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07/19/2012
Benjamin Britten : Songs and Proverbs of William Blake, opus 74 – Tit for Tat – Folk-songs

Roderick Williams (baryton), Iain Burnside (piano)
Enregistré à Westleton, Suffolk, Angleterre (4-6 janvier2011) – 60’45
Naxos «The English Song Series» 8.572600 – Notice en anglais de Philip Lancaster et textes inclus





La voix particulière du célèbre ténor Peter Pears inspira plusieurs œuvres d’envergure à Benjamin Britten (1913-1976 ) mais, bien que plus rarement, il composa aussi pour d’autres interprètes, parmi lesquels Dietrich Fischer-Dieskau avec qui l’entente fut si profonde lors de la création du War Requiem en 1962. Songs and Proverbs of William Blake (1965) reste parmi les plus grands cycles de mélodies de Britten et le seul écrit spécifiquement pour baryton mais, en 1968, le compositeur reprit, en les retravaillant à peine, cinq mélodies de jeunesse destinées à cette voix qu’il rassembla sous le titre de l’une d’entre elles, Tit for Tat. Roderick Williams et Iain Burnside réunissent ici les deux cycles, avec en complément de programme dix des nombreux arrangements de chants traditionnels que Britten prit plaisir à réaliser tout au long de sa vie.


Ecrites à l’origine entre 1928 et 1930 sur des poèmes de Walter de la Mare, les mélodies du cycle Tit for Tat n’innovent en rien mais révèlent le talent certain pour la musique vocale de leur jeune auteur qui s’attache à une mise en valeur des paroles avec une limpidité mélodique de bon aloi, les gradations d’un piano fluide en devenant une ponctuation efficace. De la douce poésie romantique de «Silver» au frisson de l’implacable «Tit for Tat», les deux interprètes les défendent bien, sans trop en appuyer les effets. Ils servent avec tout autant de discrétion et de sensibilité les dix Folk-songs, chansons bien connues outre-Manche, toutes du patrimoine, de provenance diverse. Les arrangements de Britten respectent les bien-aimés airs d’origine tout en soulignant leur beauté modale et en révélant avec élégance leur fine saveur sans forcer le trait. Les amateurs apprécieront d’autant plus la tendresse et le sourire décalé de «The foggy, foggy dew», la profonde mélancolie de «The Salley Gardens» (en fait, un poème de W.B. Yeats adapté dès 1909 à un air traditionnel préexistant) ou la triste douceur de «The Ash Grove», pour n’en citer que trois. L’humour en clin d’œil des plus espiègles reste intact.


Songs and Proverbs of William Blake est d’une toute autre hauteur de vue. Auteur du poème qui devait inspirer le célèbre hymne Jerusalem à Hubert Parry, William Blake (1757-1827), artiste et graveur, était aussi un poète métaphysique, humaniste, mystique et philosophe. Mettre ses poèmes en musique sans en laisser perdre les implications profondes est une gageure. Le compositeur résout l’équation en mettant un piano créatif, rapide, fluide, dramatique et coloré en retrait d’une ligne de chant déployée, chaque mot modelé, les voyelles au besoin étirées, les sonorités d’un chromatisme légèrement atonal immédiatement reconnaissable comme étant de Britten et de nul autre. (On peut penser au «Nocturne» de la Serenade opus 31). «The Chimney-sweeper» peut servir d’exemple. Au piano il attribue la légèreté souriante du cœur de l’enfant, et à la voix sobre le non-dit du drame, entrevu par le biais et par éclairs, du petit ramoneur condamné par ses origines sociales à une mort prématurée. Exprimer ainsi un seul élément du cycle, c’est, cependant, trop simplifier une expression poétique concentrée, énigmatique et succincte, voire ésotérique, clairement suggérée par la mise en musique de Britten et mise en relief par la reprise de certains vers ou images en écho, en ombre ou en saillant repoussé.


Le cycle exige une interprétation de haut niveau et on ne peut oublier que les premiers interprètes en étaient Fischer-Dieskau et Britten lui-même. La voix de Roderick Williams est plus légère que celle de son aîné, bien moins riche dans les graves, mais il soigne le texte avec une diction impeccable, dégageant le sens avec une distance intelligente, sa sensibilité apportant les nuances nécessaires et sa maîtrise technique permettant de varier les intensités au cours d’un même phrasé ou de souligner certaines notes avec de discrets soufflets efficaces. «The Tyger», cher au cœur des anglophones, peut manquer de velours, de feu et d’effroi, la lumière mystique illumine peut-être moins «Ah! Sun-flower», mais sa voix convient bien aux traits plus cyniques omniprésents et aux arêtes vives des «Proverbs» ou d’«A Poison Tree», et sa retenue est aussi efficace qu’elle est admirable. Iain Burnside traite avec une retenue semblable une partie de piano haute en couleurs et en effets dramatiques et cette demi-teinte à deux augmente tout aussi bien la tendresse que le feu et la force de la noirceur glacée et du petit vent âpre qui imprègnent la poésie de Blake et qui pourraient passer inaperçus.


Un «Proverb», aphorisme percutant, devient le prélude de chacun des sept poèmes en s’y enchaînant, et le recueil des quatorze se chante sans pause marquée, quelques mesures au piano en transition. Comme au récital de Gerald Finley et de Julius Drake, plus extraverti, mais de conception comparable sans être entièrement de Britten, c’est le cycle Songs and Proverbs de William Blake qui prête à ce récital une valeur universelle – mais les mélomanes anglophones ou anglophiles ne pourront rester insensibles au charme de l’ensemble.


Christine Labroche

 

 

 

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