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11/25/2012
Mauricio Kagel : Rrrrrrr... – Ludwig van – Der Eid des Hippokrates – Unguis incarnatus est – MM 51
François Le Roux (baryton), Philippe Bernold (flûte), Ronald van Spaendonck (clarinette), Hervé Joulain (cor), Jean-Guihen Queyras (violoncelle), Marc Marder (contrebasse), Alexandre Tharaud, Eric Le Sage (piano), Chœur Rémusat
Enregistré à l’espace de projection de l’Ircam (20-23 décembre 2002) – 55’35
Rewind REW 510 (distribué par Outhere) – Notice en français et anglais
Voici une réédition bienvenue. Elle nous rappelle les débuts d’Alexandre Tharaud, révélé il y a dix ans par un disque consacré à Jean-Philippe Rameau, son originalité, son éclectisme, sa subtilité et combien ce pianiste français est à l’aise dans la petite forme et la musique de chambre, dans le répertoire contemporain comme dans la musique baroque, celle de Maurice Ravel ou celle des caf’conc de l’entre-deux guerres. Le disque garde aussi la trace d’autres artistes qu’on ne saurait omettre et qui depuis l’enregistrement ont développé de belles carrières internationales. Publié par la première fois en 2003 par Aeon, il est consacré à cinq œuvres du regretté Mauricio Kagel (1931-2008).
La première n’est pas la bande originale du film d’Alain Chabat, RRRrrrr!!! (2004), racontant l’histoire désopilante, sans être très fine, de deux tribus il y a 35 000 ans, mais la transcription pour piano de courtes pages pour orgue composées en 1980-1981 et extraites de Rrrrrrr... ensemble de quarante et une pièces autonomes dont les titres commencent par R, du célèbre compositeur argentin. Alexandre Tharaud sait révéler tout le charme de ces pièces proche du cabaret, parfois entre Satie et Milhaud, et en donne une lecture pleine de finesse et d’humour, notamment dans «Rossignols enrhumés», pour piano préparé, des feuilles de papier étant insérées entre les cordes.
La deuxième plage du disque est cette fois une musique de film, celui que le compositeur a consacré à Ludwig van Beethoven (1970). Kagel procède par collages, un peu comme Luciano Berio (1925-2003) dans sa Sinfonia (1968), datant à peu près de la même époque, avec la Deuxième Symphonie de Gustav Mahler, pour faire entendre différemment la musique du grand compositeur allemand, pour en révéler toute la modernité. On déambule comme dans un conservatoire où sont saisis, selon les salles de cours, des thèmes beethovéniens, tantôt pour piano, tantôt pour voix, tantôt pour cor et flûte, tantôt pour violoncelle et contrebasse. C’est brillant et jubilatoire tout en allant à l’essentiel et les interprètes ont le ton toujours juste. L’hommage qu’ils rendent à Beethoven est indéniablement aussi un hommage à Kagel, à cet esprit constamment inventif, paradoxal et iconoclaste autant que respectueux des anciens.
La troisième plage, inspirée par le serment d’Hippocrate, fut conçue à force de patience dans des salles d’attente médicales, pour trois mains gauches mais fait intervenir aussi la main droite. Eric Le Sage, autre admirable pianiste, notamment dans les miniatures schumaniennes, se joint pour l’occasion à Alexandre Tharaud comme dans la «Rondena», extraite de Rrrrrrr... Le piano est alors frappé comme une porte, pour rentrer on ne sait où. La quatrième plage fait intervenir un piano et un instrument grave non déterminé, en l’espèce la contrebasse de Marc Marder. L’économie de moyens employés par Kagel est là encore impressionnante. Point de facéties ici: le pianiste frappe cette fois la pédale et le résultat est autant théâtral que noir. La dernière pièce proposée dans ce CD un peu trop court joue avec un métronome de Maelzel, réglé sur 51 pulsations par minute, d’où le titre. Evidemment implacable, malgré quelques embardées jazzistiques et quelques cris du pianiste passablement datés.
Un disque indispensable pour ne pas oublier Mauricio Kagel.
Stéphane Guy
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