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07/08/2014 Richard Strauss: Elektra, opus 58 Evelyn Herlitzius (Elektra), Waltraud Meier (Klytämnestra), Adrianne Pieczonka (Chrysothemis), Mikhail Petrenko (Orest), Tom Randle (Aegisth), Franz Mazura (Der Pfleger des Orest), Florian Hoffmann (Ein junger Diener), Donald McIntyre (Ein alter Diener), Renate Behle (Die Aufseherin, Die Vertraute), Bonita Hyman (Erste Magd), Andrea Hill (Zweite Magd, Die Schleppträgerin), Silvia Hablowetz (Dritte Magd), Marie-Eve Munger (Vierte Magd), Roberta Alexander (Fünfte Magd), Coro Gulbenkian, Orchestre de Paris, Esa-Pekka Salonen (direction), Patrice Chéreau (mise en scène), Richard Peduzzi (décors), Caroline de Vivaise (costumes), Dominique Bruguière (lumières), Stéphane Metge (realisation)
Enregistré au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence (juillet 2013) – 110’ + bonus 23’
DVD Bel Air Classiques BAC110 (ou Blu-Ray BAC410)
Must de ConcertoNet
Un DVD devait forcément immortaliser cette Elektra. Le film de Stéphane Metge, qui capte au plus près l’expression des regards et transcende l’éloquence des gestes, révèle des détails qui ont probablement échappé aux spectateurs, même les mieux placés – un exemple à suivre. Ce spectacle fascinant présente une telle complexité et une telle profondeur que le regarder plusieurs fois s’avère nécessaire. La mise en scène de Patrice Chéreau, qui s’appuie sur un jeu d’acteur d’une justesse, d’une intensité et d’une concentration rarement constatées à l’opéra, confère de l’importance à tous les personnages, même aux servantes. L’engagement et la conviction que celui-ci obtient des chanteurs force l’admiration. Mettre en scène Elektra différemment? Oui. Mieux? Impossible. Il faut bien, pourtant, continuer à le monter.
Les images mettent en valeur le décor paradoxalement épuré (la structure) et brut (la matière) de Richard Peduzzi dans lequel s’inscrivent, dans un ensemble à la fois beau et cohérent, les costumes de Caroline de Vivaise. La réussite de ce spectacle repose également sur la prestation décapante, intense et précise de l’Orchestre de Paris qui, sous la direction extrêmement compétente d’Esa-Pekka Salonen, déploie une sonorité d’une grande richesse et observe un équilibre parfait avec le plateau. Evelyn Herlitzius possède l’endurance et les ressources vocales que le rôle-titre exige mais également une présence physique qui, à elle seule, rend sa prestation inoubliable. Adrianne Pieczonka incarne une merveilleuse Chrysothémis, personnage qui revêt, dans cette mise en scène, une humanité insoupçonnée. Waltraud Meier (Marie dans le Wozzeck de Barenboim et Chéreau en 1994) incarne, quant à elle, une Clytemnestre d’une élégance toute aristocratique, au contraire d’Elektra, d’une beauté plus rude. L’Oreste de Mikhail Petrenko se hisse à la hauteur de la prestation des trois principales chanteuses, la confrontation avec sa sœur constituant un moment saisissant.
Le metteur en scène, qui a souhaité, pour les servantes, des chanteuses d’âge et de couleur de peau différents (remarquables Bonita Hyman et Roberta Alexander), a également retrouvé à cette occasion deux vétérans qu’il a dirigés il y a plus de trente ans, Franz Mazura (Docteur Schön et Jack dans Lulu à l’Opéra de Paris en 1979) et Donald McIntyre (Wotan dans L’Anneau du Nibelung au festival de Bayreuth de 1976 à 1980): leur présence, surtout celle du baryton-basse autrichien (né en 1924), marque les esprits. Lors de saluts, la caméra s’attarde longuement sur le visage de Patrice Chéreau, atteint par la maladie qui allait l’emporter en octobre, mais rayonnant de joie. Cette image nous submerge d’émotion.
Sébastien Foucart
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