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05/15/2014
«1930s Violin Concertos Vol. 1»
Benjamin Britten: Concerto pour violon, opus 15 [1]
Samuel Barber: Concerto pour violon, opus 14 [2]
Alban Berg: Concerto pour violon «Dem Andenken eines Engels» [3]
Igor Stravinsky: Concerto pour violon [4]
Karl Amadeus Hartmann: Concerto funebre [5]

Gil Shaham (violon), Boston Symphony Orchestra, Juanjo Mena (direction) [1], New York Philharmonic [2], Staatskapelle Dresden [3], BBC Symphony Orchestra [4], David Robertson (direction), Sejong Solists [5]
Enregistré en concert au Barbican Center, Londres (8 décembre 2008 [4]), à l’Avery Fisher Hall, New York (25-27 février 2010 [2]), au Staatsoper, Dresde (13-15 juin 2010 [3]), au Symphony Hall, Boston (1er-3 et 6 novembre 2012 [1]) et au LeFrak Concert Hall, Queens College, New York (31 août et 1er septembre 2013 [5]) – 125’22
Double album Canary Classics CC12 (distribué par Abeille Musique) – Notice de présentation en français et en anglais


 Sélectionné par la rédaction





Benjamin Britten: Concerto pour violon, opus 15 [1] – Concerto pour piano, opus 13: version révisée de 1945 et troisième mouvement de la version originale de 1938 [2]
Tasmin Little (violon), Howard Shelley (piano), BBC Philharmonic, Edward Gardner (direction)
Enregistré à MediaCity UK, Salford (10, 11 et 13 septembre 2012) – 76’30
Chandos CHAN 10764 – Notice de présentation en français, anglais et allemand





Benjamin Britten: Concerto pour violon, opus 15 [1] – Four Sea Interludes from Peter Grimes, opus 33a [2]
Matthew Trusler (violon), Symfonieorkest Vlaanderen, Seikyo Kim [1], Jan Latham-Koenig [2] (direction)
Enregistré au studio deSingeln, Anvers (7 et 8 octobre 2012 [1]) et en concert au Palais des Beaux-Arts, Bruxelles (3 juin 2013 [2]) – 49’27
Orchid Classics ORC100037 – Notice de présentation en français, anglais et flamand





Les célébrations du centenaire de Benjamin Britten (1913-1976) ont permis de remettre sur le métier ses œuvres les moins jouées – au plus grand bonheur du mélomane. Car ce que révèlent ces trois interprétations fort différentes, c’est que le Concerto pour violon en ré mineur (1939) – plutôt rare en concert – n’en constitue pas moins un chef-d’œuvre.


Composé à l’ombre de la Seconde Guerre mondiale (par un jeune pacifiste de vingt-cinq ans) entre Toronto, Long Island et le Québec, puis créé le 28 mars 1940 à New York par Antonio Brosa (Heifetz ayant décliné) et le Philharmonique dirigé par John Barbirolli, cet Opus 15 est une œuvre marquée par son contexte, et non dénuée d’influences espagnoles – Britten ayant séjourné à Barcelone en 1936 (profondément marqué par la création du Concerto pour violon de Berg) – comme de l’influence de la musique de Chostakovitch, récemment découverte par le compositeur anglais. La densité de la partition naît, ainsi que l’écrit Claire Delamarche, «de l’économie du matériau thématique, travaillé avec une grande ingéniosité et magnifié par la couleur orchestrale propre à Britten (un mélange de scintillant, de grinçant et de masses dramatiques)». Il n’est, du coup, pas étonnant que sa grande ambiguïté (modale, notamment) s’incarne dans les différences entre ces trois enregistrements de 2012, au sein d’une discographie débutée avec Mark Lubotsky (Decca) et récemment marquée par les splendides versions de James Ehnes (Onyx), Janine Jansen (Decca) et Frank Peter Zimmermann (Sony).


Tasmin Little (née en 1965) confirme ses remarquables affinités avec le répertoire britannique (lire ici), livrant de cet Opus 15 une interprétation d’une retenue touchante, où la précision du toucher (jusqu’à la bouleversante dernière note du premier mouvement) le dispute à la justesse des sentiments. Peu de déchets dans les coups d’archet de deuxième mouvement – jamais simples à négocier – et beaucoup d’intelligence dans la cadence, où la douleur se fait même déchirante dans le suraigu, ouvrant idéalement la «Passacaglia» vers des horizons à l’héroïsme empreint de dignité. Une réserve – voire une retenue – caractérise cette interprétation intègre et incontestable, qui relève assurément d’une veine «100% British» et doit beaucoup au travail instrumental de l’épatant Edward Gardner. Le chef anglais trouve, à la tête du Philharmonique de la BBC, le ton juste sachant s’effacer avec un art confondant de la nuance pour mieux laisser s’exprimer sa soliste.


Un disque Chandos, intelligemment couplé avec le Concerto pour piano (1938) qu’interprète l’élégant Howard Shelley. Si la finesse du toucher atténue par moment le caractère percutant du discours, elle rehausse l’intelligence du propos. La cadence du premier mouvement dégage une douceur perlée, qui pourra irriter mais réussit à captiver la plupart du temps, alors qu’Edward Gardner – par la richesse instrumentale qu’il déploie – dévoile les charmes et délices de la «Valse». Dans la version révisée de 1945, les solitudes du troisième mouvement – par comparaison avec l’interprétation plus convaincante du mouvement d’origine, offerte en «bonus» ¬– manquent d’arrière-plans et font difficilement oublier Sviatoslav Richter (chez Decca, avec le compositeur à la baguette). Bien que le dernier mouvement s’avère trop «premier degré», le piano de Shelley parvient à dominer cette partition grâce à une construction minutieuse et à un toucher d’une redoutable précision.


L’archet de Matthew Trusler (né en 1976) paraît plus trivial dans le disque publié par Orchid (le label qu’il a lui-même fondé en 2005). Plus timide de ton, presque scolaire par instants («C’est une œuvre incroyablement difficile, une des plus difficiles que je connaisse, mais une fois les difficultés techniques surmontées, il est extrêmement gratifiant de la jouer», écrit-il dans la notice), le violoniste britannique tourne un peu en rond dans le Moderato con moto, s’élevant rarement au-dessus du texte (à l’image d’un Orchestre symphonique des Flandres percutant mais ordinaire sous la baguette délicate du chef japonais Seikyo Kim). La fameuse séquence des pizzicatos le trouve néanmoins plus inspiré, osant une prosodie assez personnelle dans la retenue. Le reste est propret, avec une cadence laborieuse à force de créer le vide autour d’elle-même et une «Passacaille» trop neutre. Surtout le disque est terni par une interprétation décorative des Quatre Interludes marins de «Peter Grimes» et qui manque franchement d’éclat, Jan Latham-Koenig passant à côté des vagues comme des embruns. A noter également: la durée vraiment trop brève du disque (moins de 50 minutes).


Mais, si Gil Shaham (né en 1971) domine de la tête et des épaules cette écoute comparée, c’est qu’il interprète cette partition comme s’il jouait le Concerto de Tchaïkovski ou celui de Brahms. On peut y voir une faiblesse (celle des défauts – d’archet, notamment – inhérents au live, ou encore celle d’un accompagnement relayé au second plan – malgré la performance réussie du Symphonique de Boston, dirigé par le chef espagnol Juanjo Mena, malheureusement trop sonore dans le dernier mouvement). On y entend surtout une évidence: celle de la musicalité et de la grandeur. Tour à tour subtil et héroïque, discret et larmoyant, rhapsodique et analytique, Gil Shaham aborde sans complexe les pizzicatos du premier mouvement – qui ont rarement sonné avec autant de puissance – et donne à l’œuvre une dimension épique, qui impressionne par la prise de risques. Il fait également apparaître des détails généralement occultés, des traits négligés, des accents étouffés, des nuances inédites, fouillant le texte en exaltant une virtuosité sans égale – par comparaison avec les deux violonistes britanniques, plus authentiquement fidèles à la partition de Britten... mais autrement moins bouleversants que le soliste israélo-américain. Ce dernier hypnotise dans une cadence lumineuse, qui ouvre vers les horizons batailleurs de la «Passacaille» – fièrement séductrice, enivrante de musicalité. Tout respire la passion dans cet archet brûlant – presque suicidaire par instants – qui pourra rebuter certains par l’extériorisation d’un jeu hypersentimental, mais face auquel on rend les armes.


Preuve supplémentaire du talent multiforme de son interprète, l’enregistrement figure au sein d’un double album édité par son propre label (Canary) et consacré aux grands concertos pour violon des années 1930. Autant de prises de concert, toutes dirigées par l’excellent David Robertson – à l’exception du Britten donc, et d’une version bouleversante du Concerto funebre (1939) où Gil Shaham dirige lui-même les solistes de Sejong. Tout en donnant à l’œuvre de Karl Amadeus Hartmann (1905-1963) une dimension symphonique (par le souffle du geste), il préserve le caractère chambriste de l’ensemble, qui s’incarne plus spécialement dans la perfection suave des longueurs d’archet du violoniste. Ce dernier illumine de son jeu élégiaque et de son toucher généreux le Concerto (1940) de Samuel Barber (1910-1981), follement virtuose et superbement appréhendé – dans un geste très dramatique – par le Philharmonique de New York, accompagnateur d’exception. Plus ludique mais aussi plus ordinaire, l’interprétation du Concerto (1931) de Stravinsky (1882-1971) est toute entière tournée vers le mouvement et la danse – même si la cantilène de l’«Aria II» n’oublie pas d’émouvoir. Enfin, dans le Concerto «A la mémoire d’un ange» (1935) d’Alban Berg (1885-1935), Gil Shaham déploie une virtuosité aussi rageuse que ravageuse, qui brûle une partition souvent abordée avec plus de pudeur. L’option reste défendable et ne manque pas de bousculer pour finalement émouvoir.


L’éditeur annonce cet album comme un «volume 1»... Sans savoir si l’on aura droit à Bartók, Bloch, Glazounov, Martinů, Milhaud, Prokofiev, Schönberg, Szymanowski ou Walton dans le «volume 2», on en salive par avance!


Le site de Tasmin Litlle
Le site de Matthew Trusler
Le site de Gil Shaham


Gilles d’Heyres

 

 

 

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