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10/07/2012 Gustav Mahler : Symphonie n° 9
Symphonieorchester des Bayerischen Rundkunks, Bernard Haitink (direction)
Enregistré en public à la Philharmonie im Gasteig, Munich (15-16 décembre 2011) – 79’53
BR Klassik 900113
Inlassablement, Bernard Haitink revient à Gustav Mahler. Depuis plus de quarante ans grâce au concert et au disque, plus singulièrement encore grâce à la diversification des supports d’enregistrement et de diffusion, le mélomane peut suivre le chef néerlandais (né en 1929) dans son travail sur l’écriture mahlérienne et son approfondissement du message d’une œuvre aujourd’hui mise à l’affiche ad nauseam. Et voir en lui un guide – sinon un phare. Cette nouvelle version de la Neuvième Symphonie – où Haitink dirige l’Orchestre symphonique de la Radio Bavaroise – en est l’illustration éclatante.
Le premier mouvement monte en puissance avec une logique dans l’organisation et une perfection dans l’exécution instrumentale telles qu’elles dissipent rapidement la crainte d’une interprétation routinière. Haitink convoque un ballet d’ombres et de fantômes moins inquiétants qu’implacables... jusqu’à l’intimité des dernières mesures et ces dialogues entre pupitres, baignés de crainte et de sincérité. Cet Andante comodo de 2011 finit par prendre à la gorge... davantage encore qu’un autre live exemplaire du chef – celui de 1987 avec le Concertgebouw d’Amsterdam (Philips). L’Im Tempo eines gemächlichen Ländlers ne se situe pas à la même hauteur émotionnelle, une sorte d’indifférence paraissant gagner des pupitres peut-être trop sûrs d’eux (... on croirait entendre du Haydn!) et du coup moins intéressants à suivre. Au début du mouvement du moins, Haitink recommençant à mettre en danger ses musiciens, interpelant la partition par une battue qui ne présente, elle, aucun signe d’indifférence. Le vieux maître parvient même à surprendre par des inflexions rythmiques qu’il n’avait jusqu’ici jamais tentées – preuve étant donnée que cet interprète de légende aura, tout sa vie durant, continué à remettre son Mahler sur le métier...
Déroutant davantage encore, le chef organise avec tout autant de maîtrise le désordre du Rondo-Burleske, s’entêtant dans une répétition des mêmes nuances – qui pourra rebuter les mahlériens plus attachés aux fulgurances d’un Sanderling, d’un Neumann ou d’un Bernstein –, refusant de débrider le bolide orchestral – pour mieux mettre en scène le surgissement du thème de l’Adagio, à la fin du troisième mouvement. Quant à l’ultime volet de cette symphonie, il respire l’évidence. De facture plus classique, d’un naturel plus simple aussi, l’approche de Haitink n’en rend pas moins justice à cette page où les crescendos sont des lames de fond et qui s’achève dans le silence – dans cette «nudité solaire» qu’évoque si justement Henry-Louis de la Grange. Au sein d’une discographie pléthorique (plus de cent cinquante versions), on peut classer ce disque parmi les versions de complément, celles qui ouvrent une voie d’approfondissement, confirmant que Bernard Haitink est bien un apôtre pour Mahler.
Gilles d’Heyres
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