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03/21/2015 Orchestral Works 2
Toshio Hosokawa : Woven Dreams – Blossoming II – Circulating Ocean [*] Royal Scottish National Orchestra, Orchestre national de Lyon [*], Jun Märkl (direction)
Enregistré à Lyon (15 juillet 2007) [*] et à Glasgow (10-12 juin 2013) – 51’10
Naxos 8.573276 – Notice (en anglais de Toshio Hosokawa
Sélectionné par la rédaction
Jun Märkl poursuit son intégrale des œuvres orchestrales de Toshio Hosokawa (né en 1955) avec un deuxième volume qui présente deux pièces récentes pour lesquelles il dirige l’Orchestre national royal d’Ecosse et une reprise de son enregistrement de Circulating Ocean (2005) à la tête de l’Orchestre national de Lyon, à l’origine dans un programme qui l’associe avec à-propos à La Mer de Debussy (Naxos 8.570775). Le chef allemand donne la forte impression d’être en parfaite symbiose avec les deux compositeurs.
Une esthétique poétique et sonore toute japonaise enrichit des compositions établies sur une maîtrise sans faille des techniques occidentales. Les trois œuvres, stylistiquement typiques de l’orchestre d’Hosokawa, ont en commun d’émerger du silence sur une ligne étroite pour se développer, s’épanouir et s’affirmer par une dynamique verticale qui s’enrichit progressivement de timbres raffinés entremêlés par strates, et d’un ambitus en constante expansion. Chaque son complexe a «sa vie interne propre» (Isang Yun) et certains, plus détachés, fusent à l’horizontale, séparément ou par grappes, sur un orchestre en perpétuelle mutation harmonique, provoquant de ce fait des interactions en chaîne. Une fois un point culminant atteint, la composition parcourt le processus inverse, empruntant des voies subtilement différentes pour terminer sur un son complexe étiré jusqu’à son évanouissement.
L’inspiration de Drawing (2004) pour huit instrumentistes fut un rêve métaphysique et très intime qui traçait l’existence de la sérénité utérine au choc violent de la naissance, expérience que le compositeur «dessina» au travers de sa relation profonde à la musique. En 2009, pour répondre à une commande pour le festival de Lucerne, Hosokawa reprit quelques éléments de Drawing pour les «tisser», grâce au vif souvenir de son rêve étrange, à une pièce toute nouvelle pour orchestre. Woven Dreams se lance sur un long si bémol étiré pour se développer jusqu’à la violence selon une technique d’orchestre de gagaku aux strates décalées apparentées au canon. Comme pour Takemitsu avant lui, ses idées musicales naissent, certes, de son ressenti profond, mais, en premier lieu, surtout de la structure du rêve ou d’un élément naturel et de sa dynamique – germination, gestation, épanouissement, déclin. A la suite de Moment of Blossoming, concerto pour cor de 2010, Blossoming II (2011), fortement intériorisé, relève de la vie et du symbolique bouddhique des lotus enracinés dans un étang. C’est un entrecroisement de strates fluides et frémissantes traversées de brefs motifs mélodiques confiés à des instruments seuls, la puissance et l’ampleur de la pièce à son apogée cernées de scintillements irisés et de grondements fantasques.
Le flux et le reflux puissants de la mer, la respiration, les éléments climatiques et le cycle de l’eau innervent Circulating Ocean (2005), pièce d’envergure pour grand orchestre en neuf volets aux titres imagés, dédiée à Peter Ruzicka. Sa puissance et sa grande beauté sonore s’inspirent structurellement de la montée de brises et de brumes océanes, des vents, de l’orage et des mouvements de l’eau du plus calme aux fracas les plus violents. Les évènements sonores se détachent d’un fond orchestral dont la structure harmonique emprunte les accords multiples d’un shô qui respire, augmentés d’une percussion sourde ou cristalline. Au-delà de l’importance accordée musicalement à la notion de cycle, pour le compositeur, son œuvre est aussi une allégorie de l’existence humaine.
Les principes orchestraux de Hosokawa sont difficilement codifiables aux normes de l’analyse occidentale. Leur mise en place exige une attention de tout instant sous peine de brouiller le relief et de rendre nébuleux les éléments les plus distincts. Jun Märkl mène bien ses deux orchestres, attentif jusqu’aux détails infimes qui se dessinent avec clarté. L’interprétation engagée et de haut niveau révèle toute l’originalité des trois pièces tout en libérant leur beauté sonore.
Le site de Jun Märkl
Christine Labroche
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