlent d’évidentes affinités avec l’univers wagnérien – le mythique Tristan de 1952 à Bayreuth en demeure l’exemple le plus éloquent. S’en dégagent une fougue et une liberté dans la baguette qu’on ne retrouvera plus jamais aussi brûlantes voire dévastatrices à partir des années 1970.
Myto nous rend – sans grand effort éditorial (hormis quatre photos d’époque) – une Walkyrie milanaise d’avril 1958. Quoique suffisamment convenable pour ne rien gâcher de la justesse des traits et de l’émotion des lignes musicales, la bande son est malheureusement médiocre. Le souffle permanent, quelques incidents de captation et pas mal de saturation (notamment à la fin du premier acte et au début du dernier) contrastent ainsi avec la panthéiste symphonie opératique de la version de 1967 (DG). Pour autant, on goûte avec gourmandise cette direction passionnée et étonnamment romantique, sans boursouflure bien entendu, mais avec une chaleur inouïe dans le soutien aux chanteurs (aux deux premiers actes) et le lyrisme instrumental (au dernier). L’Orchestre de la Scala suit le chef de près, ne connaissant que peu de décalages. Il n’en reste pas moins que, dans cette œuvre, on continuera de préférer le Karajan du live de 1951 à Bayreuth, dont ne demeure – regrets éternels! – que le troisième acte (EMI).
La distribution est prestigieuse, bien que – à de rares instants – un tantinet routinière. La Brünnhilde de Birgit Nilsson demeure sidérante par son endurance – notamment au dernier acte, où elle se transforme en un volcan en éruption. La Sieglinde exceptionnelle de Leonie Rysanek est moins renversante que dans ses meilleurs enregistrements (y compris son coup d’essai de 1951 avec le même chef), abusant quelque peu des effets expressifs. Mais il reste difficile de ne pas fondre devant la désespérance du deuxième acte, et ce chant crépusculaire aux murmures qui donnent des frissons, aux emportements qui anéantissent.
Malgré une interprétation manquant souvent de vérité dramatique et le poids des années, le Siegmund de Ludwig Suthaus tient son rôle avec noblesse et puissance – d’une incontestable virilité. La ligne de chant est un peu pâteuse mais se maintient, avec droiture – trop droite pour emporter. Hans Hotter égal à lui-même: un Wotan à l’élocution souveraine, au grain de voix autoritaire – sans rival. Quant au Hunding noir de Gottlob Frick, son intonation nasale ne l’empêche pas d’impressionner durablement. Vibrante et très humaine, la Fricka de Jean Madeira est, elle aussi, impressionnante – déployant des aigus tranchants comme l’acier. Mais elle est assurément atypique et parfois débridée, tirant trop vers l’expressionnisme (Fricka n’est pas Clytemnestre). Signalons, pour finir, une équipe de walkyries très aguerrie, qui accueille, dans ses rangs, la jeune Christa Ludwig.
Gilles d’Heyres
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