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10/12/2014
Alessandro Scarlatti : Carlo, Re d’Alemagna
Romina Basso (Lotario), Roberta Invernizzi (Giuditta), Marina de Liso (Gildippe), Marianne Beate Kielland (Adalgiso), Carlo Allemano (Berardo), Josè Maria Lo Monaco (Asprando), Damiana Pinti (Armilla), Roberto Abbondanza (Bleso), Stavanger Symfoniorkester, Fabio Biondi (violon solo et direction)
Enregistré au Stavangher Konzerthus de Bjergsted, Norvège (30 novembre-4 décembre 2009) – 169’21
Coffret de trois disques AgOgique AGO015 (distribué par Harmonia mundi) – Notice et traduction des textes chantés (en français et en anglais)


 Sélectionné par la rédaction





Si les fils Bach pouvaient se dire qu’il est difficile d’avoir un père de cette trempe, Alessandro Scarlatti (1660-1725) aurait pu se dire de son côté qu’il est difficile d’avoir été ainsi éclipsé par un fils, Domenico, dont les plus de cinq cents sonates sont jouées depuis plus de deux siècles à travers le monde. Et c’est bien dommage puisqu’Alessandro, dont la carrière s’est essentiellement déroulée à Rome et Naples, a été un grand compositeur, auteur notamment de plusieurs opéras que l’on redécouvre petit à petit.


Ainsi, dans le même temps où l’on jouait ses opéras La Griselda (1721), dirigé voilà plus de dix ans à Paris par René Jacobs, ou Telemaco (1718), on redécouvrait également sa musique sacrée, qu’il s’agisse de ses oratorios Il martirio di Santa Cecilia ou La Giuditta. Nouvelle pierre apportée à l’édifice, ce Carlo, Re d’Alemagna (1716) a été redécouvert par le violoniste et chef d’orchestre Fabio Biondi, qui dirigea à cette occasion son orchestre de l’Europa Galante, le 9 octobre 2003, dans le cadre du festival Scarlatti qui se déroulait à Palerme sous les ors du Teatro Massimo. Ayant ensuite repris l’œuvre en 2009, voici l’enregistrement qui exhume cet opéra en trois actes, créé au Teatro San Bartolomeao de Naples en janvier 1716, sur un livret de Giuseppe Papis qui ne manque pas d’attraits.


L’histoire mêle vraie et grande histoire avec l’imagination propre à peindre des intrigues amoureuses... En guise d’entrée, Lothaire, prétendant à prendre les rênes de l’empire de Germanie, reçoit les louanges de son fils Adalgiso, qui est promis à recevoir la couronne le jour venu. Mais, malheureusement pour lui, le trône est occupé par l’impératrice Giuditta, qui s’occupe dans le même temps du mariage de sa fille Gildippe dont Lothaire n’est que le beau-père, cette dernière devant se marier avec Adalgiso. Lothaire reçoit les hommages de Carlo, enfant, mais se dévoile un peu, semant le doute dans l’esprit de Giuditta, qui comprend qu’il s’agit en fait d’un rival qui veut la déposséder. De leur côté, Gildippe et Adalgiso se déclarent leur amour, mais Giuditta les sépare car elle perçoit les menaces de Lothaire et souhaite l’union de sa fille avec Carlo. Giuditta finit par accuser Lothaire et un combat s’engage, provoquant la fuite du roi, Asprando (serviteur de Lothaire et exécuteur de ses basses œuvres tout en étant le commandant des gardes de Giuditta et donc un traître à l’égard de cette dernière) promettant à Giuditta sa chute future, elle qui, de son côté, prie les Dieux de bien vouloir protéger son fils et sa propre vie. C’est à ce moment qu’Armilla, sa servante, chargée de s’occuper de Carlo, et Bleso, maître d’armes de Lothaire, se rencontrent et tombent immédiatement amoureux. Asprando fait part à Lothaire de la confiance qu’il a en Giuditta et souhaite s’en servir pour la vaincre et installer son maître au pouvoir. Lothaire veut renverser Giuditta et Carlo afin d’être Empereur de Germanie. La fidèle Armilla rencontre la nuit Bleso afin de lui soutirer des informations sur ce que compte faire Lothaire, qui lui avoue que le palais est cerné de soldats. De leur côté, Gildippe et Adalgiso se rencontrent à leur tour et déplorent que la haine entre leurs mère et père soit un obstacle à leur amour. Face au danger, Asprando persuade Giuditta de le laisser emmener Carlo en lieu sûr, déguisés, afin dit-il d’échapper aux ennemis. Giuditta et Armilla disent adieu à Carlo. Or, Gildippe a tout découvert et annonce à Giuditta qu’Asprando a finalement livré Carlo à Lothaire. Berardo, sur ordre de Giuditta, lance ses troupes à l’assaut de Lothaire mais celui-ci menace d’exécuter Carlo. Au début de l’acte III, Lothaire confie ses pensées à Berardo, lui avouant qu’il ne souhaite pas que Giuditta règne et voulant bien au contraire que, le jour venu, Carlo s’empare du trône. Étrangement, Berardo s’en offusque et semble vouloir mettre fin à la tyrannie de Lothaire. C’est alors que Lothaire s’empare de Carlo et menace de le tuer si Giuditta n’avoue pas que Carlo est le fruit d’un amour adultère et que celui-ci ne peut donc prétendre à régner. Alors que Giuditta hésite, partagée entre l’amour pour son fils et son honneur, Lothaire s’apprête à exécuter de son propre glaive le jeune Carlo mais Adalgiso le lui enlève et s’offre en sacrifice. Lothaire cède et s’avoue vaincu devant Giuditta qui peut enfin triompher...


Les voix sont tout à fait remarquables. Bien qu’il s’agisse du nom le plus connu, on passera assez rapidement sur la performance de Romina Basso qui, dans le rôle de Lotario, est irréprochable comme à son habitude, qu’il s’agisse de s’attaquer aux traits étourdissants de l’air «Con la suabenda» (acte I, scène 3a), de facture assez classique dans l’accompagnement instrumental et dans les appogiatures vocales, ou d’incarner un personnage éploré comme dans le poignant «Aure voi» qui inaugure le deuxième acte. Reine tantôt fragile et tantôt volontaire, Roberta Invernezzi incarne une très belle Giuditta, qui est véritablement le personnage central de l’opéra puisque c’est autour d’elle que se nouent intrigues, traîtrises, amours et haines. Même si peu d’airs lui sont dévolus, on écoutera avec un délice renouvelé l’air «L’innocenza in te vegg’io» (acte II, scène 7a), d’une ampleur à couper le souffle, où la beauté pure le dispute à la douceur de chaque syllabe.


On mettra ensuite sur le même plan Marianne Beate Kielland et Josè Maria Lo Monaco, qui incarnent respectivement Adalgiso et Asprando et qui montrent toutes deux les mêmes qualités vocales, certains airs étant d’ailleurs d’une étonnante proximité dans le jeu qui s’instaure entre les voix et les instruments. Qu’il s’agisse de l’air «L’alma mia già si consola» pour la première ou du tout aussi brillant «Già il mio cor» pour la seconde, on goûtera pleinement l’entrain de chacune et l’adéquation entre leur propos et l’orchestre. Marina de Liso fait preuve de la fragilité nécessaire pour son personnage, quelque peu perdu au milieu d’intrigues qui ne la concernent guère; de même, on appréciera à sa juste valeur (l’air étant malheureusement très bref) l’humour dont fait preuve Bleso (Roberto Abbondanza) dans son air plein d’humour «Con le zitelle» à la fin du premier acte. Les deux autres chanteurs sont tout aussi dignes d’éloges, notamment Carlo Allemano dans un très bel air («Il giglio nel prato») accompagné avec soin par un hautbois enjôleur.


Car la réussite de ce disque tient aussi, bien évidemment, à Fabio Biondi et à son orchestre, le Symphonique de Stavanger, très belle phalange norvégienne qui s’illustre dans divers répertoires et qui a développé depuis 2006 une belle collaboration avec Fabio Biondi, le chef du célèbre ensemble L’Europa Galante. Dès l’Ouverture en trois mouvements, suivie par l’introduction du premier acte confiée à l’orchestre où s’illustrent notamment les hautbois et les cors, les intonations sont justes, le trait est net et les accents claquent comme il convient. L’orchestre se plait également à rendre justice aux inventions mélodiques d’Alessandro Scarlatti, comme ces pizzicati de cordes en accompagnement de l’air d’Armilla («Consoliamoci o signora») à l’acte II (scène 8a), ces magnifiques solos de violon et de violoncelle dans l’air d’Adalgiso «Labri cari» ou ces trompettes éclatantes dans le très beau «Già il mio cor» auquel on a déjà fait référence. Enfin, on remarquera qu’en plus d’une occasion, l’influence de Vivaldi semble se faire sentir, notamment dans un «Sono in mar con ria procella» de toute beauté (air de Giuditta à la scène 14a de l’acte I).


La richesse du matériau, qui requiert un orchestre fourni faisant appel aux cordes, cuivres et bois de manière conséquente, et l’implication des interprètes contribuent donc à faire de cet opéra une mine d’airs et de passages ô combien séduisants, le résultat justifiant sans conteste son acquisition. L’amateur du genre ne pourra pas être déçu!


Le site de l’Orchestre symphonique de Stavanger
Le site de Marina de Liso
Le site de Marianne Beate Kielland
Le site de Roberto Abbondanza


Sébastien Gauthier

 

 

 

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