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10/21/2014
«Beethoven. The Last Three Sonatas»
Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 30, opus 109, n° 31, opus 110, et n° 32, opus 111

Eric Le Sage (piano)
Enregistré dans la Salle Philharmonique de Liège (7-10 janvier 2012) – 64’27
Alpha 607 – Notice de présentation en français et anglais





«Alessio Bax plays Beethoven»
Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 14, opus 27 n° 2 «Clair de lune», et n° 29, opus 106 «Hammerklavier»Die Ruinen von Athen, opus 113: «Chor der Derwische» et «Marcia alla turca» (arrangement: Bax)

Alessio Bax (piano)
Enregistré au Wyastone Concert Hall, Wyastone Leys, Monmouth (17-19 janvier 2014) – 62’20
Signum Classics SIGCD397 – Notice de présentation en anglais





Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 14, opus 27 n° 2 «Clair de lune», n° 17, opus 31 n° 2 «La Tempête», et n° 21, opus 53 «Waldstein»
Alexei Lubimov (pianoforte)
Enregistré dans l’Amphithéâtre de la Cité de la Musique, Paris (27-29 juin 2012) – 66’48
Alpha 194 – Notice de présentation en français et anglais





Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 14, opus 27 n° 2 «Clair de lune», et n° 32, opus 111 – Concerto pour piano et orchestra n° 3, opus 37
Fazil Say (piano), Hessischer Rundfunk Sinfonieorchester, Gianandrea Noseda (direction)
Enregistré à l’Alte Oper de Francfort (février et mars 2013 [Concerto]) et au Zorlu Center, Istanbul (octobre 2013 [Sonates]) – 73’00
Naïve V5347 – Notice de présentation en français, allemand et anglais





Ces quatre albums consacrés aux Sonates pour piano de Ludwig van Beethoven (1770-1827) témoignent, tous à leur manière, d’une volonté d’éclaircir des partitions souvent explorées dans leur versant le plus ténébreux, le plus sombre, le plus douloureux, le plus métaphysique aussi – dans l’esprit de l’analyse de Brigitte François-Sappey dans la notice du premier disque: «toutes les transgressions que charrie l’œuvre prométhéenne de Beethoven ne sauraient masquer sa fidélité aux idéaux de l’Aufklärung, sa volonté classique de déboucher, par-delà les aspérités, sur une résolution, par-delà l’obscurité, sur la lumière».


Après ses admirables intégrales Fauré et Schumann chez Alpha, Eric Le Sage (né en 1964) livre, chez le même éditeur, sa vision des Trois Dernières Sonates de Beethoven, dans un album fort bien édité et enregistré. Le Sage propose un Opus 109 trop... sage, justement, reposant sur une modération du sentiment qui tend, en définitive, à le flétrir. Le choix de tempos plutôt lents renforce l’impression d’un jeu trop délicat – voire un peu terne – pour ce répertoire. L’avantage de cette approche réside a contrario dans la délicatesse du toucher, qui ciselle en orfèvre les variations successives du Gesangvoll, mit innigster Empfindung.


L’Opus 110 procure également une impression mitigée. Si la clarté de la frappe illumine un texte vite touffu sous d’autres doigts, sa légèreté se révèle presque frustrante. Mais l’émotion de l’Adagio ma non troppo prend à la gorge, le pianiste français créant le vide autour des notes pour en mieux en sculpter la douleur. Cette tempérance, on a plus de mal à l’apprivoiser dans l’Opus 111 – en particulier face à la lenteur de la mise en place de l’Arietta (longue de plus de 18 minutes, sur une durée totale de près de 27 minutes). Mais l’originalité de l’approche comme la cohérence de l’architecture sont incontestables – et l’émotion monte irrémédiablement en puissance, le surplace dans lequel Eric Le Sage plonge certaines mesures se muant en hypnose sonore. Un voyage expérimental et parfois fugace dans la constellation des Dernières Sonates, mais une expérience profondément intègre.


Le pianiste italien Alessio Bax (né en 1977) vient, quant à lui, à bout d’une Hammerklavier digne d’éloges. Un premier mouvement indéniablement maîtrisé. Un deuxième habilement rythmé. Un troisième subtilement éloquent – jamais passif face aux nuances, trouvant toujours le juste milieu entre véhémence et fidélité au texte. Enfin, un quatrième mouvement d’une vivacité implacable – laissant pourtant peu de traces, car perdant en densité ce qu’il gagne en virtuosité. Quel dommage que la Sonate «Clair de lune» qui complète le disque soit aussi transparente – sans trahison aucune, certes (notamment dans l’énergie du «Presto agitato»), mais presque indifférente aux arrière-plans musicaux dans les deux premiers mouvements, avec un Adagio sostenuto fade et un Allegretto plutôt insipide.


Par son toucher calme et puissant – d’un équilibre déjà très accompli et d’une technique résolument fiable –, ce pianiste très attachant (allant jusqu’à jouer son propre arrangement du «Chœur des Derviches» et de la «Marche turque» des Ruines d’Athènes) est de ceux dont on souhaite suivre la maturation et qui peut s’épanouir dans les répertoires les plus variés, comme il l’a d’ailleurs déjà prouvé en concert (de Liszt à Moussorgski, en passant par Brahms, Rachmaninov, Granados, Bartók ou Ravel).


Par contraste avec Alessio Bax, c’est peu dire qu’Alexei Lubimov (né en 1944) fouille le texte de la Sonate «Clair de lune». Le premier mouvement fascine de bout en bout: une vision sortie du profondeur des âges et éclairée de la bougie du pianoforte Erard de 1802 copié par l’admirable Christopher Clarke – le soliste russe abandonnant l’Alois Graff de 1828 sur lequel il avait gravé les Trois Dernières Sonates en 2009 (Zig-Zag Territoires). Si la densité de l’Allegretto bute sur la sécheresse des résonnances du pianoforte, le Presto agitato secoue les accords avec une suprême musicalité et un sens du drame inouï.


La «Waldstein» fut composée par Beethoven sur l’instrument que Sébastien Erard lui avait adressé en 1803. Un raison suffisante pour que l’enregistrement de Lubimov émeuve et convainque de la pertinence de renoncer à un piano moderne pour exécuter cette partition? Pas forcément, tant l’accomplissement sonore paraît bridé par le matériau de l’Erard, jusqu’à étouffer certains passages qu’un Steinway ferait ressortir avec plus d’évidence, de grandeur, de profondeur aussi. Le mouvement central est celui qui gagne le plus à cet environnement permettant un approche plus rhapsodée de l’œuvre.


Claquant sur le pianoforte avec une véhémence saisissante, les coups de griffe de l’Allegro de la «Tempête» présentent un intérêt discographique supérieur. Ceux de l’Adagio glacent le sang, tant la mort elle-même semble frapper à la porte. Les bourrasques de l’Allegretto n’apportent pas autant de singularité. Au total, Alexei Lubimov offre – dans ce disque-livre d’une qualité éditoriale exceptionnelle (papier, textes, photographies) – une expérience sonore moins extrémiste que ses incursions chez Schubert ou chez Debussy, mais beaucoup plus convaincante.


Face à tant de rigueur intellectuelle, le toucher enthousiaste de Fazil Say (né en 1970) apparaît assez débridé. Certes, la Dernière Sonate bénéficie d’une construction lumineuse et plutôt rythmée, ainsi que d’une technique très tenue s’appuyant sur un geste sobre mais un peu lisse. Une sobriété qui tend à laisser place, au fil des variations, à une édulcoration du propos et à un recentrage sur la mélodie principale – qui appauvrit le discours beethovénien. Un Opus 111 d’une grande beauté formelle mais vraiment court en souffle. La Sonate «Clair de lune» ne marque pas non plus. La douceur et la lenteur de l’Adagio sostenuto génèrent vite l’ennui... surtout par comparaison avec Lubimov! Et si l’Allegretto est bien charpenté, le Presto agitato est violenté à l’excès.


Un disque complété par un Troisième Concerto où le pianiste turc déploie un toucher affirmatif (au détriment de la subtilité des nuances parfois) et conquérant (malgré une légèreté générale du ton). On s’avoue sceptique, en revanche, face aux libertés de Fazil Say dans la cadence de l’Allegro con brio comme dans la fantaisie de certains traits du Rondo, qui s’éloignent franchement de Beethoven et ne sont pas toujours du meilleur effet. La rythmique impeccable des poignets reste, elle, admirable et bien en phase avec un orchestre peigné pour Mozart. Sous la baguette de Gianandrea Noseda, l’Orchestre symphonique de la Radio de Francfort confirme ainsi qu’il demeure une excellente formation.


Le site d’Alessio Bax
Le site d’Eric Le Sage
Le site de Fazil Say


Gilles d’Heyres

 

 

 

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