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11/07/2012 «Horizons d’aujourd’hui»
Michel Sendrez : Quatuor à cordes
Nicolas Bacri : Partita concertante, opus 88c
Florent Gauthier : Quatuor à cordes n° 2 «Loops»
Thierry Huillet : Yuan Fen
Sandrine Tilly (flûte), Quatuor Sendrez: Marina Beheretche, Laura Prieu (violons), Aude Fade (alto), Maitane Sebastián (violoncelle)
Enregistré à Toulouse (2011) — 68’37
Triton TRI331171 (distribué par Intégral) — Notice en français et en anglais
Fondé en 2009, le Quatuor Kairos devint le Quatuor Sendrez à la suite de son étroite collaboration avec Michel Sendrez (né en 1932) lors de la quarantième session de l’Académie internationale Maurice Ravel, collaboration qui aboutit à la création de l’unique Quatuor à cordes du compositeur la même année. Le nom est en même temps symbolique de l’activité du Quatuor Sendrez qui, sans négliger le grand répertoire du quatuor à cordes, travaille volontiers avec les compositeurs d’aujourd’hui. Le programme de ce premier album en témoigne: les quatre œuvres sont inédites au disque et, bien que la Partita de Nicolas Bacri soit de 2004-2005, c’est le Quatuor Sendrez qui assura la création des trois plus récentes.
Flûte solo de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, Sandrine Tilly rejoint les Sendrez pour la Partita concertante en six mouvements de Nicolas Bacri (né en 1961). Ecrite pour instrument soliste (bois) et quatuor (ou orchestre) à cordes, in memoriam Ernest Bloch, le climat, à fort sentiment tonal, en est de ce fait tendu et douloureux, le lyrisme de la sombre «Méditation» finale un lent déferlement de regret. Toutefois, le deuxième mouvement, une toccata aux accents hébraïques, semble se vouloir un écho de l’âpreté emportée de certains volets de Bloch lui-même, et le tournoiement contrapuntique du «Scherzo diabolico», en cinquième position, s’impose peut-être comme le plus satisfaisant des six par les qualités rythmiques et richement harmoniques de son écriture.
Les trois quatuors à cordes évoquent la richesse du dépaysement, la forêt peuplée d’oiseaux du Venezuela (Sendrez), les contrastes de la Chine (Huillet) et l’abstraction du voyage avec l’éternel retour aux sources pour la courte pièce de Florent Gauthier. Conçu au Venezuela en 1959, repris en 2009, le Quatuor de Sendrez, en quatre «événements» enchaînés, semble parfaitement abstrait, le langage, chromatiquement inventif, dur sans être abrasif. Effectivement inspiré en partie par les chants d’oiseaux de la forêt tropicale, le compositeur basque en tire des motifs qu’il développe ou qu’il brise pour les lancer dans la tourmente perpétuelle de sa partition expressive. Le Deuxième Quatuor (2010) de Florent Gauthier (né en 1969) porte le titre Loops. Les boucles musicales n’ont rien de l’esprit minimaliste de celles de Shaker Loops de John Adams, par exemple. Il s’agit plutôt de circuit balisé dont la source est un accord répété, éclaté par les rebondissements insistants d’un motif rapide en doubles croches. Gauthier joue ces deux éléments l’un contre l’autre dans une série de variations presque ludiques qui en sont fortement imprégnées, l’accord s’imposant à chaque étape, à la fois en conclusion et en nouveau départ.
Yuan Fen définit le lien mystérieux qui peut se créer entre une personne et un lieu. Les quatre volets évocateurs du Quatuor à cordes (2010) de Thierry Huillet (né en 1965) sont reliés à ses impressions favorables de quatre lieux en Chine: Beijing, Shanghai, Zhujiaojiao et Yiheyuan. Colorée ou lumineuse, la partition correspond à de véritables tableaux musicaux pour le compositeur, pianiste voyageur dont on ne met jamais en doute la sincérité, mais l’ensemble étant descriptif, quoique discrètement, et certains passages d’une modalité pentatonique simple, lyrique mais très accentuée, l’auditeur reste stylistiquement dérouté par une écriture qui oscille entre un Occident aventureux et un Orient poétique mais convenu. On peut néanmoins être sensible à la violence urbaine des premières et dernières mesures de sa vision de Shanghai ou à la beauté calme de ses impressions hivernales de Yiheyuan.
Si aucune partition ne s’impose en chef-d’œuvre absolu, le programme ne manque pas d’intérêt et on peut pleinement approuver l’ambition du jeune Quatuor Sendrez qui est de porter des œuvres récentes ou peu connues à l’attention du public. Pour l’éloquent Quatuor de Sendrez plus particulièrement efficace et engagée, leur interprétation est en tout point correcte mais parfois desservie par une prise de son un peu sèche qui manque peut-être de présence.
Le site du Quatuor Sendrez
Le site de Nicolas Bacri
Le site de Florent Gauthier
Le site de Thierry Huillet
Christine Labroche
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