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09/24/2013 Richard Strauss : Don Juan, opus 20
Richard Wagner : Wesendonck-Lieder
Johannes Brahms : Symphonie n° 1 en ut mineur, opus 68
Nina Stemme (soprano), Wiener Philharmoniker, Mariss Jansons (direction), Brian Large (réalisation)
Enregistré en public au Grosses Festspielhaus de Salzbourg (août 2012) – 95’
DVD EuroArts 2072628 (ou Blu-ray 2072624) – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Région Code 0 – Notice trilingue (anglais, allemand et français) de Katrin Haase
Must de ConcertoNet
Quelques jours après le concert d’ouverture du festival de Salzbourg cuvée 2012 donné par l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Valery Gergiev, c’était au tour du chef letton Mariss Jansons, un autre habitué du prestigieux orchestre (et du festival où il a dirigé pour la première fois le 8 août 1990, dans un programme Berlioz, Grieg, Tchaïkovski alors donné avec l’Orchestre philharmonique d’Oslo), d’officier. Celui qui a, à ce jour, dirigé à deux reprises le célèbre Neujahrskonzert (en 2006 puis en 2012), proposait là un programme axé sur la musique romantique et postromantique allemande qui fait le pain quotidien de l’Orchestre philharmonique de Vienne et qui a été présenté au public lors de deux concerts, les 4 et 5 août 2012, la date du présent enregistrement ne précisant pas de quelle représentation il s’agit.
Il peut arriver que les Wiener Philharmoniker jouent en roue libre, en pilotage automatique, et que le concert soit finalement banal quand il n’est pas franchement médiocre. Il arrive également que le résultat soit tout à fait exceptionnel: ce fut sans aucun doute le cas ce jour-là. Et le concert commençait d’ailleurs par son sommet, avec un Don Juan (1888) de Richard Strauss (1864-1949) d’une incroyable virtuosité. Les cordes du Philharmonique (où l’on compte pour l’occasion cinq femmes, trois chez les violons, une altiste et une violoncelliste) alternent les pures prouesses techniques avec la plus belle musicalité qui soit – quel sens du legato! – tandis que les solistes habituels de l’orchestre (notamment Martin Gabriel au hautbois et Daniel Ottensamer, le fils d’Ernst, autre clarinettiste solo de l’orchestre) ou l’ensemble de certains pupitres – quelle puissance chez les cinq cors, lorsqu’ils entonnent le thème célèbre, que l’on retrouve d’ailleurs dans Ein Heldenleben – se couvrent également de gloire. Dirigeant partition ouverte sur un pupitre haut perché, Mariss Jansons multiplie les expressions, semblant parfois pleinement profiter, comme n’importe quel spectateur, du formidable spectacle offert par l’orchestre. Les ovations qui fusent à la fin du poème sont amplement méritées et démontrent une nouvelle fois qu’il n’y a pas que le sang de Johann ou Josef qui coule chez les Viennois: Richard est également bien présent!
Après l’extraverti Richard Strauss, Nina Stemme, dans une robe à la gloire de la rose, s’avance ensuite sur scène pour l’intimité des Wesendonck-Lieder (1858) de Richard Wagner (1813-1883), cinq chants composés en l’honneur et sur des poèmes d’une de ses muses, Mathilde Wesendonck. Aussi étrange cela puisse-t-il paraître, les Wesendonck-Lieder n’ont que rarement été interprétés à Salzbourg. Ils le furent tout d’abord dans leur version minimaliste avec l’accompagnement d’un piano (Jessye Norman en août 1983 et août 1991, Margaret Price en août 1992, Hildegard Behrens en août 1999 et même Matthias Goerne en août 2005). Ils furent également donnés dans la version en partie révisée par Hans Werner Henze (Hanna Schwarz en août 1996 sous la direction de Dennis Russell Davies et Angelika Kirchschlager en août 2007 sous la baguette d’Ingo Metzmacher) et, finalement, ce n’est qu’en août 2010 qu’ils furent interprétés dans leur version originale, sous la direction de Thomas Dausgaard qui dirigeait alors l’Orchestre de chambre de Suède: la chanteuse n’était autre que Nina Stemme... La cantatrice suédoise, rompue au répertoire wagnérien, donne de ces pages une interprétation véritablement poignante, sa voix passant avec une musicalité sans faille de la déclamation au simple murmure, délicieusement épaulée par Rainer Honeck (le Konzertmeister de ce concert) dans le lied «Der Engel» ou Franz Bartholomey (violoncelliste solo) dans le lied suivant, «Stehe still!».
Les 6 et 8 août 2002, Mariss Jansons avait déjà donné la Première Symphonie (1868) de Brahms avec le Philharmonique de Vienne au festival de Salzbourg; les voici donc qui récidivent avec une incontestable réussite. Dirigeant un orchestre étoffé, où l’on remarque notamment une femme au contrebasson et une autre au second hautbois ainsi que le charismatique contrebassiste Wolfgang Gürtler (celui-ci ayant d’ailleurs regagné depuis le rang après avoir été chef de pupitre), Jansons livre là une symphonie tout en élan et en couleurs, ne s’appesantissant jamais, veillant à chaque instant à ce que l’orchestre avance vers le drame et la grandeur du mouvement conclusif. Les interventions des solistes (de nouveau Rainer Honeck dans le deuxième mouvement, Daniel Ottensamer dans le troisième) sont superbes, au diapason de la finesse de l’ensemble. Là encore, point de gestique spectaculaire, Jansons se contentant souvent de battre la mesure et de donner avec précision les différents départs (à partir de 53’20 par exemple), mais une vraie efficacité. Il faut dire que le Philharmonique de Vienne est ici en terrain conquis et fait preuve d’un professionnalisme au-delà de tout éloge: d’ailleurs, comment ne pas sourire en voyant les deux premiers cors évacuer en un geste parfaitement identique, à la seconde près, la salive qui encombre quelque tuyau de leur instrument (à 82’05)? La conclusion est évidemment triomphale: tant le chef que l’orchestre le méritaient. Un très grand concert!
Sébastien Gauthier
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