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05/14/2012
Frédéric Chopin : Scherzos n° 1, opus 20, n° 2, opus 31, n° 3, opus 39, et n° 4, opus 54 – Nocturnes n° 5, opus 15 n° 2, n° 19, opus 72 n° 1, et n° 20, opus posthume – Chants polonais n° 1 et n° 5 (transcription Liszt)
Franz Liszt : En rêve. Nocturne
Maurice Ravel : Gaspard de la nuit
Benjamin Grosvenor (piano)
Enregistré au Lyndhust Hall de Londres (23-26 avril 2011) – 75’28
Decca 478 3206 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
Frédéric Chopin : Scherzos n° 1, opus 20, n° 2, opus 31, n° 3, opus 39, et n° 4, opus 54 – Impromptus n° 1, opus 29, n° 2, opus 36, n° 3, opus 51, et n° 4, opus 66 «Fantaisie-Impromptu» – Chanson lituanienne
Eugen Indjic (piano)
Enregistré à la Filharmonia Pomorska de Bydgoszcz (décembre 2006) – 59’05
Calliope CAL 9368 (distribué par harmonia mundi) – Notice de présentation en français et en anglais
Les deux intégrales des Scherzos de Chopin qui nous parviennent sont l’occasion de confronter un très jeune talent (déjà édité par un label de prestige) à une valeur sûre du clavier. Et la confrontation tourne vite à l’avantage du vieux maître. Certes, le pianiste britannique Benjamin Grosvenor (né en 1992) ne manque pas d’épater par la précocité et l’abondance de ses talents. On apprécie notamment la souplesse d’un doigté d’une légèreté étonnante (parce que jamais terne), qui se combine à une poigne nullement clinquante. Le tour de force est digne de toutes les louanges et, de toute évidence, on tient là un grand pianiste pour les années à venir.
Mais, au-delà de cette maîtrise épatante de l’instrument, aime-t-on pour autant le Chopin fougueux et juvénile que nous sert Benjamin Grosvenor? On l’admire plus qu’on ne l’aime, à dire vrai... Rafraîchissantes sont les libertés prises dans les tempos, touchantes les déferlantes de rubato, audacieux les traits – jamais entendus – soulignés ici et là, génialement inventive l’entreprise de recréation du texte – bousculant les habitudes d’interprétation. Mais cette originalité à tout prix dénature davantage qu’elle ne révèle le discours chopinien – parfois presque hystérique et finalement vidé de tenue et de style. Si cela fonctionne par moments – dans le Quatrième Scherzo, par exemple, éclairé d’une délicate lumière impressionniste –, ce Chopin prétentieux vire la plupart du temps à la pantalonnade. Les trois Nocturnes et les deux Mélodies confirment globalement cette impression d’une sensibilité encore adolescente, le lyrisme à-fleur-de-peau étant irrémédiablement gâché par quelques minauderies bien inutiles. Les superbes moyens du pianiste sont, en revanche, considérablement mieux mis à profit dans Gaspard de la nuit: le lutin Grosvenor parvient à y accorder le ludique et l’obsessionnel, le fugace et le maniaque, dans un Ravel d’une absolue singularité mais d’une grande concentration et – au bout du compte – d’une indéniable cohérence. A défaut d’être conquis par cette version d’approfondissement d’une œuvre où l’on reste fidèle à Gulda, Argerich & consorts, on est emporté par l’espièglerie du ton et la légèreté du toucher.
Sans révolutionner – lui non plus – la discographie, Eugen Indjic (né en 1947) signe un album racé et sans faute de goût. La justesse de l’intonation dans Chopin procède assurément d’une articulation plus traditionnelle – qui donne du souffle à l’Opus 20, de l’authenticité à l’Opus 39, de la noblesse à l’Opus 54. Cette articulation impeccable tend néanmoins à se faire trop appuyée et, comme en concert, on regrette l’étirement des tempos – ainsi qu’une occasionnelle lourdeur dans la frappe qui brise l’évanescence poétique de certains passages (Opus 31). D’un caractère quelque peu monotone, ce disque entièrement consacré à Chopin – dont Eugen Indjic a déjà gravé l’intégrale des Mazurkas (chez le même éditeur) – est complété par des Impromptus sans fioritures, dans un style assez proche de celui d’Arthur Rubinstein (mais en moins intransigeant – notamment dans un Opus 66 flirtant dangereusement avec l’alanguissement). Au total, le disque du pianiste franco-américain a deux défauts: son minutage un peu chiche (moins d’une heure de musique) et son interprétation sans originalité dans un contexte discographique surabondant. Mais c’est peu dire que l’on préfère ce Chopin mûr et posé aux excentricités de la jeunesse...
Le site de Benjamin Grosvenor
Le site d’Eugen Indjic
Gilles d’Heyres
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