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03/16/2012 Franz Liszt : Années de pèlerinage
Carlo Gesualdo : «Io tacero» – «In van dunque» – «Non t’amo» – «Asciugate i begli occhi» – «Peccantem me quotidie»
Luca Marenzio : «Amor, i’ho molti» – «Così nel mio parlar... Et ella ancide» – «Dura legge d’Amor... E so come in un punto»
Ragna Schirmer (piano), Ensemble vocal amarcord
Enregistré à la Freylinghausensaal, Franckesche Stiftungen, Halle an der Saale (juillet 2010, février et avril 2011 [Liszt]) et à la Neuspastolische Kirche de Leipzig (avril et mai 2011 [Gesualdo, Marenzio]) – 202’12
Album de trois disques Berlin Classics 0300121BC (distribué par Intégral) – Notice de présentation en anglais et en allemand
On avait entendu Ragna Schirmer (née en 1972) dans Schumann, Mendelssohn, Chopin et Brahms. Elle s’attaque à présent à Liszt. Après le récent enregistrement de Bertrand Chamayou (Naïve) – un Must pour ConcertoNet –, il n’est toutefois pas aisé de se faire une place sous le soleil des Années de pèlerinage.
Cet album Berlin Classics se singularise pourtant par l’originalité de l’approche éditoriale. Des madrigaux de Gesualdo (1566-1613) et de Marenzio (1553-1599) s’intercalent ainsi entre certaines pièces de Franz Liszt (1811-1886) dans le but affiché de «renforcer les liens du compositeur avec la Renaissance». Si le concept trouvera peut-être un public, on regrette la rupture de rythme dans la prosodie lisztienne... sans que n’apparaisse véritablement la plus-value intellectuelle de cette architecture composite. Quant au livret (non traduit en français), il se présente sous la forme d’un élégant album de voyage, dont les pages sont parsemées de notes manuscrites de Ragna Schirmer – commentaires («When I was eleven, I always used to dance the tarentella at ballet. I was so fond of it!»), impressions («The blonde in the gondola, why not? I’ve tried it, it’s fun. And the Italians like it»), réflexions («Is it better in unhappy times not to remember happy times? Or is it better... to dance?») – et de petites photos souvenirs. Si la démarche peut sembler égocentrique – voire niaise –, la démarche artistique reste intègre.
Il faut dire que la pianiste allemande dispose de moyens très accomplis. Une frappe puissante, rehaussée par de beaux graves (dans «Il Penseroso», la «Marche funèbre», «Sursum corda» ou «Après une lecture de Dante») lui permet ainsi d’offrir une version monolithique mais sculpturale des Années de pèlerinage. Malheureusement, le contexte discographique oblige à mentionner un discours souvent sec et tendu («Tarentella»), dur et trivial («Canzonetta del Salvator Rosa», «Angélus», «Villa d’Este»). Peinant à trouver une identité – ... comme ce piano reste près du texte! –, ce Pèlerinage ne décolle jamais: la «Vallée d’Obermann» ressemble davantage à une plaine, une mécanique laborieuse tient lieu d’«Orage», une eau fade coule «Au bord d’une source»... L’interprète sait pourtant prendre quelques libertés avec les tempos (on peine par moments à reconnaître «Sposalizio»), mais l’objectivité du toucher («Sonnets de Pétrarque») nuit grandement à l’évanescence et à la poésie de ce monument du romantisme musical.
Le site de Ragna Schirmer
Le site d’amarcord
Gilles d’Heyres
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