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03/12/2012
Georges Enesco : Sonates pour violoncelle et piano n° 1 en fa mineur, opus 26 n °1, et n° 2 en ut majeur, opus 26 n °2

Alexandre Dmitriev (violoncelle), Alexandre Paley (piano)
Enregistré en public à Montpellier (23 juillet 2009) – 67’02
Saphir Productions LVC 1170 – Notice en français et en anglais de Philippe van den Bosch







Georges Enesco : Sonates pour violon et piano n° 1 en ré majeur, opus 2, n° 2 en fa mineur, opus 6, et n° 3 «Dans le caractère populaire roumain», opus 25 – Mouvement de sonate «Torso» en la mineur – Impressions d’enfance, opus 28
Amiram Ganz (violon), Alexandre Paley (piano)
Lieu d’enregistrement non précisé (septembre 2009 et décembre 2010) – 129’00
Album de deux disques Saphir Productions LVC 1114 – Notice en français et en anglais de Xavier Rey





Alexandre Paley a eu la bonne idée d’enregistrer l’intégrale des pièces pour violon et piano et violoncelle et piano de Georges Enesco, dont il partage les origines moldaves. Tout d’abord, le violoncelliste ukrainien Alexandre Dmitriev s’est joint à lui lors du Festival Radio France de Montpellier en 2009 pour une captation en direct des deux Sonates de l’Opus 26. Plus tard la même année, Amiram Ganz, violoniste uruguayen de formation principalement russe, a retrouvé avec lui les différents climats des trois Sonates (opus 2, 6 et 25), avec, de part et d’autre, un mouvement de sonate inachevée de 1911 («Torso») et les lumineuses Impressions d’enfance de 1940, année noire, par ailleurs, s’il en fût. C’est un bel ensemble.


La Première Sonate pour violon et piano date du jeune âge du compositeur (1897). La partition, extérieurement encore brahmsienne, se révèle d’une fougue éclatante ou sombre, d’une richesse rythmique et d’une perfection de facture tout à fait étonnantes. Elle s’épanouit sous les doigts des deux instrumentistes virtuoses, pleine d’audace et de promesses d’avenir que, malgré un classicisme encore romantique, la Première Sonate pour violoncelle et piano de 1898 vient aussitôt confirmer. Dmitriev et Paley en accentuent l’énergie rythmique et le lyrisme tantôt ténébreux tantôt d’un épanouissement franckiste tout à fait radieux. Lors de la composition de la Deuxième Sonate pour violon et piano, Enesco n’avait pas encore tout à fait dix-huit ans mais sa personnalité s’y affirme, surtout dans le Tranquillo central, mystérieux et envoûtant chant modal qui se réfère peut-être aux instants de profonde nostalgie des violonistes itinérants de son enfance – les lautari, par ailleurs si vifs. Ganz en capte le climat, en dialogue avec le piano, les deux musiciens pourtant incandescents lors de l’ampleur emportée des deux mouvements extérieurs.


Torso est plus énigmatique. Seul mouvement achevé d’une sonate pour violon et piano volontairement abandonnée peut-être dans les moments biographiquement difficiles autour de 1911, année de sa composition, la partition, stylistiquement instable, exige une attention de tout instant au cours d’une fluidité mélodique sans cesse brisée. Tout en accentuant de rares fragrances moldaves, Amiram Ganz et Alexandre Paley chassent les faux airs salonnards pour atteindre un degré de nostalgie lancinante, peut-être en deçà, cependant, de leur engagement dans les œuvres précédentes.


Une nouvelle lecture de l’extraordinaire Troisième Sonate pour violon et piano, si justement célèbre, est toujours bienvenue. Le «caractère populaire roumain<» ressort aussitôt sans pittoresque encombrant, les accélérations et les ritardando tout à fait agréables et dans la note, mais, si le violon de Ganz file des aigus d’une grande beauté retenue, si la virtuosité de Paley est une évidence, les climats changeants sont volontairement étirés à la limite extrême et l’interprétation, mélancolique, certes, mais moins rhapsodique et plus lente qu’à l’ordinaire, perd peut-être une part de l’acuité nécessaire. Dans le dernier mouvement, les deux instrumentistes soulignent toute l’originalité de l’œuvre en accusant aussi bien les sonorités aux effets de taraf que la modernité et l’audace de l’écriture d’Enesco à cette époque. Dix ans plus tard vint l’étonnante Seconde Sonate pour violoncelle et piano: Paley, en particulier son toucher très varié, fait ressortir le caractère contemporain, par moments presque motorique, de cette écriture de pleine maturité, Dmitriev lyrique et efficace. Lors du «Final à la roumaine», la composition oppose les deux instruments de manière frappante – au piano toute l’exubérance espérée, au violoncelle toute la sensibilité douloureuse. Le tempérament des deux interprètes semble aller dans ce sens.


Pénétré des sons de son enfance roumaine, Enesco fait appel aux multiples ressources du piano et du violon pour créer sa dernière œuvre pour violon et piano, les Impressions d’enfance, dix miniatures, chacune portant un titre évocateur mis en valeur non par simple imitation mais par une construction musicale recherchée et inventive inspirée de visions fugitives et poétiques. Amiram Ganz crée un «Ménétrier», un lautar virtuose et nuancé qui laisse son empreinte sur la suite. Les deux musiciens affrontent les subtilités de la partition avec maîtrise, optant pour une calme nostalgie qui domine l’énergie latente mais non sa vitalité, énergie qui surgit avec force lors du «Vent dans la cheminée» et de la féroce «Tempête au dehors, dans la nuit».


Les œuvres d’Enesco sont de plus en plus présentes au programme des concerts et des enregistrements. Si les Sonates pour violoncelle risquent néanmoins d’être une belle découverte, le choix par ailleurs est grand et, selon la pièce, le mélomane aura ses favoris, Enesco lui-même avec Lipatti, les deux Menuhin ou encore Kremer et Maisenberg ou les jeunes musiciens tels N. Stark et C. Pescia ou L. Gatto et M. Popovic qui réussissent si bien. Les présents enregistrements présentent cependant un double avantage: malgré une différence de prise de son peut-être au bénéfice des œuvres pour violon, le piano d’Alexandre Paley est l’élément unificateur qui donne un certain cachet à l’ensemble des sept partitions pour les deux formations, ici heureusement réunies.


Christine Labroche

 

 

 

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