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10/07/2012
Charles-Simon Catel : Sémiramis

Maria Ricarda Wesseling (Sémiramis), Gabrielle Philiponet (Azéma), Mathias Vidal (Arzace), Nicolas Courjal (Assur), Andrew Foster-Williams (Oroès), Nicolas Maire (Cédar), Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (direction)
Enregistré en public au Corum (Opéra Berlioz) de Montpellier (25 juillet 2011) – 105’21
Livre de 98 pages et deux disques Glossa GES 921625-F (distribué par Harmonia mundi) – Notice exemplaire avec des textes (en français uniquement) d’Alexandre Dratwicki, François-Joseph Fétis, Benoît Dratwicki, Pierre Sérié et Etienne Jardin





 Must de ConcertoNet


L’Histoire est parfois injuste. Ainsi, on a aujourd’hui totalement oublié quel musicien pouvait être Charles-Simon Catel (1773-1830); en revanche, on a encore quelques souvenirs du théoricien Charles-Simon Catel, auteur d’un célèbre Traité d’harmonie (1802) qui, après le règne de Rameau et face à une profusion d’idées musicales outre-Rhin, s’imposa pendant plus de vingt ans en France comme étant l’ouvrage incontournable pour tout étudiant au Conservatoire. Catel fut surtout un musicien officiel, comme purent également l’être son maître Gossec ou son comparse Méhul. Si l’on consulte les ouvrages de référence sur le genre (notamment Les Chants nationaux de la France de Gustave Bonnefont), on apprend ainsi que Catel composa de nombreux hymnes officiels comme l’Hymne à l’égalité (1791), sur des paroles de Chénier, l’Hymne sur la reprise de Toulon (décembre 1793), la Fête de la Souveraineté du peuple (mars 1799) sur des paroles de Boisjolin ou l’Hymne à la Victoire composé au lendemain de la bataille de Fleurus. Auteur également de plusieurs ouvrages lyriques dont Les Bayadères et Wallace, ou le Ménestrel écossais, Catel resta néanmoins dans l’ombre: on ne peut donc que saluer la véritable résurrection dont il fait l’objet à travers ce magnifique livre-disque.


Sémiramis, tragédie lyrique en trois actes, n’a pas eu de succès au fil du temps: il faut dire que, dès sa création, elle n’avait déjà recueilli que critiques et quolibets. C’est dommage car, comme le relevait également Bonnefont, «la partition était loin de manquer de valeur, cependant; si elle ne brillait pas par ces traits de création qui marquent tout d’abord la place d’un artiste, le chant y était d’une élégante pureté, la déclamation d’une justesse parfaite, l’harmonie d’une richesse sobre et bien entendue» (Op. cit., p. 121). La grande difficulté à laquelle Catel dut faire face consistait surtout en ce que la création de l’ouvrage, en 1802, coïncidait avec la parution de son Traité d’harmonie, ouvrage qui mit le feu au sein du Conservatoire (créé en 1795), où souffla un vent de révolte contre le jeune impétrant. Comme le rapporte un observateur avisé de l’époque, la création de Sémiramis avait été annoncée avec force publicité en raison de la magnificence annoncée des costumes et des décors (financés pour partie par Catel lui-même), de la jeunesse de son auteur, de l’origine du livret (il ne s’agissait rien moins que de la tragédie de Voltaire, remaniée il est vrai par Desriaux), «bref, un spectacle à mettre en pâmoison les peintres, les poètes, les archéologues et autres habits verts de l’Institut! Mais on parlait aussi d’une cabale organisée contre l’ouvrage; on annonçait, pour le débutant, des murmures, des sifflets, du vacarme, tout un charivari ou voulaient donner de la voix maints et maints jolis merles de parterre» (Gilbert-Augustin Thierry, Conspirateurs et gens de police: la mystérieuse affaire Donnadieu, 1909, p. 168).


L’histoire de Sémiramis, reine légendaire de Babylone, créatrice des fameux jardins suspendus ornant la ville, est connue. Elle a inspiré maints compositeurs, dont les plus célèbres sont Vinci et, bien sûr, Rossini. Le livret mêle intrigue historique et aventures amoureuses: Azéma est éprise du guerrier Arzace, revenu vainqueur d’une guerre menée contre les Scythes. Au milieu de la liesse accueillant les troupes des vainqueurs, le grand prêtre Oroès proclame que l’esprit de Ninus, le mari défunt de Sémiramis (assassiné de même que son fils, Ninias, par Assur sur les ordres de Sémiramis), réclame vengeance. Au courant des amours avouées, Assur, le tyran de Babylone, également amoureux d’Azéma, veut tout faire pour faire échouer le mariage entre Azéma et Arzace et s’engage donc à tuer Arzace. Dans le même temps, Sémiramis annonce au peuple de Babylone qu’elle va se marier avec Arzace qui, loin d’être mort, est en fait Ninias, c’est-à-dire son propre fils! Devant le dépit naturel d’Azéma, Arzace avoue n’avoir pas été tenu informé des projets de Sémiramis, et renouvelle son amour à l’encontre d’Azéma. De son côté, Oroès révèle à Arzace son passé et l’assassinat de son père par sa mère. Ce dernier va alors voir Sémiramis qui demande la mort pour le forfait jadis accompli. Dans le tombeau de Ninus, Assur et ses partisans attendent la venue d’Arzace qui, afin de régner, devait s’y engouffrer, mais Sémiramis y descend également et, dans l’obscurité, c’est elle qui est assassinée.


On s’en doute: le drame est la ligne directrice de cette œuvre. Et cela s’entend dès l’Ouverture, magnifique: les tons plaintifs des bassons, que l’on réentendra d’ailleurs par la suite, inaugurent un très beau moment musical aux couleurs crépusculaires, les cordes s’engageant dans un beau crescendo à compter de 4’28 qui n’est pas sans évoquer l’ouverture de Fierrabras de Schubert. L’orchestre, dirigé tantôt avec verve, tantôt avec douceur par Hervé Niquet, hérite là d’une splendide partition. Qu’il s’agisse du passage alliant la tristesse des bassons à celle des violoncelles dans la «Marche des prêtres» (acte I), de la festive «Danse pour les Africains» qui conclut ce même premier acte au son des flûtes et des percussions (cymbales et grosse caisse en tête), ou du rôle de la harpe et des vents, Catel a mis au service de Sémiramis toute une palette orchestrale qui charme immédiatement l’auditeur. Mais ce sont surtout les ensembles entre voix et instruments qui sont particulièrement réussis. A ce titre, le chœur de prêtresses «Prêtresses de l’Hymen» au deuxième acte est splendide: l’alliance entre les bois, la harpe, le cor solo et les voix féminines crée un climat tout à fait extatique d’une grande douceur. Déjà, au premier acte, on ne peut qu’apprécier à sa juste valeur l’ensemble «O sentence cruelle» où les voix de Sémiramis, Azéma et Oroès se marient parfaitement aux chœurs et aux interventions des bassons et des clarinettes.


Côté voix, c’est sans conteste l’héroïne qui l’emporte. Maria Ricarda Wesseling bénéficie d’une voix chaude et bien projetée, en dépit d’une prise de son (en concert, rappelons-le) parfois un peu sèche. Même si elle intervient finalement moins que d’autres personnages, elle domine ses comparses par son air «J’avais cru que ces dieux» (acte I), proche du Fidelio de Beethoven, et par le magnifique duo qu’elle entonne avec Azéma, «O voiles de la mort» (acte I). Si son premier air déçoit en raison d’une élocution difficilement compréhensible, Gabrielle Philiponet, qui tient le rôle d’Azéma, est très convaincante pendant tout le reste de l’opéra. Qu’il s’agisse de son air aux franches couleurs mozartiennes «Que l’éclat de votre naissance» (acte II) ou, plus encore, de ses duos avec Arzace (rôle parfaitement tenu par Mathias Vidal) dans le passage «De tant d’amour» (acte II) et «Songe qu’à toi je me confie» (acte III), elle illumine à maintes reprises la musique de Catel. Dans le rôle d’Oroès, Andrew Foster-Williams bénéficie certes d’une belle voix mais celle-ci aurait peut-être pu gagner en profondeur et en noirceur. Irréprochable en revanche, le chœur du Concert spirituel démontre une fois encore sa valeur et son implication, de la première à la dernière note.


Réalisé sous les auspices du Palazetto Bru Zane (qui s’emploie, avec Hervé Niquet, à redécouvrir le répertoire français du XIXe siècle), cet enregistrement est donc une vraie découverte, à tous points de vue. Pour l’implication des artistes, pour son intérêt musicologique évident, et pour le plaisir qu’il nous procure, on ne peut que le recommander chaudement et, par la même, souhaiter qu’il fasse des émules.


Le site du Concert spirituel
Le site de Maria Riccarda Wesseling
Le site de Mathias Vidal
Le site de Nicolas Courjal
Le site d’Andrew Foster Williams


Sébastien Gauthier

 

 

 

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