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02/24/2013
Johann Christian Bach : Zanaida
Sara Hershkowitz (Zanaida), Marina De Liso (Tamasse), Pierrick Boisseau (Mustafa), Chantal Santon (Roselane), Daphné Touchais (Cisseo), Vannina Santoni (Osira), Julie Fioretti (Silvera), Majdouline Zerari (Aglatida), Jeffrey Thompson (Gianguir), Opera Fuoco, David Stern (direction)
Enregistré en public au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines (10 et 11 février 2012) – 128’59
Coffret de deux disques Zig-Zag Territoires ZZT312 (distribué par Outhere) – Notice exemplaire bilingue (français et anglais) de Marc Vignal et traduction des textes chantés


Sélectionné par la rédaction





Les talents du père (et quels talents!) ne doivent en rien occulter ceux du ou des enfants: c’est ce que l’on pense immédiatement à l’écoute de ce coffret qui nous permet d’entendre en première mondiale Zanaida, opéra en trois actes de Johann Christian Bach (1735-1782), cadet des quatre fils du grand Johann Sebastian que furent Wilhelm Friedmann (1710-1784), Carl Philipp Emanuel (1714-1788) et Johann Christoph (1732-1795).


Lorsqu’il compose Zanaida, Johann Christian est à Londres. Après avoir vécu un temps à Berlin, il quitte en 1755 la grande ville allemande pour l’Italie et finit par devenir organiste de la cathédrale de Milan en juin 1760. Dans la Péninsule, il compose ses premiers opéras, à commencer par Artaserse (créé à Turin fin décembre 1760) et Catone in Utica en novembre 1761. Il part pour Londres à l’été 1762 et s’engage très rapidement à composer deux opéras pour le King’s Theatre comme l’explique très en détail Marc Vignal (Les Fils Bach, publié chez Fayard, pp. 216 sq.). Après Orione, ossia Diana vindicata (février 1763), voici donc venu le temps de Zanaida, dont la création eut lieu très exactement le 7 mai 1763. En dépit d’un certain succès, la partition fut pourtant perdue (hormis l’Ouverture) et ne fut retrouvée, par hasard, qu’en 2010, dans la bibliothèque d’un collectionneur! L’opéra fut rapidement étudié, reconstitué puis monté par David Stern à la tête de son ensemble Opera Fuoco: il fut ainsi donné en véritable première mondiale les 15 et 16 juin 2011 au Goethe-Theater de Bad Lauchstädt durant le Festival Bach, puis à Paris (Cité de la musique), au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines (c’est d’ailleurs au cours de ces deux représentations que fut réalisé le présent enregistrement) et au Konzerthaus de Vienne.


Le livret ayant servi de base à cet opéra est signé Giovan Gualberto Bottarelli, librettiste attitré du King’s Theatre jusqu’en 1779, qui avait également collaboré à Cleopatra et Cesare de Graun, Ifigenia in Aulide de Guglielmi et Endemione du même Johann Christian Bach. S’inspirant du livret de Métastase Siface (qui donnera lieu à un opéra de Leonardo Leo), l’action de Zanaida se situe en Perse (Métastase avait choisi la Numidie...). Dans le royaume du prince Tamasse arrive la princesse Zanaida, fille du sultan Soliman, accompagnée d’un ambassadeur, Mustafa, père d’Osira. Tamasse tombe rapidement amoureux de cette dernière et pousse son serviteur Cisseo à courtiser Zanaida afin d’une part, de ne pas devoir se marier avec elle (alors que ce mariage est une des conditions à la paix entre les royaumes de Turquie et de Perse) et, d’autre part, de détourner Osira des regards de Cisseo qui en est également amoureux. Alors que Tamasse demande à Mustafa la main de sa fille, celui-ci refuse et menace d’assassiner lui-même Osira faute de pouvoir mener à bien sa mission. C’est alors que Tamasse met Zanaida en état d’arrestation tandis que Roselane, par calcul politique et ambition personnelle, pousse sa fille, Osira, à accepter l’offre qui lui est faite. Après maints retournements, Tamasse s’apprête à exécuter lui-même la pauvre Zanaida qui est, in extremis, sauvée par Mustafa: c’est au tour de Tamasse d’être sur le point d’être tué. Mais Zanaida intervient pour demander sa grâce et, touché par cette grande noblesse, Tamasse lui demande pardon: Zanaida accepte alors de devenir son épouse et reine de Perse au milieu des clameurs.


Dès la première écoute, une évidence s’impose: la musique de Johann Christian Bach est d’une exceptionnelle richesse. Non seulement il use de mélodies souvent recherchées, mais il fait par ailleurs appel à des instruments fort divers, qui lui permettent ainsi de multiplier les atmosphères souhaitées. On mentionnera en premier lieu les clarinettes, dont l’usage n’était pas encore très développé à cette époque (même si plusieurs compositeurs avaient déjà composé quelques concertos à son intention), que Johann Christian avait déjà habilement utilisées dans son premier opéra londonien, Orione. Dès l’Ouverture, celles-ci (tenues ici par Daniele Latini et Toni Salar-Verdù) sont superbes; elles sont également des accompagnatrices de premier choix, qu’il s’agisse de l’air de Tamasse «Se spiegò le prime vele» (acte II, scène 4) ou, épaulées par les bassons, de l’air «Chi pietà non sente al core» (acte III, scène 3). Les bassons sont donc également fortement sollicités, comme on vient de le voir, à l’instar des hautbois et des flûtes: pour ces derniers, on écoutera de nouveau les airs de Tamasse «Imparai dal primo instante» (acte I, scène 3) et, pour ce merveilleux échange quasi mozartien entre le hautbois et la voix, celui de Zanaida «Tortorella abbandonata» (acte I, scène 5). Signalons enfin les cors naturels dont la dextérité est continuellement mise à rude épreuve: Nicolas Chedmail et Edouard Guittet sont impressionnants, notamment lorsque la partition sollicite un registre aigu que le cor a relativement peu l’occasion d’aborder (quelle dextérité lorsqu’ils accompagnent l’air de Tamasse «Pupille amabili del caro bene», à la scène 5 de l’acte III!).


Les chanteurs forment pour leur part une équipe de très haut niveau à commencer, nos précédents commentaires pouvaient le laisser supposer, par Marina De Liso qui incarne Tamasse. Ses différents airs, souvent marqués par une vivacité de la mélodie et du tempo ainsi que par un accompagnement instrumental à la fois riche et évocateur, sont tous des moments précieux qui en font la véritable reine de cet opéra (bien que Tamasse soit un prince, le rôle ayant d’ailleurs été originellement confié à un contre-ténor). Dans le rôle-titre de Zanaida, Sara Hershkowitz est parfaitement à sa place: son chant, pouvant être au choix plaintif et douloureux comme à la scène 8 de l’acte II («Parto, addio. Io vado a morte») ou lumineux et plein d’entrain («Tortorella abbandonata» à l’acte I, scène 5), témoigne de très grandes qualités sur les plans de la mélodie et de la technique, tout simplement infaillible. Le reste de l’équipe féminine est globalement de bon niveau (mention particulière à Chantal Santon qui, dans le rôle de Roselane, nous gratifie d’un très bel air à la scène 6 de l’acte III); seule Julie Fioretti (Silvera) tend à avoir quelques faiblesses dans le souffle, les couleurs de sa voix n’étant de ce fait pas toujours très agréables (à la scène 2 de l’acte III).


Les chanteurs masculins sont plutôt réduits à la portion congrue: trois airs pour Mustafa et un seul pour Gianguir... Si la prestation de Jeffrey Thompson n’appelle aucun commentaire en particulier, on saluera la belle prestance de Pierrick Boisseau dans le rôle de Mustafa, tout spécialement dans l’air «Almen la parca irata» (scène 4 de l’acte I) où sa voix chaude et agile fait merveille. Individuellement, les voix sont très belles mais c’est peut-être dans les ensembles qu’elles sont le plus séduisantes, idéalement accompagnées par l’orchestre, faut-il encore le souligner. Quel plaisir que ce chœur de la scène 3 à l’acte I ou que ce quatuor conclusif du même premier acte lancé par un truculent Mustafa («Empio, paventa ormai, barbaro traditor»)!


Autant dire que, après Amadis de Gaule et Endemione (qui a bénéficié d’une belle gravure dirigée par Bruno Weil chez Deutsche Harmonia Mundi), l’œuvre lyrique de Johann Christian Bach est, depuis quelques années, en pleine renaissance. Ce magnifique coffret y participe pleinement. On ne peut que s’en féliciter et encourager toutes les initiatives en ce sens!


Le site de l’ensemble Opera fuoco
Le site de Sarah Hershkowitz
Le site de Marina De Liso
Le site de Pierrick Boisseau
Le site de Vannina Santoni
Le site de Julie Fioretti


Sébastien Gauthier

 

 

 

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