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03/15/2014
Nikolaï Rimski-Korsakov: La Légende de la Cité invisible de Kitège et de la vierge Févronia

Svetlana Ignatovich (Fevronia), Maxim Aksenov (Le Prince Vsevolod), John Daszak (Grichka Koutierma), Vladimir Vaneev (Le Prince Youri), Ante Jerkunica (Bediaï), Vladimir Ognovenko (Bouroundaï), Alexey Markov (Fiodor Poïarok), Jennifer Check (Oiseau Sirine), Margarita Nekrasova (Oiseau Alkonost), Mayram Sokolova (L’Adolescent), Morschi Franz, Peter Arink (Deux Nobles), Gennady Bezzubenkov (Le Barde), Hubert Francis (Le Montreur d’ours), Iurii Samoilov (Singing Beggar), Cato Fordham (ténor solo), Ceroen van Glabbeek (basse solo), Nederlands Concertkoor, Moudewijn Jansen (chef de chœur), Koor van De Nederlandse Opera, Martin Wright (chef de chœur), Nederlands Philharmonisch Orkest, Marc Albrecht (direction musicale), Dimitri Tcherniakov (mise en scène, décors), Elena Zaytseva (costumes), Gleb Filschtinsky (lumières)
Enregistré en public à l’Opéra néerlandais, Amsterdam (8 février 2012) – 207’
Album de deux DVD Opus Arte OA 1089 D (ou Blu-ray OABD 7109 D) – Sous-titres en anglais, français, allemand, néerlandais, japonais and coréen





Avant la publication en 2012 par Naxos du film d’une représentation du Teatro Lirico de Cagliari de 2008, la vidéographie de l’avant-dernier opéra de Rimski-Korsakov La Légende de la Cité invisible de Kitège, créé en 1907 à Saint-Pétersbourg, était nulle. La parution de ce film avait représenté une aubaine car cette improbable «coproduction» sardo-moscovite – production empruntée au Théâtre Bolchoï si l’on en croit le générique – n’était pas aussi laide ni poussiéreuse que bien d’autres, sa mise en scène très au premier degré était claire et la distribution excellente dominée dans le rôle principal de Fevronia par la très extraordinaire Tatiana Monogarova, que l’on a pu entendre beaucoup dans les réalisations présentées en Europe occidentale par Valery Gergiev et ses émissaires du théâtre Mariinsky. La mise en scène d’Emintas Nekrosius simplifiait beaucoup une intrigue pas toujours simple à suivre, notamment au dernier acte, dans lequel Rimski-Korsakov a transcendé les aspects mystiques, surnaturels et rédempteurs de cette légende complexe.


D’une toute autre manière, la mise en scène réalisée par le trublion russe Dimitri Tcherniakov pour l’Opéra néerlandais en 2012, possède sa propre lisibilité, faisant table rase de l’élément surnaturel et même de la légende au profit d’une lecture très politisée. Tcherniakov n’est jamais aussi bon que dans le répertoire russe et, même si çà et là on commence à comprendre ses grilles de lecture des œuvres (les sectes, la critique puissante de la nouvelle société russe, le poids de la société prolétarienne), le spectacle est toujours très fort, les foules très bien dirigées, les acteurs poussés dans leurs derniers retranchements et le message clair.


Kitège commence et finit dans la forêt. Celle du début est absolument miraculeuse de naïveté et la rencontre des deux protagonistes, le Prince et la jeune paysanne, un très beau moment de fraîcheur. Puis l’invasion des Tatars, la conquête et la défense de Kitège, les scènes de guerre sont d’une grande violence et non dénuées de vulgarité. Quelques personnages ont un relief extraordinaire comme l’ivrogne Grishka du ténor anglais d’origine ukrainienne John Daszak, les deux chefs tatars Ante Jerkunica et Vladimir Ognovenko et le Prince de Kitège de Vladimir Vaneev. Sans atteindre aux splendeurs vocales de Monogarova, la Fevronia de Svetlana Ignatovich est extrêmement touchante et son rôle pivot dans la rédemption finale beaucoup plus clair entre les mains de Tcherniakov. Touchant aussi de naïveté le jeune prince de Maxim Aksenov. L’ensemble de la distribution est russe et les chœurs sont formidablement préparés par Boudewijn Jansen (comme on peut le voir dans le passionnant documentaire «making of»). Marc Albrecht dirige l’Orchestre philharmonique des Pays-Bas avec beaucoup de clarté une partition d’une richesse luxuriante de timbres et de rythmes à l’égal des plus grands opéras du répertoire russe.


Cette réalisation, à l’instar de la formidable Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch montée par Martin Kusej en 2006 est une grande réussite de plus à l’actif de cette scène néerlandaise, qui a toujours la main heureuse avec le répertoire du XXe siècle. Elue production de l’année 2012 aux «Opera Awards» de la revue anglaise Opera elle est coproduite avec le Liceu de Barcelone et l’Opéra de Paris, où l’on devrait la voir en 2015.


Olivier Brunel

 

 

 

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