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05/19/2012 «Ludwig van Beethoven. Sonates vol. 2»
Ludwig van Beethoven : Sonates n° 15, opus 28 (#), n° 16, opus 31 n° 1, n° 17, opus 31 n° 2, n° 18, opus 31 n° 3, n° 19, opus 49 n° 1 (#), n° 20, opus 49 n° 2 (#), n° 21, opus 53 (#), n° 22, opus 54, n° 23, opus 57, n° 24, opus 78, n° 25, opus 79, et n° 28, opus 101
François-Frédéric Guy (piano)
Enregistré en concert à l’Arsenal de Metz (18 mai [#], 7 et 8 décembre 2010, 19 et 20 avril 2011) – 210 minutes environ
Un album de trois disques Zig-Zag Territoires ZZT304 (distribué par Outhere) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
Acte II pour cette intégrale des Sonates de Beethoven – enregistrée en concert par François-Frédéric Guy (né en 1969) et éditée par Zig-Zag Territoires. La publication de ces douze sonates témoigne, comme le souligne Beate Angelika Kraus dans la notice, de «conceptions fort différentes de l’écriture musicale, allant de la simple sonatine à la puissante Grande Sonate qui repousse toutes les limites formelles connues jusqu’alors». Sans les gommer, le pianiste français – qui connaît son Beethoven – unifie ces conceptions par une approche remplie de fraîcheur et de liberté. Ainsi le tardif Opus 101 (1816) surprend-il par son refus du pathos – dans la concentration du premier mouvement, la modération du Lebhaft, le recueillement du Langsam und sehnsuchtsvoll – et par la clarté de ses dynamiques – trouvant dans le dernier mouvement une pulsation et une vitalité dont la légèreté est stylistiquement proche des Opus précédents –, construisant des passerelles remontant jusqu’aux deux petites Sonates, opus 49 (1796-1798), interprétées avec la même clarté de plan et de doigté.
Le premier volume présentait «un Beethoven tout en douceur, serein et même lumineux par moments –, qui questionne le texte en multipliant les arrêts sur image et en canalisant les aspérités». Le volume 2 témoigne également d’une tendance à retenir et même brider le tempo comme pour mieux forcer l’attention: dans l’affranchissement presque désinvolte de l’Adagio grazioso de l’Opus 31 n° 1 (1802), dans le Menuetto entravé et piquant de l’Opus 31 n° 3 (1802), dans la délicatesse de l’Andante de la Vingt-cinquième Sonate (1808), dans les remous et les puissants contrastes de la Waldstein (1804). Le jeu de François-Frédéric Guy se caractérise aussi par la recherche de l’éloquence – livrant une Thérèse (1809) affirmative, une Appassionata (1805) catégorique (... et, du coup, un peu dogmatique), une passionnante Dix-huitième Sonate (1802) surtout (réjouissante de pulsation et de fraîcheur, de tranchant et de légèreté).
Dire que ce Beethoven nous emporte et nous convainc avec la même évidence que chez Kovacevich (EMI) – qui demeure la référence contemporaine dans ce corpus pianistique – serait exagéré. Des réserves se profilent face au Rondo un peu brumeux de la Seizième Sonate (1802), à l’Adagio presque timide de l’Opus 31 n° 2 (1802), à l’Allegretto heurté et irrégulier de la Tempête (1802), à la rectitude de la Pastorale (1801) ou de la Vingt-deuxième Sonate (1804) – peut-être trop appuyée. Jouées avec une fluidité instinctive, ces sonates qui assument leur instabilité ne suscitent pas une égale adhésion. Mais elles respirent toutes la liberté comme la nouveauté – ce qui n’est pas le moindre des messages beethovéniens.
L’Everest n’étant pas encore gravi, on attendra le dernier volume pour porter un regard d’ensemble sur l’intégrale de François-Frédéric Guy, qui fait suite à celle des Concertos pour piano avec le Philharmonique de Radio France. Une entreprise dont apparaît déjà l’incontestable intégrité. Un Beethoven «à la française» – à mille lieues de la gravité et du poids qu’ont pu y imprimer tant d’interprètes (Arrau, Gilels...), tout autant éloigné du motorisme décapant insufflé par d’autres (Backhaus, Gulda...). Un Beethoven qui prolonge, une douzaine d’années après, le geste de Georges Pludermacher lors des Flâneries musicales de Reims (Transart), un autre pianiste français qui avait, lui aussi, marqué les esprits avec une intégrale gravée en concert.
Le site de François-Frédéric Guy
Gilles d’Heyres
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