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10/31/2013
Felix Mendelssohn-Bartholdy : Quatuors en la mineur, opus 13, et en fa mineur, opus 80
Fanny Mendelssohn-Hensel : Quatuor à cordes en mi bémol majeur

Quatuor Ebène: Pierre Colombet, Gabriel Le Magadure (violons), Mathieu Herzog (alto), Raphaël Merlin (violoncelle)
Enregistré à la Ferme de Villefavard en Limousin (11-14 septembre et 1er-4 novembre 2012) – 76’50
Erato 50999 46-45-46 2 1 – Notice en français de Brigitte François-Sappey, traduite en anglais et en allemand





Must de ConcertoNet


Le Quatuor Ebène aborde les partitions, de Haydn à Bartók, Debussy ou Ravel, à chaque fois comme s’il s’agissait d’œuvres récemment composées. C’est donc avec un engagement profond et une urgente intensité que les Ebène se tournent vers des quatuors de Felix Mendelssohn (1809-1847) et de sa soeur Fanny (1805-1847), son double féminin, pour en faire ressortir toute la concentration, la conviction et l’ardeur initiales de compositeurs qui avaient toujours à convaincre, balayant les préjugés de grâce alcyonienne ou d’insuffisance féminine qui mènent à l’occasion à des interprétations plus lisses, voire décoratives. Le programme est particulièrement bien équilibré. Par ordre chronologique, deux quatuors de Felix encadrent l’unique Quatuor (1834) de Fanny. Choisis certainement à dessein, le Quatuor en la mineur (1827, parachevé en 1832), et le Quatuor en fa mineur (1847), sont sans doute les plus originaux et les moins classicisants de leur auteur, inspirés, comme celui de sa sœur, par le caractère plus prospectif du modèle beethovénien.


Aujourd’hui acclamé sur la scène internationale, le quatuor français reste à la hauteur des attentes, avec la faculté suprême de savoir à chaque fois encore surprendre. Unis dans une même détermination vitale, les musiciens ne laissent rien au hasard, chaque trait d’archet étudié en fonction de l’ensemble, les attaques, de l’acéré au doux, conçues à quatre au service de l’intériorité de la partition. Ils ne cherchent pas l’effet pour l’effet mais révèlent ceux que certaines interprétations ont pu gommer, notamment la violente attaque qui ouvre le quatrième mouvement de l’Opus 13 de Felix, ici d’une rare intensité, ou l’allant rarement si incisif de la grâce volcanique du quatrième mouvement du Quatuor de Fanny. L’urgence et la ferveur que l’on ressent à tout instant n’empêchent en rien la perfection et l’élégance du phrasé, le lyrisme de l’élan et la fine expression de sentiments qu’ils semblent libérer de leur gangue sans insistance et sans pathos. Leur ensemble, d’une belle qualité instrumentale, est une entité dans le sens fort du terme: la fusion peu commune de quatre fortes personnalités pénétrées d’une même esthétique et d’une même intelligence musicales.


Le Quatuor en la mineur de Mendelssohn atteint un degré d’accomplissement qui dénie le jeune âge de son auteur. Troublé par la disparition de Beethoven, un jeune homme de 18 ans applique avec beaucoup d’originalité et une maîtrise étonnante certains principes de son aîné et c’est le caractère beethovénien touché par une fièvre romantique qui ressort de l’interprétation des Ebène, toujours d’une précision remarquable jusque dans la légèreté lumineuse de l’Intermezzo qui démontre, si besoin était, l’intime connaissance qu’avait Mendelssohn du caractère et des possibilités des instruments à cordes. Gabriel Le Magadure s’acquitte de la partie de premier violon avec autorité, souplesse et une belle ampleur lyrique, Pierre Colombet assumant la place pour la suite avec la concentration et la maîtrise que l’on lui connaît.


L’œuvre de Fanny Mendelssohn, plus rare au disque, fait le plus souvent partie d’un programme de quatuors de compositrices de toutes les époques et c’est un plaisir de la retrouver ici dans une programmation plus normale au cœur d’un ensemble de compositions de la même période. Si, pour les trois Quatuors de l’Opus 44, son frère effectue un repli plus classique, Fanny se montre plus audacieuse, toujours dans un esprit beethovénien. Les Ebène se déclarent séduits dès le déchiffrage de la partition par «les progressions harmoniques, les alternances de tension et de relâchement, le goût de la virtuosité et la magie des mouvements rapides», communs aux deux compositeurs, et leur prestation incandescente, progressivement plus enflammée comme la partition elle-même, traite avec une pareille intensité énergique les climats changeants de l’Adagio initial, les scintillements d’un scherzo virtuose, le charme d’une délicieuse Romanze, et la secousse sismique de l’Allegro final.


Toutes époques confondues, le sombre mais bouleversant Quatuor en fa mineur atteint un sommet. La tension expressive est extrême. Mendelssohn l’écrivit au cours d’un été difficile encore sous l’émotion du décès de Fanny au printemps, sa détresse ne trouvant d’exutoire que dans la composition de ce vibrant témoignage musical. Toutes les qualités de l’excellent Quatuor Ebène entrent en jeu pour lui rendre pleinement justice, les quatre archets perpétuellement liés dans un élan qui ne connaît aucun répit, hormis l’amer chiaroscuro de l’Adagio, et c’est une réussite. C’est magnifique. Les quatre mouvements du Quatuor, de nouveau beethovénien mais fortement original, déferlent: le premier frémissant et emporté, ponctué des cris d’angoisse du premier violon, se déverse dans le noir scherzo Allegro vivace assai déchirant, le quatrième, à la suite de l’Adagio crépusculaire, se faisant l’écho des deux premiers dans un tourment conclusif agité et sans promesse d’apaisement.


L’enregistrement bénéficie d’une prise de son d’une belle présence, brillante et claire, la mise en espace intime mais aérée. La prestation dynamique des Ebène, impressionnante de vigueur, de précision et de beauté, se hisse au niveau des meilleures et il est fort probable qu’elle devienne à son tour une version de référence. Hautement recommandée.


Le site du Quatuor Ebène


Christine Labroche

 

 

 

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