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03/03/2014 «Franz Liszt. Complete Piano Music, vol. 37»
Franz Liszt : Tre Sonetti del Petrarca – Venezia e Napoli – Klavierstück n° 1 – Recueillement – Schlaflos! Frage und Antwort – Nocturne – Toccata – Galop de bal – Galop en la mineur – Grand galop chromatique
Jue Wang (piano)
Enregistré au Glenn Gould Studio, CBC, Toronto (29-30 novembre 2011) – 65’35
Naxos 8.572808 – Notice de présentation en anglais
«Franz Liszt. Complete Piano Music, vol. 38»
George Frideric Handel : Almira: Sarabande und Chaconne (arrangement Liszt)
Charles Gounod : Faust: Valse – Hymne à Sainte Cécile – Roméo et Juliette: Les Adieux, rêverie – La Reine de Saba: Les Sabéennes, berceuse (arrangements Liszt)
Joachim Raff : König Alfred: Andante finale und Marsch (arrangement Liszt)
Louis Spohr : Zemire und Azor: Die Rose, Romanze (arrangement Liszt)
Soyeon Kate Lee (piano)
Enregistré au Glenn Gould Studio, CBC, Toronto (9-11 avril 2012) – 68’38
Naxos 8.572589 – Notice de présentation en anglais et en allemand
«Liszt at the Opera»
Charles Gounod : Faust: Valse (arrangement Liszt)
Franz Liszt : Réminiscences de «Don Juan» – Paraphrase de concert sur «Rigoletto»
Richard Wagner : Tannhäuser: Ouverture et «O du mein holder Abendstern», Rezitativ und Romanze – Der fliegende Holländer: Spinnerlied (arrangements Liszt) – Tristan und Isolde: Vorspiel (arrangement Lortie) und Liebestod (arrangement Liszt)
Louis Lortie (piano)
Enregistré au Potton Hall, Dunwich, Suffolk (3-4 mars 2013) – 77’48
Chandos CHAN 10793 – Notice de présentation en anglais et français
Franz Liszt est toujours chéri des pianistes... et des éditeurs. Naxos poursuit ainsi sa monumentale édition des œuvres complètes, avec la publication des volumes 37 et 38. Parfois exceptionnel (comme avec William Wolfram, dans le volume précédent), souvent ordinaire, le corpus final de cette édition risque toutefois d’apparaître bien éclectique, tant l’absence d’unité stylistique caractérise les publications successives. Les deux nouveaux opus ne marqueront pas la discographie, même si le volume 37 ne démérite pas.
Le pianiste chinois Jue Wang (né en 1984) apporte, en effet, à la série de partitions diverses retenues dans son disque une frappe intègre et un toucher très accompli. Joués dans une version bien différente de l’édition habituelle des Années de pèlerinage (celle de 1846), les «Sonnets de Pétrarque» demeurent quelque peu timides et parfois ternes, sans l’élévation poétique que l’on y recherche – malgré la sensibilité du legato. Wang donne davantage de vie à la première version de Venezia e Napoli (1840), en quatre mouvements, qui s’achève sur de délicieuses «Tarentelles napolitaines», finement balancées. Parmi les courtes pièces qui complètent l’album, on apprécie plus spécialement le toucher sobre mais lointain des brefs et tardifs Recueillement (1877) et Schlaflos! Frage und Antwort (1883). Soulignons enfin un beau doigté – pour animer l’expéditive Toccata (1879) – et une idée originale: celle consistant à aligner le mécanique et joyeux Galop de bal (1840), le tortueux Galop en la mineur (1846) et le célèbre Grand galop chromatique (1838).
Consacré à des transcriptions et arrangements lyriques, le volume 38 de l’édition Naxos est confié à la pianiste américano-coréenne Soyeon Kate Lee (née en 1979). Mise à part la thématique de l’opéra, on peine à identifier le lien entre Gounod, Handel, Spohr et Raff. Les extraits d’œuvres de Gounod occupent près de la moitié de cette grosse heure de musique. La «Valse» de Faust (1861) déploie une belle fantaisie et beaucoup de muscle – mais également quelques raideurs et des baisses de rythme. L’«Hymne à Sainte Cécile» (1865) se fait plus touchant, bien qu’il peine à s’élever au-dessus du toucher trop terrien de Lee. Les «Sabéennes» (1861) et les «Adieux» de Roméo (1867) sont investis avec davantage de sentiments et d’éloquence digitale. La rarissime transcription de Joachim Raff (1853) offre un toucher encore trop sec et un manque flagrant de rondeur, alors que la plaisante transcription de Spohr – «Die Rose» (1876) – présente peu d’intérêt musical. Notons, enfin, que la Sarabande et la Chaconne tirées de l’Almira de Handel (1876) ne sont pas non plus sans raideur. Bref, un piano trop éthéré pour Liszt – encore un peu vert.
Tout l’inverse du talentueux Louis Lortie (né en 1959), qui compose un disque intelligent (sur le thème de Liszt et de l’opéra) édité avec soin (lire la notice de l’album). En comparaison des deux (jeunes) pianistes asiatiques, le Québécois démontre une rondeur du toucher et une richesse des nuances franchement admirables. C’est particulièrement frappant dans la «Valse» de Faust (1861) – tellement supérieure à celle de la version Lee (tant dans la variété des climats que par l’élégance du ton) –, avec une conclusion géniale de fantaisie et d’improvisation. Lortie s’amuse également avec le fantasque «Chœur des fileuses» du Vaisseau fantôme (1859) comme avec de monumentales Réminiscences de «Don Juan» (1843), peut-être trop contemplatives par instants, mais qui savent s’emballer quand il faut (notamment dans le Presto spiritoso). On admire, dans l’Ouverture de Tannhäuser (1849), la virtuosité de la frappe. Le style hésitant quelque peu entre intimisme et fureur, les contrastes entre nuances apparaissent néanmoins davantage comme des chutes de tension que comme des vecteurs d’émotions. Une émotion que Lortie retrouve pleinement dans le resserrement de la «Romance à l’étoile» (1849), alors que la Paraphrase de «Rigoletto» (1860) magnifie son art de la nuance – bien que l’on connaisse des interprétations plus scotchantes. A noter: la version commercialisée par Chandos comporte également un arrangement du «Prélude» de Tristan réalisé par l’interprète et accolé par lui à la transcription lisztienne de la «Mort d’Isolde» (1867).
Gilles d’Heyres
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