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08/16/2014
Eugène Ysaÿe : Six Sonates pour violon seul, opus 27 – Sonate pour deux violons en la mineur, «Sonate à la Reine», opus posthume
Tedi Papavrami (violon), Svetlin Roussev (violon II)
Enregistré à La Chaux-de-Fonds, Suisse (octobre 2012) – 93’35
Double album Zig-Zag Territoires ZZT342 (distribué par Outhere) – Notice (en français et en anglais) de Harry Halbreich


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Violoniste de caractère affirmé, technicien virtuose et interprète raffiné, Tedi Papavrami (né en 1971) révèle par ses choix et ses prestations une prédilection et, sans aucun doute, une prédisposition pour le répertoire pour violon seul. Après ses enregistrements des œuvres pour violon seul de Bach, Bartók et Paganini, et ses transcriptions pour violon seul de certaines Sonates de Scarlatti et de la Fantaisie et Fugue en sol mineur de Bach, rééditées ensemble lors de la parution de son autobiographie, Fugue pour violon seul, Tedi Papavrami s’attaque à un autre monument du genre, l’Opus 27 d’Eugène Ysaÿe, inconnu dans son Albanie natale, découvert au début de son asile politique en France mais avec lequel il ne s’est trouvé que plus tardivement des affinités certaines. Son parcours mouvementé ajouté à son grand talent et à son exigence technique l’y préparait certainement.


Tedi Papavrami s’adapte avec une intensité mordante aux différents styles des six Sonates (1923), chacune destinée et dédiée à un interprète précis. Son style athlétique, la netteté de ses attaques et sa variété d’archet conviennent admirablement à la vaste Première Sonate en sol mineur, dédiée à Joseph Szigeti et encore sous l’influence de Bach. Les lignes secondaires des strates complexes des doubles, triples et quadruples cordes ressortent avec une clarté harmoniquement subtile, le tremolando ponticello du premier des quatre mouvements ajoutant sa touche fantasque. Dédiée à Jacques Thibaud, la Deuxième Sonate en la mineur projette encore l’ombre de Bach par une citation directe au premier mouvement mais c’est le thème du Dies iræ grégorien qui domine une partition bénéficiant ici de la virtuosité technique du violoniste franco-albanais, qui déploie une capacité d’expression intériorisée ou extériorisée fidèle en tout point aux titres évocateurs des quatre mouvements: «Obsession», «Malinconia», «Danse des ombres» et «Les Furies». De dimensions plus modestes et en un seul mouvement, la célèbre Troisième Sonate en mineur, dédiée à Georges Enesco, porte le sous-titre «Ballade». L’archet toujours aussi précis, les accords arpégés des multiples cordes en belle harmonie, Papavrami communique le caractère rhapsodique de la partition au travers des quatre sections qui vont accelerando jusqu’à l’ivresse finale.


Une «Allemanda», une «Sarabande» et un «Finale» véloce affirment la nature plus classique de la Quatrième Sonate en mi mineur, dédiée à Fritz Kreisler. Le jeu à la fois musculeux et poétique de Papavrami met en lumière la beauté souvent cachée d’une partition qui allie la richesse sonore au raffinement expressif. En sol majeur, la Cinquième Sonate est dédiée à Mathieu Crickboom. Sans en modifier le caractère pastoral, le style incisif et la fermeté du phrasé de Papavrami apportent un certain classicisme de bon aloi à cette page plus libre, plus impressionniste mais à la technicité néanmoins périlleuse qui exige des pizzicati main gauche et des effets percussifs innovateurs. Les dernières pages de cette œuvre exceptionnelle sont consacrées aux fragrances espagnoles de la brève et acrobatique Sixième Sonate en mi majeur, dédiée à Manuel Quiroga. Papavrami s’y prête avec souplesse, son exécution tout à fait brillante grâce à sa musicalité, sa maîtrise et à son panache.


Tedi Papavrami a l’eu l’excellente idée d’adjoindre à l’Opus 27 la bien plus rare Sonate pour deux violons (1915) dédiée à la Reine Elisabeth et dite «Sonate à la Reine». Estimant «les deux parties aussi ardues l’une que l’autre», il y convie l’éminent archet coloré et chaleureux mais tout aussi exigeant de Svetlin Roussev, actuellement premier violon solo de l’Orchestre philharmonique de Radio France ainsi que de l’Orchestre philharmonique de Séoul. La réussite est totale. Plus romantique, plus proche du style des Poèmes du compositeur, richement chromatique, constamment polyphonique, radieuse ou piquante, agitée ou calme, la Sonate, aux dimensions importantes, déferle sous leurs doigts avec une force magistrale. La plénitude de leur prestation, leur engagement et leur entente en font une version de référence aux côtés de la belle version – malheureusement avec coupures – de Leonid Kogan et Elizaveta Gilels, à l’origine en 1963 de la redécouverte de l’œuvre.


Parmi les versions récentes de l’Opus 27, celle de Gidon Kremer domine. Plus liée, plus expansive, accentuant plus volontairement la variété d’intensités et de tempi, elle frappe par sa générosité et par son aisance confondante. Quoique d’une esthétique différente, la version de Papavrami se hisse en parallèle. La mise en place réfléchie, la logique, la précision et la prouesse violonistique alliées à la flamme, à la poésie et à la sensibilité apportées aux six Sonates comme à la Sonate à la Reine font de cet ensemble une rareté discographique à acquérir sans hésitation d’autant plus que la prise de son ample, claire et bien définie la porte très haut.


Le site de Tedi Papavrami
Le site de Svetlin Roussev


Christine Labroche

 

 

 

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