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05/13/2014
Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 23, opus 57 «Appassionata», n° 31, opus 110, et n° 32, opus 111
Claudio Arrau (piano)
Enregistré en concert à Stockholm (5 avril 1960) – 74’31
ICA Classics ICAC 5122 – Notice de présentation en anglais





Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 23, opus 57 «Appassionata»
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition
Alexandre Scriabine : Sonate pour piano n° 10, opus 70

Federico Colli (piano)
Enregistré à la Music Room, Champs Hill, West Sussex (25-27 juin 2013) – 75’20
Champs Hill Records CHRCD079 – Notice de présentation en anglais





Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 23, opus 57 «Appassionata»
Franz Liszt : Réminiscences de «Norma» de Bellini
Felix Mendelssohn : Prélude et fugue, opus 35 n° 1 – Rondo capriccioso, opus 14
Leopold Godowsky : Elégie pour la main gauche – Triakontameron (Volume V): «The Salon»
Moritz Moszkowski : La Jongleuse, opus 52 n° 4

Jorge Bolet (piano)
Enregistré en concert à Schwetzingen (14 mai 1988) – 77’37
Hänssler Classic 93.725 – Notice de présentation en allemand et en anglais





La tentation était grande, en recevant simultanément ces trois disques comportant chacun une version de la Vingt-troisième Sonate pour piano (1805) de Beethoven, de procéder à une écoute comparée. L’exercice n’en reste pas moins biaisé par l’identité des interprètes et le contenu des albums. Décédés, les deux premiers pianistes – un Cubain et un Chilien – sont à la fois pris sur le vif (sans retouches), lors de concerts donnés en 1988 et en 1960, et tenus pour des légendes de l’histoire de leur instrument. Le troisième – un Italien âgé d’à peine 26 ans – ne fait que débuter sa carrière de soliste. Toujours est-il que la comparaison se révèle intéressante, le dernier arrivé ne se déshonorant pas – tant s’en faut – dans le choc de l’Appassionata.


Deux ans avant sa mort, Jorge Bolet (1914-1990) apporte son toucher mature à l’Opus 57 mais fait fausse route dans Beethoven. Son jeu perlé se révèle trop délicat pour l’Allegro assai comme pour l’Andante con moto, bien articulés mais statiques et qui manquent de contrastes (... un comble pour un lisztien). Pris dans un tempo d’une mollesse coupable, l’Allegro ma non troppo est même franchement hors sujet – paraissant s’endormir au fur et à mesure qu’il avance, parsemé d’erreurs d’autant moins pardonnables que le tempo est franchement lent (9 minutes et demie!). On a peine à croire que c’est le même pianiste (lors du même concert) qui livre un Liszt aussi admirable de hauteur de vue et d’émotion. Les Réminiscences de «Norma» témoignent – malgré certaines imperfections – d’une compréhension supérieure du legato lisztien, d’une sensibilité communicative dans la conduite du discours et d’un naturel touchant dans la respiration. Des Mendelssohn charmants mais secondaires (Prélude et fugue en mi mineur, Rondo capriccioso) complètent ce disque, qui ne s’imposera qu’aux aficionados de l’artiste cubain.


Né l’année même du concert donné par Bolet (en 1988), récent vainqueur du Concours de Leeds (en 2012), le pianiste italien Federico Colli confirme les affinités beethovéniennes déjà repérées en concert, avec cette Appassionata finement dessinée, qui refuse le Sturm und Drang au profit d’une vision apaisée voire distante. Affecté d’étranges temps morts, le premier mouvement résiste aux nombreux «arrêts sur image» du début – pas toujours du meilleur effet – pour intéresser in fine par une rythmique qui s’emballe avec persuasion et des graves qui tonnent avec une maturité épatante pour un artiste si jeune. La richesse de graves remplit habilement le deuxième mouvement, qui s’anime d’une fantaisie rythmique déroutante (plus proche de Haydn que de Beethoven) mais séductrice: enfin un artiste qui s’investit dans cet Andante con moto souvent bâclé! Connaissant beaucoup d’accalmies mais peu de chutes de tension, le dernier mouvement ose un ma non troppo qui fouille intelligemment le texte – le Presto conclusif ne manquant nullement de vigueur (mais peut-être d’épaisseur). Le reste du programme confirme la cohérence et l’identité de ce piano aux grandes qualités analytiques. Plus «natures mortes» que scènes de genre, les Tableaux d’une exposition (Moussorgski) sont brossés dans des couleurs pastels. Atypiques et parfois même esthétisantes, la plupart d’entre eux se révèlent pourtant moins lents qu’éloquents. Le ciselé du toucher de Federico Colli dessert, en revanche, la Dixième Sonate de Scriabine – trop squelettique à force d’être secouée de trilles découpés au millimètre. Un artiste à suivre, notamment dans Beethoven.


Enfin, c’est peu dire que Claudio Arrau (1903-1991) connaît bien l’Appassionata. Lors de ce concert suédois d’avril 1960 (émaillé de peu d’incidents) – capté juste avant la version de studio publiée dans l’intégrale Philips –, le maître chilien livre, avec des moyens plus souverains que dans d’autres live – à l’image de ceux de 1973 (à Brescia chez Music and Arts) ou de 1982 (à Salzburg chez Orfeo) –, le Beethoven qu’on attend de lui: noir, tempétueux, fait d’ivoire et de véhémence. S’il domine la présente (... mais assez factice) discographie comparée, l’Opus 57 de Stockholm est presque digne de figurer parmi les versions les plus incontestables de la partition, tant l’architecture impressionne par son aboutissement et son évidence, tant le souffle (pourtant personnel) enveloppe chaque mouvement avec un naturel confondant et une logique recréatrice, tant Beethoven semble présent! Jouée d’une seule traite, cette Vingt-troisième Sonate semble taillée pour Arrau. Il en va de même des deux dernières sonates qui complètent le disque, davantage à dire vrai dans l’Opus 111 – monument de douleur puis d’apaisement – que dans l’Opus 110, irréprochable mais parfois plus monotone aussi (même si l’Adagio ma non troppo et, davantage encore, la Fugue exposent une rare pudeur dans l’émotion).


Le site de Federico Colli


Gilles d’Heyres

 

 

 

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