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12/07/2012
«Canto oscuro»
Johann Sebastian Bach : Préludes de choral «Ich ruf’ zu Dir, Herr Jesu Christ», BWV 639, et «Nun komm’ Der Heiden Heiland», BWV 659 – Partita pour violon seul n° 2, BWV 1004: Chaconne (arrangement Ferrucio Busoni) – Das wohltemperierte Klavier (Première partie): Prélude n° 10, BWV 855a (arrangement Alexandre Siloti)
Sofia Goubaïdoulina : Chaconne
Paul Hindemith : Suite «1922»

Anna Gourari (piano)
Enregistré au Historischer Reitstadel, Neumarkt in der Oberpfalz (24 et 25 mai 2011) – 60’46
ECM New Series 476 4661 (distribué par Universal)





Parmi ses contemporains, Anna Gourari (née en 1972) est souvent perçue comme une pianiste de caractère qui ne craint pas d’imposer sa vision personnelle. De l’école russe, elle peut en dévoiler la puissance et le feu mais son tempérament semble surgir d’une intériorité mystique qui influe sur son style. Elle établit pour son récital un programme intrigant, plus logique qu’il y paraît à première vue, son interprétation assez libre en créant une unité sensible mais peut-être discutable. Anna Gourari adopte une approche postromantique, en somme, son style souvent fluide et lié, sa liberté d’expression hardie, son toucher sans heurt, sans brutalité, dégageant une grande force jusque dans la douceur et son jeu sur la résonance, qui certes s’impose pour la pièce de Goubaïdoulina, discrètement étendu au programme entier. «Canto oscuro» est le titre que la pianiste elle-même donne à son récital et elle en fait effectivement un long chant à travers les âges mais sans écarter les multiples sens d’«oscuro» qu’elle se plaît à trouver et à accentuer au cours des partitions, et qui peuvent aller d’une douce mélancolie à de noirs climats tragiques, de sombres abîmes à une truculence fantasque, ou encore d’une tendresse nostalgique à un mysticisme profond.


Son interprétation des arrangements de Busoni (1866-1924) de trois pièces de Bach, plus romantique que classique, frappe à la fois par les risques pris et par la cohérence de ceux-ci. La pianiste russe n’hésite pas à modifier les tempos, les dynamiques et les intensités, voire à bousculer les inflexions rythmiques, mais, pour chaque pièce conçue dans sa globalité, sa prestation ne manque pas d’allure et sa vision contrastée de la Chaconne, déjà si loin du violon, peut séduire par sa vibrante puissance aérée. Intense nocturne sous ses doigts, le Prélude en si mineur, dans la transcription de Siloti (1863-1945), clôt le récital aussi délicatement que la pâle lumière d’aube du prélude de choral (Ich ruf’ zu Dir) d’ouverture.


Née comme son aînée dans le Tatarstan, Anna Gourari ne pouvait guère passer à côté des subtiles références à Bach qui traversent l’œuvre entier de Sofia Goubaïdoulina (née en 1931). L’étonnante Chaconne de 1962, sous forme de thème avec variations, semble fournir les rythmes syncopés, les couleurs changeantes et les contrastes infinis qui correspondent si bien au tempérament de la pianiste, qui garde néanmoins toute sa liberté d’expression pour accentuer moins la modernité dynamique de la partition que son intemporalité. Sa conviction engagée est tangible et son interprétation incandescente, malgré sa durée qui affleure les 12 minutes, fait sans doute de cette belle pièce le point fort du récital.


Un parti pris de chant obscur lance un véritable défi à qui veut interpréter la Suite «1922» de Hindemith (1895-1963). La Suite est une expérience néoclassique par excellence puisqu’elle est construite à la manière d’une suite classique ou d’une partita de Bach – une Marche en guise de prélude suivie de mouvements de danse stylisés, un Nocturne en son milieu, les rythmes de danse au goût du jour, un Shimmy, un Boston et un Ragtime. Anna Gourari l’intègre parfaitement à son récital en la colorant à sa guise, prenant appui sur la délicate émotion qui investit le «Nachtstück» central pour gommer par un jeu fougueusement romantique, quoique non sans truculence, le caractère impertinent et les clins d’œil au music-hall des autres volets normalement plus sauvagement urbains.


De nouveau, la cohérence et la vive prouesse technique sont telles que l’on l’écoute avec un certain plaisir et avec quelque admiration comme on écoute l’ensemble du récital au programme si original. C’est une expérience à tenter. Un rien iconoclaste, peut-être, Anna Gourari ne laisse pas indifférent.


Le site d’Anna Gourari


Christine Labroche

 

 

 

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