Back
01/03/2015 «Midsummer Phantasy»
Henry Purcell : Fantasias en sol mineur pour consort de violes à trois parties, Z.734, et à quatre parties Z.735
Frank Bridge : Phantasy, quatuor avec piano en fa dièse mineur, H.94
Olivier Penard : Phantasy, quatuor avec piano, opus 25 Ensemble Contraste: Arnaud Thorette (violon), Maria Mosconi (alto), Antoine Pierlot (violoncelle), Johan Farjot (piano)
Enregistré à Meudon (12-14 avril 2013) – 49’52
DUX 1126 (distribué par Distrart) – Notice (en français, anglais et polonais) de Dominique Hayer
Le quatuor avec piano de l’Ensemble Contraste, ensemble à géométrie variable, choisit comme pierre angulaire de son programme la Phantasy (2010) d’Olivier Penard (né en 1974), dont l’esprit de liberté correspond étroitement à leur ambition de décloisonnement musical, éventuellement à la croisée des genres. La Troisième et la Quatrième des douze Fantasias pour consort de violes (1680) de Henry Purcell et la Phantasy pour quatuor avec piano (1910) de Frank Bridge lui servent de brève introduction.
«Midsummer Phantasy», le titre attribué au programme, y imprime une esthétique en évoquant aussitôt The Fairy Queen de Henry Purcell (1659-1695), qui augmente de masques brillants à sa manière Le Songe d’une nuit d’été, comédie féerique de William Shakespeare. Dès lors, la transparence et la légèreté mendelssohniennes de la partie centrale de l’œuvre de Bridge y répondent. La fantaisie était un art polyphonique fort à la mode pendant les XVIe et XVIIe siècles anglais et Purcell composa quelques chefs-d’œuvre dans le genre, qui révèlent une fine maîtrise des procédés contrapuntiques d’imitation, de diminution et d’augmentation, marqués par la profondeur des sentiments. L’orthographe «phantasy» relève du choix du mécène William Cobbett au début du XXe siècle, le genre étant revenu à la mode dans un esprit plus rhapsodique.
Les trois cordes de l’Ensemble donnent une belle interprétation généreuse des deux Fantasias de Purcell, ce qui peut faire regretter qu’ils en jouent leur propre arrangement qui est à trois parties alors que la Z.735 est normalement à quatre, et qui en réduit la durée de chacune de trois grandes minutes à une seule alors que l’ensemble du programme n’occupe que cinquante minutes à peine. Le quatuor mène la Phantasy de Frank Bridge (1879-1941) à vive allure. Peut-être dans le souhait de jeter un pont entre le compositeur anglais et Olivier Penard, de style et d’époque si différents, les quatre musiciens ne se privent pas de rubato et accentuent par leur attaques les rythmes syncopés du scherzo qui mène au sommet de l’arche de sa structure, presqu’en écho aux instants quasi-tango du volet central de la Phantasy composée cent ans plus tard. Bien que leur prouesse instrumentale ne soit nullement à mettre en doute, on peut préférer la récente version nette et nuancée du Quatuor Mariani plus proche de la houle postromantique d’origine.
La fantaisie dans sa forme anglaise est un genre polyphonique mais néanmoins libre qui par définition convient à Olivier Penard, jeune compositeur français en partie autodidacte qui se réclame de Ravel, Bartók, Stravinsky, Honegger, Dutilleux, John Williams (l’Américain, non l’Australien) et John Adams. Au contraire des fantaisies de Purcell et de Bridge, sa partition est un divertissement. Habile et original, construit en cinq volets en arche et en miroir, il ne manque pas d’intérêt. Sans jamais faire naître une idée de «néo-», Penard procède à une véritable synthèse entre la musique savante et le jazz. Les techniques instrumentales, les timbres et le jeu thématique non sans recherche, les quatre instruments indépendants du quatuor sonnent à l’occasion comme un petit orchestre. Il mêle dissonance et consonance, chromatisme et diatonisme, contrepoint et harmonie et ses rythmes marqués passent de l’effréné au chaloupé ce dernier en particulier pour le troisième volet volontairement ludique où le compositeur «tisse un moment de détente clair-obscur à la croisée des langages» en référence oblique à Gershwin et avec un clin d’œil à la musique de salon.
La Phantasy d’Olivier Penard répond à une commande de l’association Musique Nouvelle en Liberté. L’Ensemble Contraste la défend avec adresse et conviction.
Le site de l’Ensemble Contraste
Le site d’Olivier Penard
Christine Labroche
|