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05/15/2014 «Chamber Works for Strings, Vol. I»
Kaija Saariaho : Tocar – Vent nocturne – Calices – Spins and Spells – Nocturne – Nymphéa
Anna Laakso (piano), Marko Myöhänen (électronique), Meta4: Antti Tikkanen, Minna Pensola (violon), Atte Kilpeläinen (alto), Tomas Djupsjöbacka (violoncelle)
Enregistré à Espoo, Finlande (5-6 et 8-9 octobre 2012) – 71’33
Ondine ODE 1222-2 – Notice en finnois traduite en anglais en en français
Le quatuor finlandais Meta4, fondé en 2001, et la pianiste Anna Laasko ont eu la riche idée d’enregistrer un programme de six œuvres de leur compatriote Kaija Saariaho (née en 1952) qui tracent son parcours musical de 1987 à 2010. Pour différents effectifs, deux d’entre elles augmentées d’électronique assurée par Marko Myöhänen, les six pièces révèlent le souci constant de Saariaho de travailler la structure, la texture harmonique et la technique instrumentale tout en poussant très loin la recherche timbrale, sans jamais perdre de vue la poésie des sons même au plus radical de son œuvre. Les titres parfois imagés inspirent la structure des pièces et non directement leur climat. Saisies dans cet esprit, les informations qu’ils recèlent peuvent encore affiner l’écoute.
Fondé sur l’analyse spectrale magistralement exploitée, le puissant souffle de Nymphéa (1987) en fait une des pierres angulaires de l’écriture pour cordes de Saariaho. Seule pièce qui réunit ici le Quatuor Meta4, l’impressionnante partition, la plus étendue et sans doute la plus expérimentale des six, fait appel au quatuor à cordes avec un dispositif électronique en temps réel qui en accentue le dynamisme fulgurant. L’alto seul du diptyque Vent nocturne (2006) se soumet aussi à un traitement électronique pour créer un climat étrangement lumineux aux soupirs mystérieux, la première partie, «Sombres miroirs», ferme ou fébrile, les lignes plus mélodiques de la deuxième, «Soupirs de l’obscur», presque vocales. Des deux autres solos, le premier pour violon seul, un Nocturne méditatif aux longues lignes étirées ou énergiques doit son caractère finement élégiaque aux circonstances de sa composition en 1994 en hommage à Lutoslawski, décédé plus tôt la même année. Le second, Spins and Spells, pièce virtuose scordatura composée comme pièce de concours pour violoncelle seul en 1997, joue sur les extrêmes du registre, tournoyant ou chantant entre les deux, les timbres variant sans cesse.
Deux récents duos pour violon et piano complètent le programme. En ouverture se déploient les demi-teintes fluides et mouvantes de Tocar (2010) dans un idiome plus classiquement modal en apparence mais explorateur et singulièrement inventif. Les deux instruments malgré leur caractère si différent, contribuent en parallèle aux timbres complexes de ce flux envoûtant. Calices exploite en 2009 la riche veine qui trouve en Tocar un certain prolongement. En trois mouvements, la pièce se distancie de la forme classique par la création d’un monde sonore en perpétuelle germination aux traits forts ou fragiles et aux textures denses ou fines, grenues ou lisses.
Ensemble dans une entente parfaite pour Nymphéa, Meta4 se divise de manière équilibrée sur l’ensemble du programme, l’alto d’Atte Kilpelaïnen et le violoncelle de Tomas Djupsjöbacka entrant en jeu pour les deux solos correspondants. Anti Tikkanen, premier violon étincelant, assure l’envergure de Calices, Minna Pensola, second violon finement coloré, les plus brefs Nocturne et Tocar, les deux en compagnie d’une Anna Laakso énergique. Leurs prestations, d’un haut niveau technique et expressif, semblent au diapason de l’écriture très idiomatique de Kaija Saariaho, tout autant sinon plus encore que les Arditti ou les Kronos, pour le grand plaisir des mélomanes qui apprécient l’audace poétique de cet univers si particulier.
Le second volume de la musique de chambre de Kaija Saariaho doit paraître dans le courant de l’année.
Le site du Quatuor Meta4
La page d’Anna Laakso sur le site Nuori Musikki
Christine Labroche
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