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06/15/2015 «1 2 3 4 Seasons/Saisons. Sinkovsky plays and sings Vivaldi»
Antonio Vivaldi : Concertos pour violon «Le quattro stagioni», opus 8 n° 1 à n° 4: «La primavera», RV 269, «L’estate», RV 315, «L’autunno», RV 293, et «L’inverno», RV 297 – Cantate «Cessate, omai cessate», RV 684 – Farnace, RV 711: «Gelido in ogni vena» La Voce strumentale, Dmitry Sinkovsky (violon solo, contre-ténor et direction)
Enregistré au Radio Center de Moscou (janvier 2014) – 61’
Naïve/Opus 111 OP30559 – Entretien avec Dmitry Sinkovsky et notice biographique (en français et en anglais)
«The Four Seasons – Recomposed by Max Richter»
Antonio Vivaldi/Max Richter : Spring 0-3 – Summer 1-3 – Autumn 1-3 – Winter 1-3
Max Richter :Shadows 1-5
Remixes by Max Richter, Robot Koch, Ben Berry and NYPC
Recomposed by Max Richter – Live from Berlin (*)
Daniel Hope (violon), Max Richter (synthétisteur Moog), Konzerthaus Kammerorchester Berlin, André de Ridder (direction), l’arte del mondo (*), Werner Ehrhardt (*) (premier violon), George Scott (*) (réalisation)
Enregistré au Funkhaus Berlin Nalepastrasse (2012 et 2013 [CD], 17 décembre 2013 [DVD]) – 77’02 (CD) + 43’49 (DVD)
CD et DVD Deutsche Grammophon 479 2776 (ou CD seul 479 2777 ou deux disques noirs 479 2337 ou eVideo 0735122) – Notice en anglais de Nick Kimberle
Il est certaines œuvres que l’on connaît tellement bien, qui ont donné lieu à de si nombreux enregistrements (le meilleur côtoyant bien souvent le pire) que l’on se demande parfois quel peut être l’intérêt de les enregistrer de nouveau. Certains pourront choisir d’opter pour de nouvelles éditions, d’autres préfèreront de nouvelles approches, d’autres enfin choisiront de se fonder sur le matériau originel pour en faire une œuvre à part: c’est ce que nous trouvons dans ces deux disques qui rendent hommage aux célèbres Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi (1678-1741).
Commençons tout d’abord par le moins iconoclaste, encore que... On connaît les talents de l’excellent violoniste Dmitry Sinkovsky (né en 1980), habitué à donner des concertos de Vivaldi (qu’il joue seul ou en duo) des versions tout à fait enthousiasmantes. Ici, en s’attaquant au recueil de concertos le plus connu du Prêtre roux, on pouvait s’attendre certes à ce qu’il bouscule certaines interprétations mais là, force est de constater qu’on est servi! Multipliant les fioritures (dans le second Allegro du Printemps) et les intentions, Sinkovsky témoigne de sa vélocité mais on ressort de ce disque avec une impression générale d’excès qui ne fonctionne guère. Le violon oscille entre une sécheresse extrême (à 0’40 dans le premier Allegro du Printemps) et ce qui tient seulement de la démonstration virtuose (l’allure à laquelle est pris le premier mouvement de L’Eté), passant également de l’affectation sirupeuse (le mouvement central de L’Eté) à la théâtralité sans intérêt (les glissandi et les ruptures de tempo dans l’Allegro de L’Eté ou dans celui de L’Automne à partir de 3’35 en particulier, le son du violon étant au surplus d’une surprenante laideur à 1’42). Si le soliste ne convainc donc pas, on en dira autant pour l’accompagnement qui joue davantage le rôle de faire-valoir plus que celui de véritable partenaire; à cet égard, on pourra écouter l’Allegro conclusif de L’Automne, entre autres exemples. Finalement, c’est peut-être dans le rôle de contre-ténor – que, avouons-le, nous ne connaissions pas chez Dmitry Sinkovsky – que celui-ci nous semble le meilleur. Passons rapidement sur l’extrait de Farnace, sans grand intérêt, pour nous arrêter sur la superbe cantate Cessate, omai cessate. Même si l’on préfère d’autres versions, la voix de Sinkovsky est plutôt agréable à écouter, agrémentée au surplus d’un très beau violon solo dans l’air principal «Ah, ch’infelice sempre». Pour autant, on en restera aux versions Biondi et autres pour les Quatre Saisons et au disque irremplaçable gravé par Andreas Scholl avec Chiara Banchini chez Harmonia Mundi: sans aucun doute la plus belle version qui soit de la cantate Cessate, omai cessate.
Dans le disque réalisé par Max Richter (né en 1966) et Daniel Hope (né en 1973), l’optique est différente puisque, davantage qu’une réinterprétation, il s’agit d’une reconstruction, le disque portant à ce titre le bon intitulé: «recomposed by Max Richter». Reconnaissons-le tout de suite: ici encore, on n’adhère pas, à aucun moment d’ailleurs... La partition originale se retrouve ici ou là, par bribes (les deuxième et troisième mouvements de L’Été ou le mouvement central de L’Hiver) mais sinon, c’est véritablement une nouvelle œuvre que nous écoutons. Alors, travestissement ou autre? Chacun portera le jugement qu’il souhaite. Pour ce qui nous concerne, ce «Vivaldi recomposé» s’apparente au pire à un quelconque Rondo Veneziano, au mieux à un jeu musical qui a oublié ce qui fait de Vivaldi un compositeur aussi talentueux, toutes les couleurs vénitiennes ayant ici disparu, le sens de l’articulation et la confrontation des timbres ayant totalement disparu. Dans Electronic soundscapes, Richter mêle orchestre et chants d’oiseux (gazouillis divers dans Shadow 1, corbeau dans Shadow 2, bourdonnement d’abeille même semble-t-il dans Shadow 3), Vivaldi surnageant de temps à autre – mais il faut tendre l’oreille. Quant au DVD, il nous montre seulement, avec force jeu de lumières (lumières tamisées, bleutées, en contre-jour), Daniel Hope, Max Richter au synthétiseur et l’ensemble l’Orchestre de chambre du Konzerthaus de Berlin (renforcé tout de même par trois contrebasses) interpréter ces Quatre Saisons d’un nouveau genre; d’ailleurs, dans les remerciements, un «Special thanks to: Antonio Vivaldi» (à 43’02) résume assez bien l’optique de ce disque et de ce DVD qui s’adressent donc aux seuls amateurs de l’exercice.
Le site de Dmitry Sinkovsky
Le site de l’ensemble La voce strumentale
Le site de Daniel Hope
Le site de Max Richter
Le site de l’Orchestre de chambre du Konzerthaus de Berlin
Sébastien Gauthier
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