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08/15/2013 «The Colón Ring. Wagner in Buenos Aires»
Film documentaire de Hans Christoph von Bock (2013) – 93’
C Major 712808 (ou Blu-ray 712904) – Format: 16/9. Region code: 0 (worldwide) – Notice de présentation en français, anglais, allemand et espagnol, sous-titres dans les mêmes langues ainsi qu’en coréen et japonais
Est-ce un documentaire sur les coulisses du monde lyrique, apportant un éclairage sur les splendeurs et misères des productions d’opéra – au travers de l’exemple du Ring monté fin 2012 au Teatro Colón de Buenos Aires? Ou simplement le «making of» de cette production, par ailleurs publiée chez le même éditeur (en cinq DVD ou trois Blu-ray) et dont le film de Hans Christoph von Bock constitue un bonus? Difficile à dire... d’autant qu’il semble accessible gratuitement et en intégralité sur le site de la Deutsche Welle, coproductrice du film.
Le documentaire n’en est pas moins passionnant – renseignant non pas tant sur l’arrangement mis au point par Cord Garben – une réduction des quatre partitions originales à environ sept heures de musique destinées à être jouées en une seule journée – que sur la mise en scène. Initialement confiée à Katharina Wagner, la production souffre de nombreux rebondissements, à commencer par le désistement de cette dernière – qu’on voit claquer la porte (s’agaçant de l’insuffisance des moyens mis en œuvre et du non respect des délais) puis revenir à Buenos Aires (avec son avocat) afin de régler les conditions d’abandon du navire, autorisant qu’on reprenne ses idées.
Pedro Pablo Garcia Caffi, le directeur du Teatro Colón, confie alors in extremis la mise en scène à la jeune Valentina Carrasco, qui semble faire mieux que sauver les meubles – multipliant les références à l’Argentine (les Walkyries en combattantes des Malouines, Wotan et Fricka en Juan et Eva Perón...) et décidant de faire de l’or du Rhin un bébé («l’essence pure de l’humanité (...) encore intacte de toutes prescriptions morales, ambitions...»). Le Nibelheim devient ainsi une fabrique à bébés que le metteur en scène met en parallèle du «passé terrible d’enfances volées sous la dictature des années 1970» en Argentine (évocation des «enfants d’opposants au régime, nés en prison et donnés à d’autres familles»). A dire vrai, il fait aussi penser au Lebensborn nazi autant qu’aux camps de la mort...
Des répétitions jusqu’au dîner entre artistes à l’issue de la première, le film sait capter l’intérêt par le nombre des rebondissements en coulisses, qu’il dévoile sans détours ni langue de bois: la réutilisation des décors d’origine – partiellement réalisés – et leur transformation pour la nouvelle mise en scène, la difficulté des chanteurs – habitués à la partition d’origine – à se fondre au flux musical de la version abrégée (notamment la Brünnhilde de Linda Watson), les premières répétitions chaotiques de l’orchestre – avec une partition encore truffée d’erreurs à quelques jours de la première – et les tensions entre les instrumentistes et le chef (Roberto Paternostro), ou encore le forfait de Torsten Kerl – suscitant les espoirs de Mark Duffin, sa doublure, d’être choisi comme nouveau titulaire du rôle de Siegmund... espoirs déçus (au grand dam du metteur en scène qui avait travaillé avec lui) au profit de l’arrivée d’un autre ténor (Stig Andersen). Une occasion rare de pénétrer l’envers du décor…
Gilles d’Heyres
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