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03/17/2014
«Reflets dans l’eau»
Claude Debussy : Images – Estampes – Deux Arabesques – L’Isle joyeuse – Préludes (Premier Livre): «La Cathédrale engloutie» – Préludes (Second Livre): «Ondine»

Kotaro Fukuma (piano)
Enregistré au Sagamiko Kouryu Center, Kanagawa (13-15 mars 2012) – 70’49
Editions Hortus & DENON Hortus 113 (distribué par AVM-Socadisc) – Notice de présentation en français, anglais et allemand





Claude Debussy : Préludes (Premier Livre) – Estampes – Deux Arabesques – Suite bergamasque: «Clair de lune»
Nino Gvetadze (piano)
Enregistré au Muziekgebouw Frits Philips, Eindhoven (10-12 juin 2013) – 69’00
Orchid Classics ORC100041 – Notice de présentation en anglais





Claude Debussy : Préludes (Premier Livre) – Etude n° 10 «Pour les sonorités opposées» – Children’s Corner: «The Little Shepherd»
Pascal Gallet (piano)
Enregistré en concert (décembre 2012) – 72’22
Maguelone MAG 111.192 – Notice de présentation en français et anglais





«Reflections Debussy»
Claude Debussy : Préludes (Premier Livre): «Des pas sur la neige», «La Fille aux cheveux de lin», «La Sérénade interrompue», «La Cathédrale engloutie» et «Minstrels» – Suite bergamasque: «Clair de lune» – Page d’album (Pièce pour l’œuvre du «Vêtement du blessé») – Morceau de concours – The little Nigar

Laurens Patzlaff (piano)
Enregistré à la Musikhochschule, Stuttgart (3-4 avril 2012) – 51’35
Animato ACD6134 – Notice de présentation en anglais et allemand





«... avec un frisson. Late Piano Works of Debussy & Boulez»
Claude Debussy : Etudes pour le piano (Livre II)
Pierre Boulez : Une page d’éphéméride – Incises

Yegor Shevtsov (piano)
Enregistré au Concert Hall of Experimental Media and Performing Arts Center, Rensselaer Polytechnic Institute, Troy, New York (28-31 août et 11-15 novembre 2012) – 42’54
New Focus Recordings – Notice de présentation en anglais et français





Cinq pianistes plongent dans les pièges et délices de la musique de Claude Debussy (1862-1918), mettant leur technique et leur personnalité au service d’interprétations pas toujours convaincantes mais indéniablement réfléchies.


Nino Gvetadze (née en 1981) réunit généreusement quelques «tubes» de la production debussyste. La pianiste géorgienne déploie un toucher finement ciselé, dont le délié gracieux convient si bien aux Deux Arabesques (1891) et à la fragilité du «Clair de lune» (1890), mais qui ne tient pas systématiquement toutes ses promesses – un tantinet passive face à certaines phrases qu’elle pourrait habiter davantage. En comparaison des nombreuses versions concurrentes, le premier livre des Préludes (1910) est un peu apathique («Danseuses de Delphes»), jouant plus aisément sur les résonnances que sur les textures («Voiles»), manquant parfois de densité («Ce qu’a vu le vent d’ouest») et de profondeur («La Fille aux cheveux de lin»). Tout cela n’empêche pas d’admirer la précision des dynamiques (un défrisant «Vent dans la plaine»), la subtilité de la frappe («Des pas sur la neige», «La Danse de Puck») et l’amplitude de la respiration («Les Collines d’Anacapri»). Nino Gvetadze fouille les rythmes des Estampes (1903): concentrés et homogènes dans «Pagodes», habilement retenus sinon bridés dans «La Soirée dans Grenade», bizarrement électriques dans «Jardins sous la pluie». Un bel album Orchid, publié en marge d’un projet destiné aux enfants et intitulé «Debussy in Pictures».


La comparaison avec Kotaro Fukuma (né en 1982) – un artiste de la même génération, qui retient également les Arabesques et les Estampes – se révèle passionnante. Les Deux Arabesques s’écoulent ainsi avec une pudeur plus prononcée et, du coup, moins d’évidence et de naturel que sous les doigts de Gvetadze. L’approche du pianiste japonais sert, en revanche, mieux les Estampes, où est entrepris un travail captivant sur les résonnances – des reflets rougeoyants de «Pagodes» à la tempête fine de «Jardins sous la pluie». On admire plus encore la capacité à investir le texte de «Clair de lune» ou de «La Cathédrale engloutie», dans un patient et subtil crescendo qui ne se brise jamais mais s’efface sans crier gare. Si L’Isle joyeuse (1904) manque de se noyer dans ce style d’interprétation, Kotaro Fukuma magnifie «Ondine» (1913), chatouillée par une frappe à la vivacité ravélienne. Des qualités dans le droit fil de son album consacré à Albeniz (chez Hortus déjà). Le cœur de ce disque réside dans l’intégrale des Images, de bonne tenue mais dont la Première Série (1905) dégage moins de magie (malgré de subtils «Reflets dans l’eau») et la Seconde (1907) manque de mystère et de poids (malgré la virtuosité de «Poissons d’or»). Du très bon Debussy, néanmoins.


Chez Maguelone, l’expérimenté Pascal Gallet (né en 1968) – dont on avait apprécié le disque consacré à André Jolivet chez le même éditeur – apporte lui aussi son toucher riche et chaleureux au Premier Livre des Préludes lors d’un étonnant concert où chaque Prélude est introduit par des textes de Marguerite Long, tirés de son ouvrage de 1960 (Au piano avec Claude Debussy) et lus par la comédienne Marie-Rose Carlié (...moyennant quelques raccords). Si d’aucuns pourront y entendre naïveté ou mièvrerie, le résultat fonctionne plutôt bien, accentuant la portée poétique du recueil dont il brise nécessairement l’unité musicale. Quel dommage, en revanche, qu’autant de bruits environnants viennent polluer la prise de son! Le piano de Pascal Gallet manque également de liberté et d’inventivité pour dépasser la sage beauté formelle dans laquelle ces pièces parviennent à briller mais qui méritent des écrins moins discrets pour s’épanouir pleinement. Les rares originalités rythmiques – dans «Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir» ou «La Sérénade interrompue», par exemple – font regretter un ton globalement monotone. On goûte pourtant à la beauté de la frappe et à la concentration de l’interprète, qui paraît baigner ces Préludes dans la tristesse et la nostalgie. En conclusion du récital, «Pour les sonorités opposées» (1915) et «The Litle Shepherd» (1908) présentent des caractéristiques proches. A noter: des plages «bonus» permettent aux auditeurs anglophones d’écouter en anglais (avec la voix d’Andrew Wolpe) les textes d’introduction de Marguerite Long.


Le pianiste allemand Laurens Patzlaff (né en 1981) tente lui l’expérience du tissage, intercalant entre chaque pièce de Debussy des improvisations censées donner cohérence et continuité à la composition de son programme et créer des ponts entre les thèmes musicaux («To interpolate contemporary improvisations between Debussy’s spontaneous-sounding inspirations can shine a particular spotlight on both the present artist and his source of inspiration. The present improvisations [...] are designed to do this by developing themes from the piece that precedes each one, while anticipating those of the piece that’s about to follow»). Le résultat est ludique – et la franche vivacité du Petit Nègre (1909) indique que ce pianiste doué a beaucoup à offrir. Il se perd malheureusement trop souvent en une soupe plutôt sucrée, qui dessert Debussy en le noyant dans la surexposition des thèmes – si fragiles à exposer en pleine lumière. Il ne sert nullement la sélection de Préludes – interprétée de manière sonore mais un peu creuse et traînant en longueur – ni les œuvres plus rares, dont on se réjouit pourtant de les voir remises sur le métier: la Page d’album pour l’Œuvre du «Vêtement du blessé» (1915) et le Morceau de concours (1904). Au total, un disque court en inspiration comme en minutage (une cinquantaine de minutes).


Celui de Yegor Shevtsov présente même une durée franchement indécente (moins de 43 minutes) et souffre d’une prise de son métallique et plutôt agressive. Consacré au second livre des Etudes (1915), dont les six pièces sont interprétées avec un délié impressionnant qui vire parfois à la crudité (comme pour mieux souligner la modernité de l’écriture... au risque de l’assèchement), l’album intéresse moins par ses Debussy que par les deux œuvres de Pierre Boulez qui le complètent: Une page d’éphéméride (2005) et Incises (2001). Deux partitions tardives dont la forme et la thématique font écho à Debussy («Dans un de ces entretiens, [Boulez] compare sa musique à des poissons dans un aquarium qui flottent immobiles pendant un long moment, puis tout à coup prennent peur de quelque chose et filent comme une flèche. Cette comparaison me paraît également tout à fait pertinente pour les Etudes de Debussy», écrit le pianiste ukrainien dans la notice). Yegor Shevtsov se révèle moins convaincant dans les demi-mesures d’Une page d’éphéméride – où l’on attendrait des moyens techniques plus imposants encore – que dans la virtuosité électrifiée d’Incises, qu’il domine sans ostentation.


Le site de Nino Gvetadze
Le site de Kotaro Fukuma
Le site de Pascal Gallet
Le site de Laurens Patzlaff
Le site de Yegor Shevtsov


Gilles d’Heyres

 

 

 

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