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06/21/2015
«The Koroliov Series, Vol. XV»
Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 30, opus 109, n° 31, opus 110, et n° 32, opus 111

Evgeni Koroliov (piano)
Enregistré à la Jesus-Christus-Kirche Dahlem, Berlin (2014) – 66’06
Tacet 208 – Notice de présentation en français, allemand et anglais


 Sélectionné par la rédaction





Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 29 «Hammerklavier», opus 106, et n° 30, opus 109
Evgenia Rubinova (piano)
Dates et lieu d’enregistrement non précisés – 60’59
Telos Music TLS 193 – Notice de présentation en allemand et anglais





Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 29 «Hammerklavier», opus 106
Johannes Brahms : Sonate pour piano n° 1, opus 1

Lukas Geniusas (piano)
Enregistré à Westvest Church, Schiedam (26 avril 2014) – 65’07
Piano Classics PCL0075 – Notice de présentation en anglais





«Beethoven. Variations»
Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 19, opus 49 n° 1, et n° 20, opus 49 n° 2 – Fantaisie pour piano, opus 77 – Variations sur un thème original en mi bémol majeur «Eroica», opus 35 – Variations sur un thème original en ut mineur, WoO 80

Olga Pashchenko (pianoforte)
Enregistré en l’église Saint-Marcel, Paris (14-16 mai 2014) – 61’48
Alpha 201 – Notice de présentation en français, allemand et anglais





Ludwig van Beethoven : Les Sonates pour piano
Maurizio Pollini (piano)
Enregistré en studio à la Herkulessaal, Residenz, Munich (juin 1975 [Opus 109, 110], septembre 1976 [Opus 106], janvier 1977 [Opus 101, 111], juin 1988 [Opus 79, 81a], mai et juin 1991 [Opus 27, 28], juin [Opus 54, 57, 78, 90] et septembre [Opus 10, 13] 2002, septembre 2006 [Opus 2], mai et juin 2012 [Opus 14, 22], juin 2013 et juin 2014 [Opus 31, 49]) et au KKL, Lucerne (janvier 2012 [Opus 7]) et en public au Musikverein, Vienne (janvier [Opus 26] et février [Opus 53] 1997) – 586’12 (Opus 31 et 49: 75’20)
Coffret de huit disques DG 479 4120 (ou disque 479 4325 pour les seuls Opus 31 et 49) – Notice de présentation en français, allemand et anglais


        


Le marché du disque ne cesse de déverser, à un rythme qui ne faiblit pas, des enregistrements de la musique pour piano seul de Ludwig van Beethoven (1770-1827). De cette pluie continue, on doit parfois s’abriter – et d’autres fois s’abandonner à une douche de talent, sinon de génie.


Evgeni Koroliov (né en 1949) fait des Trois Dernières Sonates des diamants savamment polis. Alors que son précédent album beethovénien (consacré aux Opus 101 et 106) était plus impeccablement construit qu’émotionnellement réussi, le pianiste russe fend ici l’armure – et touche au cœur. D’une rare cohérence, l’Opus 109 coule comme de l’eau de source, à la fois personnel et incontestable (malgré l’originalité du propos). Il déploie des résonnances inouïes. D’une sidérante beauté par l’immobilité crépusculaire et le calme méthodique de certains passages, il s’achève dans une neutralité du ton qui déroute profondément. L’Opus 110 suit un parcours comparable. La personnalité du discours (assez déconcertant parfois, notamment dans les choix de tempos) s’impose d’elle-même. Et l’Adagio ma non troppo achève de convaincre qu’un immense artiste est à la manœuvre. L’Opus 111 est d’un abord plus aride, tant la rythmique singulière – heurtée, douloureuse même – perturbe dans le premier mouvement. Pourtant, on finit par rendre les armes face à la logique de l’ensemble, Koroliov faisant de cette Dernière Sonate un manifeste cubiste qui apporte quelque chose de neuf à l’édifice discographique de l’œuvre. Un voyage déroutant mais une expérience forte.


Difficile, après de tels sommets, d’écouter des interprètes plus ordinaires. Et pourtant, avec ses moyens accomplis et sa technique faite de tonus, Evgenia Rubinova (née en 1977) parvient à dessiner un Beethoven caractérisé par la clarté des plans, le souci du détail et une architecture nette et sans (trop de) bavures. L’Adagio sostenuto de la Vingt-neuvième Sonate y gagne en sobriété. L’Andante molto cantabile de la Trentième en fraîcheur et en vivacité. Les faiblesses du Beethoven de la native de Tachkent résident dans un excès de détails justement (dans l’Allegro de la Hammerklavier notamment), faisant tellement passer les voix secondaires au premier plan qu’il en néglige parfois les thèmes principaux. Ainsi du Prestissimo de la Trentième Sonate et du dernier mouvement de la Hammerklavier, à l’impact émotionnel affecté par trop d’excentricités rythmiques. Surtout, on déplore souvent un manque de legato, laissant une impression de sécheresse dans le flux musical (Scherzo de l’Opus 106). Mais l’on salue la recherche de l’originalité et aussi la performance d’une captation live (apparemment) non retouchée.


Par comparaison, la Hammerklavier de Lukas Geniusas (né en 1990) paraît bien insuffisante. Le jeune pianiste russo-lituanien manque assurément de vision, livrant un Opus 106 qui part un peu dans tous les sens, hésitant entre violence et timidité – presque immature à dire vrai. Il manque parfois aussi de maîtrise technique, marqué par trop d’à-coups et de tâtonnements. Un Beethoven inabouti, en somme. Le disque est complété par une Première Sonate de Brahms qui reste elle aussi sur la réserve, mais dont la timidité laisse éclore davantage de sensibilité. Là encore, on déplore toutefois un déficit de fréquentation de la partition pour permettre à Lukas Geniusas de donner tout son souffle à l’Allegro, toute son unité à l’Andante, toute sa fluidité au Scherzo ou tout son génie au Finale.


A peine plus âgée, Olga Pashchenko (née en 1986) démontre des affinités beethovéniennes très supérieures. Après un disque remarqué dans lequel elle proposait des interprétations plutôt probantes des Opus 33 et 111, la pianofortiste russe convainc pleinement de l’intelligence de son jeu avec cet enregistrement parisien qui met en valeur la copie d’un Fritz viennois de 1818, mise au point par le talentueux Christopher Clarke. Du Beethoven Sturm und Drang, qui dynamite la Fantaisie en sol mineur (laquelle passerait presque pour un chef-d’œuvre!) et les Variations en ut mineur – dans une réjouissante tempête d’accords. Les Variations «Eroica» (dont la pianiste exalte la veine prométhéenne) sont plus radicales encore, et diviseront probablement plus. Mais elles débordent de vie et surtout de talent. Un disque «coup de poing», peut-être moins convaincant dans les deux Sonates opus 49 (où manque parfois un brin de subtilité), mais assurément jubilatoire et passablement ébouriffant.


Signalons, enfin, que Deutsche Grammophon met en boîte une intégrale des Sonates pour piano de Beethoven par Maurizio Pollini (né en 1942). Un produit de grande qualité évidemment, mais assez composite. Non pas tant parce qu’il mêle enregistrements de studio et prises de concert. Mais parce qu’il réunit (un peu artificiellement) le style du Pollini des années soixante-dix – à la virtuosité radicale, à l’engagement titanesque – et celui du tournant du siècle – plus fluide, plus rhapsodique – qui a fait l’objet de disques patiemment publiés, les uns après les autres, à partir de la fin des années 1980 et dont on a rendu compte ici, ici ou encore ici.


Seules les cinq Sonates opus 31 et 49 sont de vraies nouveautés (enregistrées en juin 2013 et 2014). De réjouissantes interprétations qu’il est possible d’acquérir séparément, mais qui témoignent – malgré la hauteur de vue et l’ingéniosité de la pensée – d’une maîtrise moins évidente et d’une architecture plus filante (un peu à l’image de l’essai tardif d’Aldo Ciccolini chez Cascavelle). A l’inverse, le coffret reprend les Cinq Dernières Sonates gravées à Munich de 1975 à 1977 – des classiques du disque dont il y a fort à parier qu’ils figurent déjà dans la discothèque de tous les amoureux de Beethoven. Bref, si le niveau global de ce coffret reflète les exceptionnelles qualités d’interprète du maître italien, l’intégrale – en tant que telle – ne rivalise pas avec les miracles signés, par exemple, Stephen Kovacevich (EMI) ou par Alfred Brendel (Philips).


Le site d’Evgeni Koroliov
Le site d’Evgenia Rubinova
Le site de Lukas Geniusas
Le site d’Olga Pashchenko


Gilles d’Heyres

 

 

 

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