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01/06/2015
Ludwig van Beethoven : Fidelio, opus 72
Eberhard Waechter (Don Fernando), Walter Berry (Don Pizarro), Jon Vickers (Florestan), Christa Ludwig (Leonore), Walter Kreppel (Rocco), Gundula Janowitz (Marzelline), Waldemar Kmentt (Jaquino), Kostas Paskalis (Premier prisonnier), Ljubomir Pantscheff (Second prisonnier), Chor der Wiener Staatsoper, Richard Rossmayer (chef de chœur), Orchester der Wiener Staatsoper, Herbert von Karajan (direction)
Enregistré en public à l’Opéra de Vienne (25 mai 1962) – 125’53
Album de deux disques Myto 00334 – Pas de notice





Anton Bruckner : Symphonie n° 9 en ré mineur (version Nowak) – Te Deum
Wilma Lipp (soprano), Elisabeth Höngen (alto), Nicolai Gedda (ténor), Walter Kreppel (basse), Dr. Josef Nebois (orgue), Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde in Wien, Wiener Philharmoniker, Herbert von Karajan (direction)
Enregistré en public au Musikverein, Vienne (27 mai 1962) – 76’42
Archipel ARPCD 0546 – Pas de notice





Après une de ces sempiternelles crises qui conduisit à la démission de Karl Böhm du poste de directeur de l’Opéra de Vienne en mars 1956, Karajan fut appelé à en prendre les responsabilités artistiques mais, comme on pouvait s’y attendre, à ses propres conditions au premier rang desquelles celle consistant à abandonner le principe selon lequel toute œuvre devait être chantée en allemand! C’est également lui qui instaura le système dit «des saisons», permettant aux reprises d’opéras d’être effectuées comme s’il s’agissait de véritables créations, mobilisant ainsi sur place les chanteurs plus longtemps qu’à l’accoutumée (ce qui ne fut pas sans peser sur les finances de l’Opéra, le passage qu’y effectua Karajan s’étant avéré certes brillant mais fort coûteux...). En outre, Karajan souhaita instaurer une véritable collaboration artistique avec la Scala de Milan (un système de coproductions d’opéras se mit alors en place) qui se concrétisa, dès le mois de juin 1956, par de légendaires représentations de Lucia di Lammermoor avec Maria Callas dans le rôle-titre (mais aussi Di Stefano, Panerai, Zampieri et Zaccaria!): c’est d’ailleurs au lendemain de la représentation du 12 juin que la nomination de Karajan à la tête de l’Opéra de Vienne fut officialisée – en qualité de künstlerischer Leiter (directeur artistique), comme le releva Die Presse dans son édition du 14 juin. Ce furent alors huit glorieuses saisons qui s’ouvrirent à Vienne où vinrent, comme le souhaitait Karajan, les plus grands chanteurs du monde et les baguettes que chérissait alors le public viennois. Malheureusement, en 1964, une nouvelle crise avec le directeur administratif, Egon Hilbert, entraîna le départ du chef de la capitale autrichienne, à laquelle il devait durablement tourner le dos pour n’y revenir qu’à la fin des années 1970.


Inaugurant son mandat par une nouvelle production de Falstaff le 11 mars 1957, Herbert von Karajan eut fréquemment l’occasion de diriger Fidelio à l’Opéra de Vienne si l’on se réfère à l’ouvrage exhaustif de Franz Endler et Karl Michael Fitthum Karajan an der Wiener Oper (Holzhausen, 1997). Il le fit une première fois le 31 janvier 1958 (pour une seule représentation) avant de le reprendre le 11 octobre de la même année puis, au cours de la saison suivante, le 8 décembre 1959 et le 12 février 1960 (à la même époque, Karajan aura dirigé Fidelio au Festival de Salzbourg à l’été 1957 puis l’année suivante). Il le dirige ensuite le 27 novembre 1960 au Staatsoper (l’équipe compte alors Aase Nordmo-Loevberg dans le rôle de Léonore, Wolfgang Windgassen dans celui de Florestan, Hans Hotter dans celui de Don Pizarro et Wilma Lipp pour celui de Marceline, un enregistrement de cette représentation étant disponible depuis 2011 chez Andromeda ainsi que chez Golden Melodram) avant de le faire de nouveau à plusieurs reprises en décembre 1960 et janvier 1961 (dans le cadre cette fois-ci de la Scala avec l’orchestre et le chœur «maison», un live publié chez IDIS nous permettant de revivre la représentation du 20 décembre). Karajan dirige ensuite Fidelio à Vienne les 25 mai et 12 juin 1962, puis les 17 février et 19 juin 1963 avant de reprendre l’ouvrage, pour la fin de son mandat, les 24 mars, 21 mai et 3 juin 1964.


Mélomane curieux ou karajanophile passionné, on se précipite donc sur ce coffret pour se rendre rapidement compte qu’il a en fait déjà été publié, et pas dans n’importe quelles conditions! Après une première parution chez Movimento Musica, ce fut en effet au tour de Deutsche Grammophon, dans sa série «Wiener Staatsoper Live», d’éditer en 2008 cette représentation (dont la mise en scène était également régie par Karajan) dans un coffret agrémenté par ailleurs d’une excellente analyse de la soirée (texte de l’inamovible Gottfried Kraus, traduction des textes chantés, plusieurs photographies de la représentation...) et dans une prise de son meilleure que celle du présent enregistrement. Alors, quel est l’intérêt de cette réédition, qui ne comporte d’ailleurs aucune notice? On peut se le demander... Pour autant, revenons à la dimension strictement musicale de cet enregistrement. Christa Ludwig possède une vraie fragilité en incarnant Léonore mais celle-ci traduit davantage des difficultés techniques, notamment d’évidents problèmes de tessiture (les aigus sont poussés dans le trio «Gut, Söhnchen, gut» à l’acte I et son grand air «Abscheulicher! Wo eilst du hin?» est besogneux, contrairement à un orchestre qui souhaite avancer), qu’une incarnation vraie du personnage. On oubliera donc rapidement cette contreperformance. Contreperformance également de la part de Vickers, qui était souffrant ce soir-là, et dont les aigus sont là aussi arrachés, sa voix apparaissant des plus fatiguées (son premier air au début du second acte). En revanche, excellente Marceline de la part de la jeune Gundula Janowitz (alors âgée de vingt-huit ans), terriblement touchante dans l’air «O wär ich schon mit dir vereint». On n’oubliera pas non plus la noblesse du timbre d’Eberhard Waechter, ni l’incarnation machiavélique que fait Walter Berry du personnage de Pizarro, quand bien même l’air «Ha! Welch ein Augenblick!» aurait pu être plus enlevé. En fin de compte, et comme en témoigne le public ce soir-là, ce sont bel et bien Karajan et les Wiener qui remportent les suffrages, notamment après une superbe ouverture de Léonore III au second acte, les cordes viennoises faisant une fois encore des miracles tout au long de l’opéra. Un enregistrement à oublier donc dans cette édition et à acquérir pour les seuls passionnés car, pour qui souhaiterait avoir un enregistrement live électrisant de Fidelio, on ne peut que recommander l’immense version gravée par Böhm au Staatsoper de Munich en 1979 avec la jeune Hildegard Behrens dans le rôle de Léonore: un pur miracle (coffret Orfeo).


Deux jours après Fidelio, Karajan dirigeait les Wiener Philharmoniker dans un concert tout entier dédié à Anton Bruckner (1824-1896), concert d’ouverture des Wiener Festwochen. On connaissait déjà les deux superbes gravures de la Neuvième par Karajan et les Wiener Philharmoniker, captées en concert au Musikverein, les 25 juillet 1976 (disque Deutsche Grammophon édité à l’occasion des 150 ans de l’orchestre en 1992) et 8 mai 1978 (ce dernier enregistrement, édité dans un coffret Andante, ayant également fait l’objet du célèbre enregistrement vidéo publié cette fois-ci par Deutsche Grammophon). Voici donc un nouvel opus tout à fait recommandable même s’il ne possède pas la beauté plastique des deux autres. Le premier mouvement (Feierlich misterioso) est très bien conduit, avec un peu trop de précipitation par endroits (le passage à compter de 18’50 notamment) mais la mécanique viennoise reste impressionnante, notamment dans la coda conclusive. Le Scherzo (Bewegt, lebhaft), très nerveux, bénéficiant par ailleurs d’un Trio (Schnell) plus espiègle que dans les gravures ultérieures du chef autrichien, s’avère très convaincant même si la prise de son est assez sèche, rendant le son de certaines notes piquées des bois assez désagréable (à 8’24). Le dernier mouvement (Adagio. Langsam feierlich) est sans aucun doute le plus réussi car, même si la prise de son pourrait être meilleure, on perçoit sans difficulté la tension des cordes qui, bénéficiant d’un superbe legato, instaurent un tapis somptueux où l’apaisement succède avec art aux interventions tout en finesse des vents: une version sans concession de la part de Karajan.


Les enregistrements en concert du Te Deum de Bruckner sous la direction de Karajan ne sont pas légion: on connaît celui du 24 août 1960, au Festival de Salzbourg, avec un superbe quatuor de solistes (Leontyne Price, Hilde Rössl-Majdan, Fritz Wunderlich et Walter Berry), qui fut tout d’abord publié chez Membran avant d’être réédité chez EMI dans la collection «Festspieldokumente» (couplé avec la Missa solemnis de Beethoven), ainsi que la version filmée du 8 mai 1978 où le Te Deum concluait un concert dont la première partie avait été consacrée, comme ici, à la Neuvième Symphonie. La présente captation frappe par sa violence sourde et par une énergie que l’on perçoit très bien en dépit d’une prise de son là aussi perfectible, les tutti des chœurs (étrangement pas de l’orchestre) ayant tendance à saturer rapidement. L’excellent quatuor de solistes est dominé par un superbe Nicolai Gedda (Walter Kreppel étant un peu en deçà des trois autres), l’intervention du Konzertmeister (on peut supposer qu’il s’agissait alors de Willi Boskovsky) participant à sa juste mesure à la réussite de l’ensemble. Un témoignage de plus de Karajan dans ce répertoire qu’il chérissait tant même si la version filmée du Te Deum demeure à nos yeux la plus recommandable des réalisations du chef autrichien.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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