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12/01/1998

Stephan Kovacevich : Beethoven (op. 13, op. 31 n°2, n°3, op. 101, 109, 110, 111)
Philips 456 877-2 (2 CD)

Sergei Rachmaninoff : Chopin (Sonate n°2, Scherzo n°3, Ballade n°3), Schumann (Carnaval), Rachmaninoff (Préludes, Etudes-tableau, Moment musical)
Philips 456 943-2 (2 CD)

Dinu Lipatti : Chopin (Sonate n°3, Barcarolle, Nocturne en ré m), Mozart (Sonate en la m), Schumann (Concerto), Grieg (Concerto), Bach (Partita n°1), Ravel (Alborada del Gracioso)
Philips 456 892-2 (2 CD)

Emil Gilels : Bach (Suite française n°5), Beethoven (Concerto n°4), Mozart (Concerto n°27), Debussy (Images, livre I), Ravel (Jeux d'eau, Toccata, Alborada del Gracioso), Weber (Sonate n°2)
Philips 456 793-2 (2 CD)

On a beaucoup entendu parler de la collection des "Grands Pianistes du vingtième siècle", qui a sorti cet automne 20 références consacrés à d'illustres pianistes. La collection est assurément passionnante, parce qu'elle permet de comparer les styles de jeu selon les époques, selon les écoles, et d'essayer de donner une réponse à la question : "qu'est-ce qui fait un grand pianiste ?" A l'écoute de quatre références, nous ne risquerons pas à proposer des réponses.

Bien que la sélection consacrée à Rachmaninoff manque un peu de cohérence, il reste l'un des pianistes les plus remarquables qui soient. Son jeu est précis, élégant, d'un naturel évident et engagé. Il joue avec relativement peu de pédale, et un piano beaucoup moins lourd que les pianos actuels. Sa sonorité est à la fois timbrée et légère, et peut être orchestrale sans jamais être lourde. Ses interprétations sont beaucoup plus téméraires que celles de la plupart des pianistes d'aujourd'hui. Son Carnaval (Schumann) est d'une liberté réjouissante, contrasté, éclaté, poétique, violent, élégant. Il faut écouter ses Chopin (Scherzo n°3, Ballade n°3, et sa superbe Sonate "funèbre"), qui demeurent des références discographiques. Sans oublier ses propres oeuvres, qui, sous ses doigts, se situent à mille lieues de la mièvrerie que l'on rencontre chez d'autres interprètes (écoutez ce Moment musical). Cet album représente un style pianistique d'antan à l'un de ses sommets (et associé à des pianos avec une mécanique légère), d'autant plus intéressant qu'il a aujourd'hui disparu.

Vient ensuite Dinu Lipatti, le pianiste roumain prématurément disparu. Les bandes proposées sont bien connues. Elles regroupent ce que Lipatti a fait de plus grand : une Troisième Sonate de Chopin d'une évidence absolue, la plus belle Alborada del gracioso que l'on n'ait jamais entendue, l'un des concertos de Schumann les plus inspirés, un Bach d'une rare élégance. Seul le Concerto de Grieg laisse un peu sur sa faim. Lipatti a un toucher intemporel, d'une grâce angélique, et ses inteprétations, on ne peut plus classiques dans le romantisme, sont d'une justesse absolue. Si vous ne le connaissez pas encore, c'est assurément l'un des grands pianistes à écouter - dans un très beau répertoire, qui plus est.

L'album consacré à Gilels est le seul des quatre volumes qui soit un peu décevant. On n'y retrouve pas le Gilels fantasque et fiévreux de ses concerts ou de ses enregistrements de "vieillesse" pour Deutsche Grammophon (son Opus 106 de Beethoven !). Son Ravel est un peut décevant, trop emporté, trop agressif ; son Debussy surexposé ne convainc qu'à moitié : il reste cependant intéressant d'écouter cette musique jouée avec autant de nervosité et de fougue. La sonate de Weber est une rareté intéressante, qui ne nous transporte cependant pas jusqu'au nirvana ; heureusement, il y a ces concertos de Mozart (n°27) et de Beethoven (n°4), qui le dépeignent sous un jour classique, comme un chanteur sensible. Ce n'est pas forcément l'aspect le plus caractéristique de son jeu, mais cela suffit à montrer à quel point il est un grand pianiste.

Enfin, il y a le volume consacré à Stephen Kovacevich (ex Stephen Bishop, puis Stephen Bishop Kovacevich). Bien que Kovacevich soit assurément un pianiste très important, ces enregistrements un peu oubliés (et inédits) étaient plus inattendus. Ces derniers temps, son nom est plus naturellement associé à Brahms qu'à Beethoven. Et pourtant : ses sonates de Beethoven, follement audacieuses, sont poétiques, et d'un équilibre parfaitement naturel. Kovacevich possède avant tout une sonorité très travaillée, tout aussi pleine dans le piano que dans le forte, qui peut être très puissante et très cristalline. Ensuite, il a l'intériorité, la faculté de soutenir l'intensité dans la lenteur (comme, par exemple, dans le deuxième mouvement de "La Tempête"), et d'engager sa propre personne dans la musique sans renoncer à la structure d'ensemble de l'oeuvre. Enfin, il y a cette espèce de flegme qui soutient son audace : son jeu épuré, dépouillé, s'impose à nous avec évidence, avec parfois la conscience de lui-même, et un air de dire "eh oui, c'est comme ça".

On ne saurait que trop conseiller les volumes de cette collection, qui permettent de découvrir de grands pianistes dans des sélections généralement bien faites. Il ne faudra cependant pas oublier d'écouter Christian Zacharias (chez EMI), Ivo Pogorelich (Deutsche Grammophon) et d'autres, qui, pour des raisons diverses et variées, n'ont pas été retenues dans cette (pourtant vaste) collection.


Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

 

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