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06/01/1999
Domenico Belli, Il nuovo stile
Guillemette Laurens (chant)
Le Poème Harmonique, Vincent Dumestre, théorbe & direction
Alpha 002

Dans un design très élégant, cette nouvelle édition Alpha nous présente son deuxième disque, après un magnifique volume consacré à Bellerofonte Castaldi, par les mêmes interprètes. Cette fois-ci, c’est Domenico Belli, musicien des Médicis à la cour de Florence, qui retient leur attention. Comme l’indique le sous-titre " Il nuovo stile ", il participa à la très fameuse " naissance " de l’opéra et fut à cet égard un des monodistes les plus intégristes quant à l’orientation stylistique et à l’audace qui en résultait. Au moment où le basso continuo apparaît, avec son chatoiement de lirone, luths, harpe et viole, la musique accompagne l’essor de la poésie dans la monodie. Tout le mouvement artistique de l’époque se légitime par un rapport à l’Antiquité. Cette généalogie fictive, malgré les travaux érudits de Girolamo Mei et d’autres humanistes, institue cette période comme exemplum, qui, en fait, n’est que prétexte à recréation. La place des émotions et de leur expression n’est donc pas en reste dans cette imitation du théâtre antique. La voix devient une véritable tragédienne, et c’est sur la traduction, la ressemblance des affects dans la musique que se penche le musicien novateur de cette fin de XVIe siècle. Dans un deuxième temps, le " nuovo stile " peut aussi bien renvoyer au stilnovisme, grand courant d’avant-garde poétique italien à partir du XIVe siècle. Souvent, la poitrine de l’homme est représentée comme la sépulture des cendres du coeur.

Mais il reste un problème, comme le souligne le titre de la collection " ut pictura musica " qui fait référence au célèbre mot d’Horace (dont l’origine est une parole de Simonide) dans l’Art poétique, " ut pictura poïesis ". Mais si l’on fait un lien entre poésie et peinture, c’est aussi pour supposer un rapport particulier : si la poésie est peinture parlante, la peinture est une poésie muette. On pourrait ainsi supposer que la musique est une peinture aveugle, mais dès lors elle a une place particulière dans la mimétique. C’est la représentation et non la ressemblance qui est visée. Une phrase musicale ressemble plus à une autre phrase musicale qu’à une passion. Or c’est quand l’on sort de l’exemple pictural que la représentation cesse d’avoir pour condition la ressemblance. La musique à cet égard jouit d’une place particulièrement enviable : elle réussit à dénoter un caractère par une simple différence. La figure poético-musicale, véritable ekphrasis vocale, a sa propre personnalité et dénote de manière lointaine son référant, même si les choses sont représentées par l’intermédiaire de sensibles communs. L’image est créée par le double concours de la figure musicale et du lieu poétique. Dans cette poésie musicale explorant les maladies de l’âme qui se rapportent à l’angoisse de la mort, la voix se fait le périégète des passions, façonnant tour à tour des images, des imitations, ou des tableaux. On connaît l’investissement théâtral et l’inganno vocal de Guillemette Laurens. Une fois de plus il fait sensation. La belle ardeur de son chant coloré est en outre soutenu par un consort de violes, d’une belle couleur et d’une très grande finesse. C’est donc avec un véritable bonheur que l’on voit naître ce nouveau label, dont la qualité ne se dément pas.


Frédéric Gabriel

 

 

 

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