About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

03/27/2015
«Orchestre national de France. 80 ans de concerts inédits»
Claude Debussy : Nocturnes [1] – La Mer [2]
Edouard Lalo : Le Roi d’Ys: Ouverture [3]
Albert Roussel : Bacchus et Ariane, opus 43: Suite n° 2 [4]
Francis Poulenc : Chansons villageoises [5] – La Dame de Monte-Carlo [6]
Albéric Magnard : Hymne à la Justice, opus 14 [7]
Ludwig van Beethoven : Coriolan, opus 62 [8]
Gustav Mahler : Lieder eines fahrenden Gesellen [9]
Richard Strauss : Till Eulenspiegels lustige Streiche, opus 28 [10]
Alban Berg : Altenberg-Lieder, opus 4 [11]
Maurice Ravel : Deux Mélodies hébraïques [12] – Shéhérazade [13] – Daphnis et Chloé: Suite n° 2 [14]
Igor Stravinski : L’Oiseau de feu: Suite [15] – Le Sacre du printemps [16]
Serge Prokofiev : Roméo et Juliette: extraits des Suites n° 1, opus 64 bis, et n° 2, opus 64 ter [17] – Concerto pour piano n° 3, opus 26 [18]
Ambroise Thomas : Raymond: Ouverture [19]
Luigi Cherubini : Lodoïska: Ouverture [20]
Joseph Haydn : Symphonie n° 39 [21]
Hector Berlioz : Le Corsaire, opus 21, H.101 [22]
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 1, opus 10 [23]
Richard Wagner : Tristan und Isolde: Vorpiel & Isoldens Liebestod [24]
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Concerto pour violon, opus 35 [25]
Johannes Brahms : Concerto pour violon, opus 77 [26]
Antonín Dvorák : Concerto pour violoncelle n° 2, opus 104, B. 191 [27]
Henri Dutilleux : Symphonie n° 1 [28]
Olivier Messiaen : Sept Haïkaï [29]
Iannis Xenakis : ST/48 [30]
Luciano Berio : Calmo [31]

Victoria de los Angeles [12], Denise Duval [6], Marylin Horne [13], Irma Kolassi [11] (sopranos), Cathy Berberian (mezzo) [31], Pierre Bernac [5], Dietrich Fischer-Dieskau [9] (barytons), Christian Ferras [25], Isaac Stern [26] (violon), Yo-Yo Ma (violoncelle), Martha Argerich [18], Yvonne Loriod [29] (piano), Ensemble vocal féminin de la Radiodiffusion-télévision française, Jeanne Baudry-Godard (direction), Orchestre national, Claudio Abbado [18], Luciano Berio [31], Leonard Bernstein [13, 19], Sergiu Celibidache [17], André Cluytens [15], Roger Désormière [5, 28], Charles Dutoit [22, 27], Lukas Foss [30], Daniele Gatti [14, 24], Jascha Horenstein [11], Désiré-Emile Inghelbrecht [1], Eugen Jochum [25], Paul Kletzki [12], Josef Krips [10], Lorin Maazel [16], Kurt Masur [23], Charles Münch [4], Riccardo Muti [20, 21], Eugene Ormandy [26], Seiji Ozawa [2, 29], Paul Paray [3], Georges Prêtre [6], Manuel Rosenthal [7], Carl Schuricht [8, 9] (direction)
Enregistré en public à Paris (24 avril [5], 28 septembre [7] 1944, 7 juin 1951 [28], 4 mai 1953 [11], 1er décembre 1955 [12], 30 janvier 1956 [15], 10 octobre 1957 [10], 20 mars 1958 [1], 24 mars 1959 [8], 5 décembre 1961 [6], 9 avril 1964 [25], 26 octobre 1968 [30], 12 novembre 1969 [18], 25 novembre 1970 [3], 24 janvier 1972 [26], 29 mai 1974 [17], 20 septembre 1975 [13], 14 mai 1976 [31], 8 juillet 1980 [16], 21 novembre 1981 [19], 28 mai 1984 [2], 21 janvier [27], 3 décembre [22] 1993, 15 janvier [20], 23 septembre [23] 2004, 13 mars 2008 [21] et 28 mars 2012 [14]), Besançon (9 septembre 1957 [9] et 15 septembre 1966 [29]), Baden-Baden (1er janvier 1966 [4]) et Parme (30 octobre 2013 [24]) – 583’59
Coffret de huit disques Radio France/INA (distribué par Harmonia mundi) – Notice en français et en anglais





Au printemps dernier, quelques concerts ont marqué assez discrètement les quatre-vingts ans de l’Orchestre national, mais c’est seulement maintenant que paraît ce coffret, coédité par Radio France et l’INA, exclusivement consacré à des enregistrements publics et intitulé «80 ans de concerts inédits» – soixante-dix ans, en fait (d’avril 1944 à octobre 2013), les dix premières années n’étant pas représentées ici, dans la mesure où le premier concert conservé ne date que de novembre 1942 (alors qu’existent quelques 78 tours antérieurs réalisés en studio).


Le moment de cette parution n’en est pas moins crucial dans la vie de la phalange dont Jean Mistler, alors ministre des postes, télégraphes et téléphones des éphémères gouvernements Sarraut et Chautemps, décida la création le 18 janvier 1934. Car si elle dispose certes enfin, depuis l’inauguration de l’auditorium de la Maison de la radio, de sa propre salle – et ce, dans un lieu qui la relie directement à son histoire et à sa mission –, elle doit en même temps faire face au départ annoncé de son directeur musical, Daniele Gatti, qui prendra ses fonctions au Concertgebouw d’Amsterdam à compter de la saison 2016-2017, et, peut-être surtout, dans un contexte de restrictions budgétaires, à un horizon pour le moins inquiétant, maintenant que l’Allemagne a montré, tant à Sarrebruck-Kaiserslautern qu’à Baden-Baden/Fribourg-Stuttgart, qu’il n’est hélas pas interdit de procéder à la fusion plus ou moins autoritaire d’orchestres radio-symphoniques.


Dans cet esprit, la présente publication offre le meilleur plaidoyer qui soit en faveur de la spécificité de l’Orchestre national, qui, par-delà ses dénominations successives – Orchestre national de la Radiodiffusion française puis, à compter de 1964, Orchestre national de l’ORTF et, depuis 1974, Orchestre national de France – et les chefs qui l’ont dirigé, pour un mandat ou simplement pour un soir, a conservé une indéniable identité. Car s’il se montre malléable (et d’inégale qualité), réagissant à des styles de direction radicalement différents (et se surpassant quand il est poussé dans ses derniers retranchements), des constantes demeurent – clarté, transparence –, caractéristiques au demeurant typiquement françaises, pour une formation dont le nom constitue déjà à lui seul un étendard.


C’est ce que montrent ces enregistrements répartis en huit disques, dont chacun illustre soit une thématique («La Tradition française», «Compagnons de route», «Rencontres au sommet», «Créations»...), soit un moment de la chronologie («De l’ORTF à l’ONF», «Du XXe au XXIe siècle»...). Ces archives ont non seulement été restaurées et expurgées de défauts techniques et bruits parasites divers, mais provenant dans leur quasi-totalité du Théâtre des Champs-Elysées, dont l’acoustique a été jugée trop mate, ont été retravaillées, ainsi que le précise la notice, afin de «redonner à l’orchestre un peu d’espace, d’homogénéité et parfois même d’assise».


Le parti pris de ce coffret étant de ne proposer que des inédits, on n’y trouvera pas des documents dont la portée historique ou musicale est pourtant essentielle – la création de Déserts (1954), le premier Sacre dirigé par Boulez (1963)... Parti pris néanmoins opportun, car l’intégralité de cette publication, fondée sur un travail préparatoire titanesque (incluant l’audition préalable de près de quatre cents concerts), peut ainsi être consacrée à des découvertes – au disque, du moins, puisque ces concerts ont déjà tous été radiodiffusés en leur temps et, pour certains, rediffusés depuis lors. En tout cas, ce choix est presque entièrement respecté, nonobstant des apparences parfois trompeuses: on entendra certes Münch dirigeant en 1966 la Seconde Suite de Bacchus et Ariane mais cette version n’est pas celle, au demeurant plus réussie, captée quelques mois plus tard, également avec le National (Disques Montaigne, puis Valois); de même, parmi les deux concerts donnés par Bernstein en novembre 1981, Deutsche Grammophon avait déjà publié des symphonies de Franck et Roussel ainsi que Le Rouet d’Omphale de Saint-Saëns, mais on pourra entendre ici l’enthousiasmante Ouverture de Raymond d’Ambroise Thomas, qui ouvrait ce programme.


Parmi les chefs, justice est évidemment faite en premier lieu à ceux qui, pour la plupart, sous le titre de «directeur musical», ont présidé aux destinées de l’orchestre (la fonction n’ayant toutefois pas eu de titulaire pendant plus de dix ans). C’est naturellement le cas du premier d’entre eux, Inghelbrecht (1934-1944), dès le concert inaugural au Conservatoire le 13 mars 1934, même si c’est ici en 1958 seulement qu’il dirige de charnus et puissants Nocturnes de Debussy. «Inghel», auquel sont reprochées ses activités à Radio-Paris, est interdit d’exercer jusqu’en 1947: vient donc ensuite Rosenthal (1945-1947), dans l’Hymne à la Justice de Magnard, dont la puissance dramatique semble décuplée, en ce «concert de musique interalliée» donné au Théâtre des Champs-Elysées à peine un mois après la libération de Paris. Après sa démission, Désormière joua un rôle de premier plan auprès de l’orchestre et fut lui aussi un inlassable défenseur de la musique contemporaine – la création de la Première Symphonie de Dutilleux le démontre de façon plus qu’éloquente, tant cette interprétation fait encore figure de référence. Nul témoignage, en revanche, de l’art de Maurice Le Roux (1960-1967), dont la relation avec l’orchestre, il est vrai, alla de mal en pis, ni de celui de Jean Martinon (1968-1973), ce qui est certainement regrettable pour le second, même s’il est vrai qu’il a été bien servi par le disque.


On en parvient donc directement à Celibidache, fugace «premier chef invité» en 1974 et 1975, dont les légendaires lenteurs (et grognements) obèrent hélas quatre extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev. De Maazel, lui aussi d’abord premier chef invité (1977-1987) avant de devenir directeur musical (1987-1990), dont le mandat – le plus long à la tête de l’orchestre – se conclut dans d’exécrables conditions (le site du chef ne pipe d’ailleurs mot de son long séjour à Paris), c’est à se demander si ce n’est pas par perfidie qu’a été exhumé des archives ce Sacre du printemps sans intérêt quand il n’est pas ridiculement pachydermique. En revanche, bien qu’on n’eût point conservé non plus un excellent souvenir de la présence de Dutoit (1991-2001), qui, bien avant Gergiev, donnait toujours l’impression d’être entre deux avions afin d’essayer d’assumer parallèlement ses fonctions sur deux autres continents, à Montréal et à Tokyo, Le Corsaire de Berlioz, brillamment exécuté et plein de feu, est assez emblématique d’une personnalité qui savait faire preuve de charisme et d’élégance.


Après une nouvelle crise, l’arrivée de Masur (2002-2008), précédé de la double aura artistique et personnelle de son quart de siècle au Gewandhaus et de son rôle crucial dans la chute du régime est-allemand, fut indéniablement bénéfique et appréciée de l’orchestre, qu’il connaissait d’ailleurs depuis le début des années 1970. Il a essentiellement remis au programme le romantisme germanique, auquel Dutoit, au demeurant fidèle à l’ADN de l’orchestre, avait préféré la musique française et moderne, mais il contribua aussi à un très bon cycle Chostakovitch, dont il dirige ici une remarquable Première. Nommé «directeur musical honoraire à vie», titre qui n’avait jamais été décerné à ses prédécesseurs (Münch avait été fait «président d’honneur» en 1967), il a laissé la place en 2008 à Gatti, ici plus intéressant dans Wagner (Prélude et Mort d’Isolde) que dans Ravel (Seconde Suite de Daphnis et Chloé).


Pour le reste, on pourra recenser de nombreux absents – mais c’est le lot de toute anthologie, qui plus est quand elle est limitée à moins de dix heures de musique. A défaut de retrouver certains noms prestigieux qui ont, parfois fort brièvement, jalonné l’histoire de l’orchestre (Ansermet, Böhm, Fricsay, Furtwängler, Kempe, Klemperer, Krauss, Kubelík, Markevitch, Sawallisch, Solti, Stokowski, Stravinski, Szell, Toscanini, Walter...), les fidèles invités dont les musiciens et le public ont plus ou moins secrètement rêvé comme directeurs musicaux ont toute leur place: Bernstein, susmentionné, mais aussi Ozawa, tout en finesse dans La Mer, et Muti, dont les vertus s’exercent ici, sans surprise, dans ce répertoire classique (Trente-neuvième de Haydn ) qu’il a toujours si bien su faire travailler à l’orchestre ainsi que dans l’Ouverture de Lodoïska de son cher Cherubini. Parmi les chefs également plus proches de nous, Boulez, Davis et Haitink, par exemple, manquent à l’appel – quelques-uns de leurs concerts ont cependant été édités par ailleurs – mais aussi le trop sous-estimé Tate, dont on a un peu oublié qu’il fut premier chef invité de 1989 à 1998 et qu’il répondit notamment (au Châtelet) à la Tétralogie vaincue avec succès quelques années plus tôt par les «rivaux» du «Philhar’» avec leur directeur musical, Janowski, à Paris puis à Orange.


Cela étant, parmi ceux qui ont été sélectionnés, le défilé de vedettes de la baguette n’en reste pas moins impressionnant: Cluytens (très souvent invité lorsque le National n’avait plus de directeur musical) à la pointe sèche dans la Suite de L’Oiseau de feu; Krips, qui fait mouche dans un Till l’Espiègle plein de vie; Schuricht impeccable dans Coriolan (quelques années avant son intégrale Beethoven avec la Société des concerts du Conservatoire); Paray égal à lui-même, avec un formidable dynamisme dans l’Ouverture du Roi d’Ys de Lalo.


Du côté des solistes, chanteurs comme musiciens se situent, sans surprise, à la hauteur de ces plus grands chefs, parfois dans des prestations hors norme et hors cotation: Bernac faisant du Bernac (avec Désormière) dans les Chansons villageoises de Poulenc (quelques semaines avant la Libération, sous l’égide du Studio d’essai de la Radiodiffusion nationale fondé par Pierre Schaeffer – pas vraiment un «concert», au demeurant); Kolassi s’aventurant en 1953 avec Horenstein, trois ans après leur association dans Wozzeck, dans les Altenberg-Lieder de Berg (également en création française); Horne assez exotique dans Shéhérazade de Ravel (sous la direction de Bernstein, quelques jours avant leur enregistrement en studio pour CBS); Ferras irrésistible dans le Concerto de Tchaïkovski (accompagné par Jochum); Argerich et Abbado dans le Troisième de Prokofiev, dont la valeur, deux ans et demi après leur légendaire enregistrement de la même œuvre à Berlin (Deutsche Grammophon), demeure purement documentaire, en raison d’un piano trop favorisé par la prise de son et des faiblesses de l’orchestre.


De façon plus attendue, Los Angeles, accompagnée par Kletzki, magnifie les Mélodies hébraïques de Ravel, l’art du jeune Fischer-Dieskau est déjà pleinement abouti dans les Chants d’un compagnon errant de Mahler (avec Schuricht), Duval, interprète d’élection de Poulenc, est, forcément, La Dame de Monte-Carlo (en – périlleuse – création, sous la direction de Prêtre), Stern se montre tel qu’en lui-même, musical mais peu soucieux de justesse, dans le Concerto de Brahms, avec à ses côtés un Ormandy très inspiré, et Yo-Yo Ma, dans le Second Concerto de Dvorák, apparaît nettement plus confortable tant du point de vue de la performance instrumentale que de la qualité de la bande, même si le panache est surtout porté par Dutoit.


Un disque est consacré à quelques-unes des très nombreuses premières mondiales ou françaises données par l’orchestre tout au long de son histoire. Ici aussi, certaines parmi les plus marquantes ont déjà été publiées, de telle sorte que la sélection pourra paraître d’intérêt variable: on ressent en effet une certaine perplexité dans les Sept Haïkaï de Messiaen (avec Yvonne Loriod et Ozawa, pour sa première rencontre avec le National), voire dans ST/48 de Xenakis (dirigé par Foss), mais que le bref Calmo de Berio (dans sa première version), sous la direction du compositeur et avec son épouse Cathy Berberian, est formidable!


Last, but not least, on aura profit à se plonger dans le feuilletage de l’épais livret, abondamment illustré de photographies, caricatures et documents (dont des extraits du livre d’or de l’orchestre), et dans la lecture de la notice (en français et en anglais), riche et précise, fourmillant d’informations et d’anecdotes, où Karine Le Bail et Sophie Picard, d’un côté («Quatre-vingts ans de concerts sur les ondes»), et Christian Wasselin, de l’autre («Une aventure de quatre-vingts ans»), s’attachent à parcourir les quatre-vingts premières années d’un orchestre auquel il faut, plus que jamais, souhaiter longue vie.


Le site de l’Orchestre national de France


Simon Corley

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com