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06/06/2012 Johann Sebastian Bach : Trois Préludes de choral: «Nun komm, der Heiden Heiland», BWV 659, «Meine Seele erhebt den Herrn», BWV 648, et «Wachet auf ruft uns die Stimme», BWV 645 [1] – Sonate pour violon et clavier en mi mineur, BWV 1023 [2] – Prélude et Fugue pour orgue en ré majeur, BWV 532 [3] – Passacaille et Fugue pour orgue en ut mineur, BWV 582 [4] (orchestrations Respighi) – Fantaisie et Fugue pour orgue en ut mineur, BWV 537 [5] (orchestration Elgar)
Ilkka Talvi (violon), Seattle Symphony, Gerard Schwarz (direction)
Enregistré à Seattle (15 octobre 1989 [4], 8 juin [2], 12 septembre [3], 2 octobre [1] 1990, 1er janvier 1990 et 8 janvier 1991 [5]) – 57’23
Naxos 8.572741
«Bach Métamorphoses»
Johann Sebastian Bach : Toccata et Fugue pour orgue en ré mineur, BWV 565 (orchestration Stokowski) – Fugue pour orgue en sol majeur (Fugue à la gigue), BWV 577 (orchestration Holst) – Fantaisie et Fugue pour orgue en ut mineur, BWV 537 (orchestration Elgar) – Italienisches Konzert, BWV 971 (orchestration Talmi) – Die musikalische Opfer, BWV 1079: «Ricercare a 6» (orchestration Webern) – Passacaille et Fugue pour orgue en ut mineur, BWV 582 (orchestration Respighi)
William Walton : The Wise Virgins (Suite)
Alexander Weimann (clavecin), Orchestre symphonique de Québec, Yoav Talmi (direction)
Enregistré à Québec (26 et 27 mars 2008) – 74’30
ATMA Classique ACD2 2570
Longtemps regardées avec une certaine suspicion, les orchestrations d’œuvres de Bach (dont bon nombre originellement destinées à l’orgue) ont bénéficié ces dernières années d’un retour en grâce, paradoxalement au moment même où l’approche «baroqueuse» triomphait dans ce répertoire. La plupart de ces arrangements, pour lesquels Stokowski, aussi bien chef qu’orchestrateur, a établi des références absolues, datent de l’entre-deux-guerres: leur justification n’était alors nullement mise en doute, et il est frappant de voir que les arguments invoqués à leur appui sont presque identiques, tant par Elgar («J’ai voulu montrer comment sa musique aurait pu paraître splendide, grandiose et brillante s’il avait disposé des moyens de notre époque») que par Stokowski («Si Bach était vivant aujourd’hui, il écrirait sans doute pour l’orchestre hautement sophistiqué de notre époque [...] de même qu’il a exploité toutes les ressources de l’orgue à sa propre époque»). Ces orchestrations ne figurent désormais quasiment plus à l’affiche des salles de concert, mais deux publications récentes témoignent d’un réel regain d’intérêt et de légitimité esthétique: d’une part, la réédition par Naxos d’un enregistrement réalisé voici un peu plus de vingt ans, d’autre part une nouveauté chez ATMA Classique.
Gerard Schwarz, avec le Symphonique de Seattle, dont il fut le directeur musical de 1985 à 2011 (poste auquel Ludovic Morlot lui a succédé cette saison) et dont il est désormais chef honoraire, s’est limité à deux des compositeurs ayant travaillé sur Bach: Respighi et Elgar, représentants d’une rutilance symphonique à laquelle Stokowski mais aussi Schönberg (notamment pour le Prélude et Fugue en mi majeur) ont succombée à la même époque. C’est aussi l’occasion de constater que Respighi ne s’est pas intéressé qu’à la Passacaille et Fugue en ut mineur, réalisée à la demande de Toscanini et dont Stokowski proposa par ailleurs sa propre orchestration, car il a également adapté trois préludes de choral et le Prélude et Fugue en ré majeur (BWV 532). Schwarz joue pleinement le jeu du style ronflant voire grandiloquent qu’on associe généralement à ces adaptations symphoniques: large son de cordes («Wachet auf»), ampleur du geste, épaisseur assumée (Prélude et Fugue en ré majeur, avec ses deux pianistes dans l’orchestre).
Antérieur à cette démesure orchestrale de la fin des années 1920, l’arrangement de la Sonate pour violon et clavier en mi mineur (1909) fait preuve de davantage de modestie, mobilisant seulement orgue et cordes pour la partie de clavier, face à un violon (Ilkka Talvi) désormais concertant, le tout avec un petit côté Prélude et Allegro de Pugnani/Kreisler. Dans cet album – à la notice un peu succincte (en anglais) – presque entièrement dédié à Respighi, Elgar n’apparaît en fait qu’au travers du seul diptyque Fantaisie et Fugue en ut mineur, qu’il orchestra en 1921-1922 après avoir songé à partager le travail avec R. Strauss (la Fugue pour lui, la Fantaisie pour l’Allemand): Schwarz met à nouveau ici en valeur la profondeur des textures, à l’image d’un premier volet qui en devient quasi schumannien.
Plus original, Yoav Talmi, à la tête de l’Orchestre symphonique de Québec, dont il est le directeur musical depuis 1998, a adopté un parti pris différent: au lieu de se concentrer sur deux orchestrateurs, il en change d’une pièce à l’autre. Mais il n’en a pas moins effectué deux choix identiques à ceux de Schwarz: les diptyques Fantaisie et Fugue et Passacaille et Fugue revus respectivement par Elgar et Respighi. Plus rapide dans l’un comme dans l’autre, le chef israélien adopte une approche moins traditionnelle que celle de Schwarz et semble vouloir se rapprocher davantage, autant que possible, de la partition originale.
Pour le reste, le disque, d’une durée plus généreuse et incluant une notice concise mais informative (en français et en anglais), rend hommage à l’incontournable Stokowski, avec une version plus en subtilité qu’en puissance de la célébrissime orchestration de la non moins fameuse Toccata et Fugue en ré mineur. Dans une instrumentation moins monumentale, ménageant des solos de flûte, de hautbois et de violon, la Suite du ballet Les Vierges sages (1940) de Walton est bien représentative de l’esprit néoclassique de l’entre-deux-guerres, avec son montage d’un choral pour orgue et de cinq airs ou chœurs extraits de cantates (dont le célèbre «Que les brebis paissent en paix» de la Cantate de la chasse). Toujours en Angleterre, on découvrira aussi la manière dont Holst a arrangé en 1928 la brève Fugue en sol majeur (apocryphe). Beaucoup plus connue, la vision de Webern (1935) du «Ricerare a 6» de L’Offrande musicale est autrement plus célèbre et bénéficie d’une interprétation rétive à toute austérité, souple et vive, presque dansante.
Enfin, Talmi a lui-même mis la main à la pâte en 2007 pour un Concerto italien qui devient ainsi un véritable... concerto, avec clavecin solo (Alexander Weimann), moyennant l’ajout d’une introduction orchestrale au premier mouvement et d’une coda dans l’Andante: réalisation indéniablement habile qui, tout en recourant à un effectif limité (cordes, hautbois – dont le solo expose la mélodie de l’Andante – et bassons), ne s’encombre pas outre mesure de préoccupations d’authenticité.
Simon Corley
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