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06/29/2014 Anton Bruckner : Symphonie n° 8 en ut mineur (édition Haas) Sächsische Staatskapelle Dresden, Christian Thielemann (direction), Henning Kasten (réalisation)
Enregistré en public au Semperoper de Dresde (10 juin 2012) – 89’
Blu-ray C Major/Unitel Classica 716204 (ou DVD 716108) – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code 0
Nouveau volume à ajouter aux déjà nombreux DVD relatifs aux Symphonies d’Anton Bruckner (1824-1896) – et quel concert en l’occurrence!
On connaît les profondes affinités que Christian Thielemann entretient avec l’œuvre de Bruckner, qu’il dirige et enregistre, aussi bien au disque qu’en vidéo, très régulièrement. Au regard de ses concerts, force est de constater que la Huitième occupe une place singulière dans le répertoire du chef allemand qui, au cours des années récentes, l’a notamment dirigée à la tête de la Staatskapelle de Dresde aussi bien à New York en avril 2013 qu’à Lucerne, sans oublier une mémorable interprétation parisienne à la tête des Wiener Philharmoniker en mars 2007. En outre, alors qu’il fut appelé par la Staatskapelle de Dresde pour remplacer au pied levé Fabio Luisi pour un deuxième concert symphonique qui devait être donné le 14 septembre 2009, c’est Thielemann qui choisit alors de diriger la Huitième de Bruckner, le concert ayant donné lieu à un enregistrement live édité chez Hänssler; l’entente fut totale et c’est d’ailleurs à la suite de ce succès que Thielemann devint à partir de 2012 le chef titulaire du vénérable orchestre. Autant dire que le présent concert, donné à Dresde le 10 juin 2012, fait figure de pain quotidien aussi bien pour le chef que pour les musiciens.
Peut-être est-ce justement la raison qui confère à cet enregistrement son exceptionnelle qualité, en raison d’une connaissance mutuelle entre artistes qui autorise une liberté interprétative que nous n’avions pas ressentie dans l’enregistrement audio de septembre 2009, contrairement à la très forte impression que nous avait laissée Bernard Haitink dans cette même symphonie, avec le même orchestre, quelques années plus tôt.
Servi par une image parfaite, Thielemann nous offre une vision très horizontale de cette symphonie, évitant l’approche séquentielle que l’on peut trouver dans trop d’enregistrements; du début à la fin de chaque mouvement et, même, de la première à la dernière note de l’œuvre, il bâtit de longues arches qui confèrent à cette presque heure et demie de musique toute sa cohérence et toute sa beauté. Dirigeant beaucoup par le regard (à partir de 14’30 dans le premier mouvement pour la coda conclusive de cet Allegro moderato ou à 52’20 dans le troisième mouvement), Thielemann est économe dans sa gestique, qui se caractérise par ailleurs par sa grande souplesse et la précision de sa baguette. Ainsi, dans le troisième mouvement (Adagio. Feierlich langsam, doch nicht schleppend), on ne peut qu’admirer la manière dont il relance tout en sobriété le thème de départ, intériorisant l’énergie et la grandeur de la mélodie. De même, la manière qu’il a de diriger le Scherzo à 18’ ou le fait de laisser l’écho s’épanouir avant d’entamer le Trio à 22’50 témoignent d’une finesse interprétative qui font de lui un des interprètes actuellement les plus convaincants dans l’œuvre de Bruckner.
Face à lui, la Sächsische Staatskapelle Dresden répond immédiatement à ses sollicitations et confirme son statut d’un des meilleurs orchestres du monde, qui plus est dans ce répertoire. Sous la houlette du Konzertmeister Roland Straumer, les cordes font preuve à la fois de finesse et de puissance à toute épreuve – le premier mouvement à 6’45! – tandis que les bois – quelle fin de premier mouvement que celle offerte par le clarinettiste Wolfram Grosse! – et les cuivres se couvrent également de gloire. On regrettera, à cet effet, que les caméras ne prennent pas toujours leur temps et ne nous fassent pas profiter jusqu’au bout de telle ou telle phrase ou, pour ceux qui aiment une belle direction d’orchestre, d’un geste menant à son terme la tenue d’une mélodie donnée. Pour autant, on reste, comme le public qui attendit plus de 10 secondes avant d’applaudir et de se lever, abasourdi par le résultat obtenu.
On connaissait déjà, en vidéo et pour ne prendre que les références absolues, les témoignages viennois dirigés tous deux en l’abbaye de Saint-Florian par Herbert von Karajan en juin 1979 et Pierre Boulez en septembre 1996: nul doute qu’il faille désormais compter avec Christian Thielemann, qui confirme donc ici ses galons de très grand brucknérien.
Le site de l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde
Sébastien Gauthier
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