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07/08/2013 Guide des instruments de musique (vol. II) 1800-1950
Catalogue en français de 154 pages réalisé par Jérôme Lejeune et coffret de huit disques – 600’26
Ricercar RIC 103 (distribués par Outhere)
Sélectionné par la rédaction
Voici quatre ans, on avait tressé des lauriers à l’éditeur Ricercar pour son magnifique Guide des instruments anciens qui, au travers de notices extrêmement riches, d’une iconographie diversifiée et d’une illustration sonore abondante, livrait là un outil absolument indispensable pour tout mélomane. Le voici qui récidive avec ce Guide des instruments de musique qui, on va le voir, est d’une qualité comparable à tous égards.
Le présent guide – et Jérôme Lejeune (créateur du label Ricercar en 1980) s’en explique dans la préface avec un indéniable talent qui mêle érudition et discours accessible à tous – s’attache principalement aux instruments de l’orchestre symphonique et laisse donc de côté certains instruments qui n’entreraient pas dans le cadre ainsi défini. Pour autant, Lejeune est-il passé à côté de beaucoup d’entre eux? On peut en douter car, même si plusieurs pages sont consacrées aux classiques violon, clarinette, cor et harpe, on croise également le claviharpe, le heckelphone (qui s’apparente au hautbois baryton), le basson quinte, le bugle à pistons, le cimbasso (de la famille des trombones), le sousaphone (ou soubassophone, de la famille de l’hélicon), le piano girafe, le theremin (qui, inventé en 1920, fonctionne à l’électricité)... Bref, c’est à un véritable voyage que ce guide nous convie.
Illustré par de très nombreuses photographies des instruments en question, par des portraits de compositeurs ou également de musiciens, cet ouvrage est très instructif sur l’évolution de la facture des instruments – quel rôle que celui de personnages comme Buffet, Halary, l’inventeur de l’ophicléide, ou Sax! –, sur l’usage que les compositeurs souhaitaient faire de tel ou tel instrument – Berlioz est souvent cité à cet égard, pertinent autant que poétique dans ses propos – ainsi que sur les véritables commandes que certains compositeurs passèrent auprès de facteurs pour obtenir le son idoine – le passage sur les désormais bien connus Wagner-Tuben est particulièrement éclairant.
A l’instar de ce que Ricercar avait réalisé aussi bien dans son précédent guide que dans celui intitulé Réforme et Contre-Réforme, le livre est accompagné d’un second gros volume, rassemblant cette fois-ci des illustrations sonores. Réparti en huit disques, ce vaste ensemble de quelques 156 extraits musicaux (dont la durée oscille entre 10 secondes et près de 17 minutes pour le plus long), issus des catalogues de divers éditeurs (Ramée, Glossa, Musique en Wallonie, Ricercar, MDG, Fuga Libera, ...), nous permet ainsi de découvrir (ou de nous souvenir) l’usage que les compositeurs ont pu faire de ces instruments au fil de plus de cent ans de musique. On peut certes entendre du classique, pour ne pas dire du très connu – «Un bal», tiré de la Symphonie fantastique ou La Poule de Rameau, dans un enregistrement de 1934 –, mais quelle surprise d’entendre le thème de l’«Hymne à la joie» sur octobasse (CD 2)! De même, quelle interprétation étrange que celle de ce pourtant si connu Divertissement à la hongroise D. 818 de Schubert (CD 1). Certains extraits sont intéressants en tant qu’ils nous permettent d’entendre, pris isolément, un instrument que l’on n’entend guère habituellement, tels le serpent, toute une série d’instruments dérivés de la trompette, qui nous sont connus à travers la musique militaire (CD 2), ou cet étrange trautonium (CD 6).
Mais le grand mérite de ce vaste panorama est de nous faire connaître le nom de compositeurs que, sauf à être un musicologue averti ou un amateur spécifiquement attiré par tel ou tel, l’on a totalement oubliés. Daniel Steibelt (1765-1823), Jean-Baptiste Singelée (1812-1875) dont on croise ici plusieurs œuvres pour saxophone – notamment ce Septième solo de concert joué par un saxophone baryton qui, à l’oreille, s’avère très proche du basson – ou Alexandre Guilmant (1837-1911) ne seront désormais plus des inconnus.
N’allons donc pas par quatre chemins et saluons cette totale réussite, à tous points de vue, qui ne peut qu’inciter à davantage de curiosité même si, convenons-en, on aura du mal à remplir une salle de concert avec ce type de pièces et d’instruments, du moins en tant que solistes.
Sébastien Gauthier
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