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04/01/2013 «Bach Drama»
Johann Sebastian Bach : Cantates «Der Streit zwischen Phöbus und Pan», BWV 201, «Der zufriedengestellte Aolus», BWV 205, et «Die Wahl des Herkules», BWV 213
Christian Immler (Phöbus, Aolus), Alejandro Meerapfel (Pan, Merkur), Céline Scheen (Momus, Pallas, Wollust), Clint Van der Linde (Mercurius, Pomona, Herkules), Fabio Trümpy (Tmolus, Tugend), Makoto Sakurada (Midas, Zephyrus), Chœur de chambre de Namur, Les Agrémens, Leonardo García Alarcón (direction), Olivier Simonnet (réalisation)
Enregistré à l’Espace culturel d’Harscamp, Namur) (6 et 7 septembre 2011) et en concert en l’église abbatiale d’Ambronay (10 septembre 2011 [BWV 213]) – 81’33 (CD) + 42’54 (DVD)
Album de deux disques et d’un DVD Ambronay AMY 031 (distribué par Harmonia mundi)
Son PCM Stereo – Format NTSC 16:9 – Région Code 0 – Notice trilingue (français, anglais et allemand) de Gilles Cantagrel et Leonardo García Alarcón et traduction des textes chantés
Must de ConcertoNet
Que le titre donné à ce coffret de deux disques et d’un DVD ne trompe pas: «Bach Drama» ne désigne nullement une quelconque compilation d’extraits divers dont le fil conducteur serait la seule douleur ou les emportements du cœur... Sous couvert d’une appellation peut-être un peu accrocheuse, voire commerciale, l’excellent jeune chef Leonardo García Alarcón dirige ici trois cantates profanes de Johann Sebastian Bach (1685-1750) qui, en vérité et avec toutes les precautions d’usage méritant d’être faites, font presque figure de petits opéras.
La Cantate «La controverse entre Phébus et Pan» (BWV 201), datant de 1729 avant d’avoir été revue quelque vingt ans plus tard, a été composée dans des circonstances sujettes à maintes controverses entre musicologues: ceux-ci s’accordent néanmoins pour y voir «un étendard, une sorte de manifeste de l’esthétique de Bach» (Alberto Basso, Bach, Fayard, tome 2, p. 712), le Cantor (peut-être représenté sous les traits de Phébus) proclamant à cette occasion la supériorité de sa musique sur un style plus ancien incarné par Pan. La légende est assez connue puisque Midas, chargé de donner son avis sur l’issue de cette joute musicale, préfère pourtant Pan, ce qui lui vaut d’être finalement affublé d’oreilles d’âne, provoquant ainsi les moqueries du dieu de la raillerie, Momus.
La Cantate «Eole apaisé» (BWV 205) est, pour sa part, composée en hommage à August Friedrich Müller, éminent professeur de droit de l’Université de Leipzig: elle fut donnée, paraît-il, sous ses fenêtres, le 3 août 1725. L’argument se situe dans l’île d’Eolie: Eole décide, la fin de l’été approchant, de libérer les vents. Zéphyr et Pomone lui demandent d’arrêter leur fureur dévastatrice afin de ne pas perturber la fête que Pallas organise en l’honneur de Müller. Eole y consent et chacun peut ensuite célébrer le récipiendaire comme il convient.
Quant à la Cantate «Le choix d’Hercule» (BWV 213), il s’agit également d’une œuvre de circonstance destinée à la célébration du onzième anniversaire du Prince Electeur Christian Friedrich (septembre 1733). Le jeune Hercule doit ici choisir entre une vie facile mais oisive et sans gloire et, au contraire, une vie difficile mais comblée d’honneurs, le jeune Hercule étant bien entendu le jeune Prince...
Même si la discographie de ces trois cantates compte quelques solides versions – Leonhardt (Philips), Jacobs (Harmonia mundi) ou Goebel (Archiv Produktion) – celle que nous offre ici Leonardo García Alarcón est tout simplement idéale.
L’orchestre tout d’abord. Si certaines cantates de Bach se caractérisent par un instrumentarium fort réduit, tel n’est pas le cas de ces trois œuvres qui recourent aux trompettes, aux cors, aux flûtes, aux hautbois... Ecoutez pour commencer les chœurs qui débutent et qui finissent la Cantate BWV 205, où tous les instruments distillent une pompe joyeuse et solennelle avec une vivacité et une richesse de timbres extraordinaire! Qu’il s’agisse des échanges entre cors et trompettes (l’air d’Eole «Zurükke, Zurükke, geflügelten Winde» dans la BWV 205), de l’accompagnement du hautbois (excellent Patrick Beaugiraud) et du premier violon (Patrick Cohën-Akenine tout aussi digne d’éloges) dans l’air de Tugend «Auf meinen Flügeln sollst du schweben» (dans la BWV 213), des sonorités des cordes dans l’air de Midas «Pan ist Meister, lasst ihn gehen!» ou de la technicité à toute épreuve des flûtes dans l’air de Mercure «Aufglebasene Hitze» (deux airs issus de la Cantate BWV 201), les instrumentistes de l’ensemble Les Agrémens méritent tous notre plus vive admiration. Ils assurent à eux seuls la beauté et la richesse de ces trois cantates, sous la direction toujours idoine d’Alarcón.
Car c’est bien lui le maître d’œuvre de tout cela! Jamais coupable de la moindre brusquerie, il adopte toujours le tempo juste et alterne avec une incomparable réussite les passages dynamiques et ceux qui versent davantage dans la réflexion ou la douceur. Le DVD nous permet d’ailleurs de le voir diriger avec un sourire affable constant, sa gestique se caractérisant par une grande souplesse (dans l’air de Tugend «Schlafe, mein Liebster», à partir de 15’55 si l’on commence le minutage du DVD au début de celui-ci). Avant d’en venir aux solistes, soulignons également l’excellence du Chœur de chambre de Namur qui contribue sans nul doute à la pleine réussite de l’ensemble.
Quant aux solistes, ils sont également du plus haut niveau. A tout seigneur tout honneur, Christian Immler incarne tour à tour un parfait Phébus (BWV 201) et un non moins convaincant Eole (BWV 205), notamment, pour ce dernier rôle, dans l’air «Wie will ich lustig lachen». Son duo avec Alejandro Meerapfel, «Mit Verlangen drück’ ich deine zarten Wange» (BWV 201), est extraordinaire, leur musicalité étant rehaussée par le superbe accompagnement des hautbois et des flûtes. Il convient également de souligner que la participation d’Alejandro Meerapfel au chœur conclusif de la Cantate BWV 213 recèle de magnifiques couleurs: le frisson ne peut que parcourir l’auditeur! Céline Scheen, qui tient un rôle dans chacune des trois cantates, est également parfaitement à son aise, jouant avec délices sur la dimension théâtrale et moqueuse de son air «Patron, das macht der Wind!» (BWV 201), air où l’accompagnement du bassoniste Alain De Rijckere est également exceptionnel. Le contre-ténor Clint Van der Linde doit lui aussi être salué comme il le mérite, ne serait-ce que pour l’air «Aufglebasene Hitze» (Cantate BWV 201).
Concluons ce panorama par quelques mots sur le DVD. Très bien filmé (grâce, notamment, à une grande diversité de prises de vue, en particulier sur les solistes instrumentaux), ce concert, enregistré lors du festival d’Ambronay, distille immédiatement un grand plaisir tant pour l’œil que pour l’oreille. Le plus beau passage, à cet égard, réside certainement dans l’air «Auf meinen Flügeln sollst du schweben», où les caméras pointent en détail les visages du premier violon, du hautboïste et du chef sur un fond musical de toute beauté. Il faut néanmoins signaler quelques erreurs dans le livret, où figurent par ailleurs de très intéressants propos de Gilles Cantagrel et de Leonardo García Alarcón, puisque le rôle de Tugend (la Vertu) est tenu par Fabio Trümpy et non par Céline Scheen, qui chante en revanche celui de Wollust (la Volupté). De plus, contrairement à ce qui est écrit page 67, «Ich bin deine, Du bist meine» n’est pas un récitatif d’Hercule mais un air où chantent conjointement Clint Van der Linde (Hercule) et Fabio Trümpy (Tugend). Enfin, on regrettera le décalage qui figure en page 3 du livret entre les plages et les minutages de chaque partie: ainsi, c’est le chœur introductif «Lasst uns sorgen, lasst uns wachen» qui dure 5’47 et non le récitatif de Hercule, qui fait bien 0’47. La lecture de ce récapitulatif doit donc être décalée d’une ligne à chaque fois.
Hormis ces quelques menues erreurs, ce coffret est tout bonnement idéal pour appréhender ces trois cantates de Bach. Vraiment, une très grande réussite que l’on espère voir rapidement poursuivie.
Le site de Christian Immler
Le site d’Alejandro Meerapfel
Le site de Fabio Trümpy
Le site du chœur de chambre de Namur et de l’ensemble Les Agrémens
Sébastien Gauthier
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