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04/11/2012 Anton Bruckner : Symphonie n° 5 en si bémol majeur (édition Haas, version originale de 1875-1878) Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Günter Wand (direction)
Enregistré en public au Konzerthaus de Berlin (6 octobre 1991) – 76’51
Profil Hänssler PH09042 (distribué par Intégral) – Notice bilingue (allemand et anglais) de Wolfgang Seifert
Sélectionné par la rédaction
Anton Bruckner : Symphonie n° 5 en si bémol majeur (édition Haas, version originale de 1875-1878)
Entretien de Michael Berkeley avec Günter Wand à propos de la Cinquième Symphonie d’Anton Bruckner (*)
BBC Symphony Orchestra, Günter Wand (direction), Peter Maniura (réalisation)
Enregistré en public au Royal Albert Hall (9 septembre 1990) et en studio aux Maida Vale Studios (6 septembre 1990) (*), Londres – 76’38
Ica Classics ICAD 5049 – Son PCM Stereo – Format 16:9 – Région Code 0 – Notice trilingue (anglais, français et allemand) de Michael McManus
Indéniablement, Anton Bruckner (1824-1896) a fait partie du répertoire de prédilection de Günter Wand (1912-2002) lui qui, à la fin de sa vie, n’a pratiquement dirigé aucun autre compositeur. Cette Cinquième Symphonie a été une compagne fidèle du chef allemand: parmi les nombreux enregistrements qu’il en a laissés, on retiendra tout particulièrement les gravures qu’il a réalisées à la tête de l’Orchestre de la WDR en 1974 (RCA), de l’Orchestre philharmonique de Munich en 1995 (Hänssler) ou de celui de Berlin en 1996 (RCA). De ce point de vue, les deux présentes versions sont l’occasion d’opérer une confrontation passionnante entre deux concerts, réalisés à presqu’un an d’intervalle, le premier dans le cadre du Konzerthaus de Berlin, le second dans celui des fameux Proms de Londres.
Le concert berlinois ne nous apprend pas grand-chose sur la conception que Wand se faisait de l’œuvre. On admire ici la très grande probité dans son approche: une ligne mélodique claire dont les tenants et les aboutissants apparaissent dès les pizzicati de l’Adagio du premier mouvement. La rondeur du son donne aux premiers accents des cuivres une puissance extraordinaire qui ne s’avère jamais criarde, ni étourdissante: bien au contraire, c’est toute la solennité de l’œuvre que l’on perçoit dès ces premières minutes avant que les violoncelles ne déclament le célèbre thème que l’on retrouvera d’ailleurs dans le quatrième mouvement. Dans l’Adagio, qui peut rapidement apparaître décousu, Wand conduit ces phrases avec une indéfectible cohérence qui ne perd jamais l’auditeur mais qui, au contraire, le guide patiemment dans les méandres d’une partition plutôt complexe. Là encore, l’orchestre est remarquable, notamment les cordes au volume et à la cohésion tout à fait impressionnants. Le Scherzo résume à lui seul l’approche de cette symphonie par Wand: une très grande élégance qui ne s’embarrasse d’aucun alanguissement, quitte à ce qu’il apparaisse parfois excessivement austère. Quant au Finale, il termine ce concert de la plus belle manière, le choral conclusif étant mené avec une justesse saluée par de vifs applaudissements, même si les trompettes donnent quelques signes de faiblesse dans leurs toutes dernières interventions.
Onze mois plus tôt donc, Günter Wand dirigeait déjà cette Cinquième dans le cadre des Proms de Londres, à la tête de l’Orchestre symphonique de la BBC. La conception du chef est peu ou prou identique à celle qu’il aura d’ailleurs presque toujours eue: probité dans l’approche, clarté dans la mélodie, rigueur dans l’exécution. Le résultat musical, comme on pouvait le présumer, s’avère moins convaincant que dans le disque berlinois, l’orchestre londonien ayant sans doute une moindre habitude de la fréquentation de la musique de Bruckner que son confrère d’outre-Rhin. Les cordes manquent de volume en maintes occasions, les cuivres ne sont pas aussi éclatants qu’on pourrait le souhaiter. Surtout, la réalisation visuelle pêche par une approche trop scolaire de la symphonie: des plans diversifiés certes mais trop centrés sur les instruments au moment de leurs interventions proprement dites alors que la direction de Wand est étonnamment négligée. C’est fort dommage car sa gestique est très belle: debout devant un pupitre qui ne comporte pas de partition, même fermée, Günter Wand adopte sa battue habituelle, la main gauche très expressive tandis que la droite tient sa longue baguette fréquemment dirigée vers le bas. On aimerait en savoir plus mais les caméras ne le permettent malheureusement pas. La ferveur est d’autant plus bridée que les musiciens, pourtant galvanisés par le chef, ont l’air de s’ennuyer fermement. A titre de témoignage filmé, on s précipitera plutôt sur l’un des derniers concerts de Günter Wand au Festival du Schleswig-Holstein 1998 à la tête de l’Orchestre symphonique de la NDR: à quatre-vingt six ans, quelle force, quelle maîtrise, quelle émotion!
Quant au complément du concert, un entretien avec Günter Wand sur l’œuvre, quelle déception et, même, quelle frustration: moins de quatre minutes alors que l’entendre parler de façon un tant soit peu détaillée devrait être extrêmement instructif pour un chef qui, comme lui, a si longtemps pratiqué cette musique.
En conclusion, entre les deux présentes versions, le disque l’emporte sans conteste sur la vidéo même si, au sein des divers témoignages de Wand dans cette œuvre, on préfèrera en rester aux versions superlatives données sous sa direction par l’Orchestre de la NDR et par le Philharmonique de Berlin.
Sébastien Gauthier
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